M. Jean-René Cazeneuve interroge Mme la ministre des armées sur l'attribution de la Légion d'honneur à titre exceptionnel et dérogatoire aux victimes de la déportation ayant été reconnus « déportés » et « morts pour la France ». En effet, cette année 2020 a marqué la célébration des 75 ans de la Libération de la France. À cette occasion, un hommage particulier a été rendu à toutes les victimes de l'horreur de ce conflit. Bien que la Légion d'honneur ne puisse être attribuée que dans l'année suivant le décès du récipiendaire, il semble cependant utile d'interroger la légitimité d'une attribution symbolique de cette ultime reconnaissance à ceux qui sont morts martyrisés dans les camps et qui ont été reconnus « déportés » et « morts pour la France ». À titre d'illustration, et bien qu'il ne soit pas évident d'évaluer avec précision le nombre de personnes que cette distinction exceptionnelle pourrait couvrir, faute d'archive et de croisements de sources suffisants, cette mesure concernerait dans le département du Gers a priori 68 récipiendaires potentiels. Dans une société où le devoir de mémoire est plus que jamais essentiel, où les jeunes n'ont -heureusement- pas eu à connaître la guerre, il est fondamental de maintenir le souvenir de ceux qui ont lutté pour la liberté et ont été victimes de la folie de l'histoire, afin que jamais plus elle ne se reproduise, et que nul n'oublie. Aussi, il souhaite l'interroger sur l'opportunité d'une éventuelle réflexion quant aux modalités d'attributions de la Légion d'honneur dans ce cas précis.
La Légion d'honneur représente la plus élevée des distinctions nationales. L'ordre de la Légion d'honneur réunit tous ceux qui peuvent se prévaloir d'actions de grande valeur forgées par leurs mérites éminents, à travers leurs parcours professionnel et extraprofessionnel, leurs qualités personnelles et leurs résultats. Elle forme ainsi l'élite vivante de la Nation. C'est pourquoi le code de la Légion d'honneur, de la Médaille militaire et de l'ordre national du Mérite s'attache à ce que les distinctions dans l'ordre de la Légion d'honneur soient délivrées du vivant de leurs récipiendaires. Ce n'est qu'à titre exceptionnel que l'article R. 26 du code précité prévoit que le Premier ministre est autorisé, par délégation du Président de la République, grand maître de l'ordre, à nommer ou à promouvoir dans l'ordre, à titre posthume et dans un délai d'un an, les personnes tuées ou blessées dans l'accomplissement de leur devoir et qui sont reconnues dignes de recevoir cette distinction. Le délai dans lequel s'opère la nomination ou la promotion a été précisément défini de façon à ce que cette exception ne constitue pas une dérogation à la vocation de l'ordre. Il convient de souligner que l'article R. 26 du code s'applique à tous les légionnaires, quel que soit le contingent dont ils relèvent. Il n'appartient donc pas au ministère des armées de modifier cet article. La vocation de la Légion d'honneur est de constituer une élite vivante et non de manifester l'hommage de la Nation à l'ensemble des personnes qui, par leurs épreuves, ont partagé une terrible souffrance. Toutefois, des mesures spécifiques permettent d'exprimer la reconnaissance de la Nation. Ainsi, au titre du contingent civil mis à la disposition du ministère des armées, sont récompensées les victimes de la barbarie nazie qui, ayant survécu, s'investissent au profit du devoir de mémoire, par des activités associatives afin, notamment, de transmettre le témoignage des expériences et des blessures vécues au cours des conflits contemporains. Un contingent spécial de distinctions dans l'ordre national de la Légion d'honneur et un contingent de médailles militaires sont réservés chaque année aux déportés et internés résistants en vertu de l'article R. 351-9 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG) depuis 1948. Les personnes ayant le titre de déporté ou d'interné politique reçoivent en témoignage de l'hommage de la Nation, la médaille avec ruban dite « Médaille de la déportation et de l'internement » en vertu de l'article R. 355-3 du CPMIVG. Un insigne est attribué aux civils blessés ou mutilés du fait de la guerre 1939-1945 en application de l'article R. 355-19 du même code. En outre, il convient de souligner que la reconnaissance de la Nation au profit des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale s'exprime tout particulièrement par la politique mémorielle mise en œuvre par le Gouvernement. Ainsi, des commémorations nationales sont organisées lors de la Journée nationale du souvenir des victimes et héros de la déportation, le dernier dimanche d'avril, mais également à l'occasion de la Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites du 16 juillet. Ces manifestations permettent de perpétuer leur mémoire en conservant intact le souvenir de leur sacrifice. De plus, des dispositifs d'indemnisation ont permis de consacrer la réparation due aux orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites, étendue par la suite aux orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale (décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 et décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004). Enfin, inauguré au Mémorial de la Shoah le 27 janvier 2020 par le Président de la République à l'occasion de sa réouverture au public, le Mur des Noms comportant les noms de 75 568 juifs déportés de France, dont 11 400 enfants, est destiné à pérenniser plus particulièrement la mémoire des victimes du génocide des Juifs. Dans le cadre de cette politique mémorielle, à laquelle le Gouvernement attache une grande importance, toutes les personnes détentrices d'archives sont invitées à les déposer au Mémorial de la Shoah, pour pouvoir les transmettre aux générations futures. La reconnaissance de la Nation aux victimes de la barbarie nazie s'exprime de manière pérenne de façon à honorer et préserver la mémoire de leurs souffrances.
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