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Hubert Wulfranc
Question N° 28192 au Ministère des solidarités


Question soumise le 7 avril 2020

M. Hubert Wulfranc interroge M. le ministre des solidarités et de la santé sur l'absence de prise en compte des recommandations de « l'avis d'experts relatif à la stratégie de constitution d'un stock de contre-mesures médicales face à une pandémie grippale », publié le 20 mai 2019 et mis à jour le 10 septembre 2019 par Santé publique France, qui avait été saisi par la direction générale de la santé le 14 novembre 2016 pour faire face à ce type de risque sanitaire. Placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé, l'établissement public administratif créé a pour mission d'améliorer et de protéger la santé des populations. Cette mission se décline en trois axes : anticiper, comprendre et agir. Concernant les recommandations d'utilisation des masques en cas de pandémie (masques de soins et FFP2), l'avis d'experts susmentionné estime que le besoin en masques est d'une boîte de 50 masques par foyer à raison de 20 millions de boîtes (soit un milliard de masques) en cas d'atteinte de 30 % de la population. L'avis d'experts précise que l'importance du stock est à considérer en fonction des capacités d'approvisionnement garanties par les fabricants, et que les stocks doivent être positionnés au plus près des utilisateurs avec un processus simple et lisible dans la communauté. L'avis d'experts préconise un renouvellement des stocks pour éviter d'atteindre la date de péremption des masques. Il s'agirait en l'espèce de constituer un stock minimal à renouveler, l'objectif étant que ce stock puisse tourner pour être utilisé dans les établissements de santé et médico-sociaux un an avant leur péremption. Enfin, l'avis d'experts préconise de doter certaines associations en charge de patients particulièrement défavorisés d'un stock de masques à distribuer. Malgré ces préconisations claires, la France était dotée, selon les chiffres communiqués par M. le ministre le 17 mars 2020, d'un stock d'État de seulement 110 millions de masques. Ce stock de masques était de un milliard en 2010 et de 700 millions en 2017. La réduction de ce stock stratégique, dans un cadre de quasi dépendance aux importations en provenance de Chine qui assure près de 80 % de la production mondiale, a placé le pays dans une situation sanitaire dramatique alors même que Santé publique France, et donc le Gouvernement, avaient connaissance des besoins en masques de protection en cas de pandémie de type grippal. Les établissements de soins reçoivent encore au compte-gouttes les masques nécessaires pour leur personnel ou pour les malades. Les forces de l'ordre qui doivent veiller au respect des mesures de confinement n'en sont toujours pas équipées, ainsi que l'ensemble des salariés et des bénévoles qui doivent continuer de travailler mais qui ne peuvent en obtenir, faute de stocks. En réduisant ses stocks stratégiques de masques de protection à la portion congrue pour réaliser quelques économies dérisoires, le pays s'est privé d'un levier majeur pour circonscrire la propagation de la pandémie de covid-19. Aussi, il lui demande de préciser les raisons qui ont conduit le Gouvernement à renoncer à suivre les préconisations de l'avis d'experts publié par Santé publique France du 19 mai 2019 pour faire face à ce type de pandémie. Il lui demande, par ailleurs, quelles dispositions entend prendre le Gouvernement pour répondre au plus vite aux besoins de protection exprimés par les professions et populations les plus exposées au covid-19 et, à l'avenir, pour s'assurer d'une disponibilité immédiate de ce type de protection.

Réponse émise le 2 novembre 2021

La question de l'optimisation de la gestion des stocks stratégiques et notamment le principe de « stocks tournants » a été envisagée dès la crise sanitaire H1N1 mais n'a pas pu être mis en œuvre principalement en raison d'obstacles juridiques, au regard des dispositions actuelles du code de la santé publique et du code général de la propriété des personnes publiques et du code de la commande publique. Les dispositions législatives et réglementaires actuelles relatives à l'agence nationale de santé publique (ANSP) (articles L. 1413-1 et suivants du code de la santé publique) ne permettent pas de cessions de produits du stock stratégique, hors les cas où ces derniers sont nécessaires à la protection de la population face à une menace sanitaire grave ou en dehors des situations de rupture ou de cessation de commercialisation. Des travaux sont actuellement initiés afin de lever tout ou partie de ces freins. Face à la crise sanitaire inédite de la COVID-19 qu'a connu la France et de très nombreux pays dans le monde, et compte tenu des tensions d'approvisionnement en équipements de protection individuelle (EPI) au niveau international, une cellule de Coordination interministérielle logistique et moyens sanitaires (CCIL-MS) a été créée et installée au sein du ministère chargé de la santé, en mars 2020 de façon à : - sourcer des achats massifs (recherche de fournisseurs et négociation des prix) ; - assurer l'acheminement des acquisitions vers les entrepôts de l'ANSP ; - gérer la logistique des livraisons aux acteurs du système de santé ; - proposer la mise en place de nouveaux schémas de distribution. De mars à septembre 2020, la CCIL-MS a en effet mis en place des flux poussés de distribution hebdomadaire à destination : - des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux en s'appuyant sur les établissements support des Groupements hospitaliers de territoire (GHT) ; - des patients auxquels des masques sont prescrits (malades, cas contacts, personnes médicalement à risque) et des professionnels de santé libéraux, via les pharmacies d'officine et leurs grossistes-répartiteurs ; - des laboratoires de biologie médicale ; - des prestataires de santé à domicile ; - de différents acteurs publics tels que notamment le ministère des armées, les services d'incendie et de secours (SIS) etc. L'offre portant initialement sur les masques chirurgicaux et les masques FFP2, s'est progressivement élargie en incluant d'autres EPI (gants, sur-blouses, tabliers, etc.) et en intégrant les recommandations du port du masque pour les enfants. Près de 2 milliards de masques chirurgicaux (adultes et pédiatriques) ont ainsi été distribués lors de la première vague en 2020. A partir d'octobre 2020, ce schéma de distribution s'est arrêté au profit d'un retour à l'utilisation des circuits d'achat et de distribution conventionnels, compte tenu du fait qu'il n'y avait plus de tension ni sur la production, ni dans les réseaux de distribution. L'arrêt de ce flux poussé s'est accompagné de la constitution simultanée de stocks de sécurité pour la gestion de la COVID-19 dans les établissements sanitaires et médico-sociaux, à la demande du ministère chargé de la santé, et composés notamment d'EPI en quantités correspondantes à 3 semaines de crise. En outre, pour les territoires ultra-marins, des stocks tampons ont été constitués en complément des stocks de sécurité pour palier notamment les temps d'acheminements et la réduction des frets aériens. Enfin, des opérations de distribution exceptionnelles sont conduites régulièrement par le ministère chargé de la santé afin d'apporter un appui national aussi bien aux professionnels de santé engagés contre la COVID-19 (médiateurs de lutte anti-COVID et centres de vaccination) qu'à des populations fragiles (populations précaires et détenus). Au premier semestre 2021, la DGS a saisi le Haut conseil de la santé publique (HCSP), notamment pour émettre des recommandations sur le dimensionnement d'un stock national de masques chirurgicaux. L'avis du 6 août 2021 relatif à la stratégie à mettre en œuvre concernant les stocks Etat en masques, éclaire sur les principes et niveaux de stocks de ces produits en Europe et aux Etats-Unis. Cette comparaison met en évidence des approches différentes centrales ou régionales avec ou non une implication directe de l'Etat. En parallèle, une étude interministérielle sur la dynamisation des stocks acquis lors de la crise de la COVID-19, impliquant l'ensemble des acteurs concernés, notamment l'ANSP, l'Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé et la direction générale des entreprises (DGE) mais aussi les établissements de santé et les centrales d'achats hospitalières a été lancée par le ministère chargé de la santé. Enfin, le ministère chargé de la santé est associé à plusieurs travaux en cours, pilotés par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale et le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation sur la stratégie nationale d'accélération pour consolider la production française en matières premières et en masques (chirurgicaux, FFP2 et tissus) en lien avec la DGE.

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