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Jean-Luc Lagleize
Question N° 33039 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 20 octobre 2020

M. Jean-Luc Lagleize attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la crise de la filière apicole française. Les scientifiques s'accordent aujourd'hui à dire que des abeilles bien alimentées sont plus robustes. Loin d'être responsables de la mortalité des abeilles, les agriculteurs sont ainsi de véritables parties prenantes de la filière grâce aux cultures mellifères (colza, tournesol, lavande, luzerne), aux jachères apicoles, aux intercultures, aux haies et aux prairies naturelles. De cette manière, le secteur agricole contribue à l'alimentation des abeilles qui, via la pollinisation, permettent en retour d'accroître sensiblement le rendement des cultures. En premier lieu, M. le député interroge donc M. le ministre sur les intentions du Gouvernement pour encourager, tant en France qu'au niveau de l'Union européenne, le développement durable des cultures agricoles mellifères. Mais les colonies d'abeilles font malheureusement face à un danger : l'acarien des abeilles appelé le Varroa destructor. Cet acarien parasite l'abeille adulte mais aussi les larves et les nymphes. Les femelles se nourrissent de l'hémolymphe de l'abeille et survivent et se déplacent en s'accrochant aux abeilles ainsi qu'aux faux-bourdons. Ainsi, elles sont aisément transportées par les abeilles d'une colonie à l'autre. Le Varroa, au sein d'une ruche, a différentes actions. La premiére est tout d'abord une action spoliatrice, en ponctionnant l'hémolymphe des larves : diminution de la taille des jeunes abeilles, baisse de leur espérance de vie de près de 30 %, réduction de la taille des glandes hypopharyngiennes des futures nourrices et diminution des défenses immunitaires des abeilles (taux de mortalité entre 40 et 98 %). Ensuite, on constate une action vectrice, en transmettant de nombreux agents pathogènes dont des virus tel que le virus des ailes déformées ou le virus du couvain sacciforme. Face à cette menace, les moyens de lutte des apiculteurs sont malheureusement très limités. En second lieu, il l'interroge sur les intentions du Gouvernement pour accroître la recherche publique et la lutte opérationnelle contre le Varroa destructor.

Réponse émise le 5 octobre 2021

La préservation de la biodiversité, des pollinisateurs, des services écosystémiques rendus et le soutien aux productions apicoles sont des enjeux bien identifiés par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Annoncé par le Gouvernement en août 2020, un travail est actuellement engagé avec le ministère de la transition écologique pour élaborer un plan d'actions en faveur des pollinisateurs visant à enrayer leur déclin d'origine multifactorielle dans une approche globale et cohérente. Ce plan, dont la consultation du public vient de s'achever, s'articulera autour de six axes : amélioration des connaissances scientifiques, leviers économiques et d'accompagnements des agriculteurs/apiculteurs/forestiers, accompagnement des autres secteurs d'activités (aménagements urbains, infrastructures linéaires, autres), préservation du bon état de santé des abeilles, réglementation pour la protection des pollinisateurs lors de l'application des produits phytopharmaceutiques, partage des bonnes pratiques agricoles. Du côté de la ressource alimentaire proposée aux pollinisateurs, différents outils incitatifs existent sur le territoire. Le développement de l'agriculture biologique, la certification environnementale et notamment le niveau « Haute Valeur Environnementale » (HVE, démarche volontaire d'exploitation répondant à un ensemble de pratiques agro-écologiques) concourent à la préservation des pollinisateurs en favorisant notamment la diversité dans les systèmes de production et en restaurant une mosaïque paysagère diversifiée. Avec plus de 2,5 Mha, soit 9,5 % de la surface agricole utile française, les surfaces conduites en agriculture biologique ont augmenté de 95 % entre 2015 et 2020. Par ailleurs, près de 9 000 exploitations agricoles supplémentaires ont été certifiées HVE en 2020 (+ 265 % par rapport à 2015). Du point de vue des outils financiers, la politique agricole commune (PAC) (2014-2020) propose différentes mesures favorables au maintien des ressources alimentaires pour les pollinisateurs avec, pour le premier pilier, le respect d'exigences environnementales : diversité minimale des assolements, présence de surfaces d'intérêt écologique sur une partie des terres arables (dont jachères mellifères et infrastructures agro-écologiques), préservation des surfaces en prairies et pâturages permanents. La mise en place de la conditionnalité des aides comportant des exigences relatives au respect de dispositions réglementaires (ERMG) dans le secteur de l'environnement, du sanitaire et du bien-être animal, et à de bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) participe aussi au maintien sur les territoires de conditions favorables. Par exemple, les haies, en ce qu'elles assurent refuge et nourriture à nombre d'espèces, notamment des pollinisateurs, sont, au titre de la conditionnalité, soumises à des restrictions de taille et d'arrachage. De plus, deux mesures du premier pilier soutiennent l'implantation et l'entretien de systèmes agroforestiers favorables à la biodiversité en assurant ainsi refuge et ressources alimentaires aux pollinisateurs, à savoir la mesure 4.4 « Aide aux investissements liés à la réalisation d'objectifs agroenvironnementaux et climatiques » (dont les haies) et la mesure 8.2 « Aide à la mise en place et à la maintenance de systèmes agroforestiers » (agroforesterie intraparcellaire). Au titre du second pilier, des MAEC (notamment COUVER03 et COUVER07) permettent aux agriculteurs de bénéficier d'aides financières pour l'implantation de couverts d'intérêt floristique et faunistique favorables aux pollinisateurs (plantes messicoles, jachères). D'autres types d'opérations existent pour la création et l'entretien d'un maillage de zones de régulation écologique sur les parcelles en grandes cultures et en cultures légumières (COUVER05), la création et le maintien d'un couvert herbacé pérenne, bandes ou parcelles enherbées (COUVER07), l'amélioration des jachères (COUVER08), l'entretien des haies (LINEA09) et l'entretien de bandes refuges sur prairies (LINEA08). La MAEC API concourt également à améliorer la production de ressources (nectar, pollen, graines) et d'habitats pour de nombreux autres insectes et animaux dont certains sont des auxiliaires de culture. Des travaux sont en cours dans le cadre de la réforme de la PAC et la mise en place d'écorégimes viendra renforcer le déploiement de mesures favorables aux ressources alimentaires pour les pollinisateurs sur les territoires et l'engagement agro-écologique des exploitations, par exemple en promouvant l'implantation et le maintien des infrastructures agro-écologiques (haies, arbres, jachères, mellifères…) qui constitue l'une des trois voies d'accès à l'écorégime. La présence suffisante de haies sera en outre rémunérée par un bonus à l'écorégime. La présence de surfaces d'intérêt écologiques sur les terres arables sera intégréé dans le socle de la conditionnalité. Enfin, l'acarien Varroa destructor, présent dans la quasi-totalité des territoires français depuis plus de trois décennies, est un véritable fléau pour l'apiculture de par son impact sanitaire mais également économique pour les exploitations. L'amélioration sanitaire du cheptel apicole français nécessite une lutte efficace, par tous les apiculteurs, contre ce parasite. Actuellement, au niveau national, ce parasite est classé dans la liste des dangers sanitaires de deuxième catégorie (arrêté du 29 juillet 2013). À partir du 21 avril 2021, avec l'entrée en vigueur du nouveau règlement européen dit « loi de santé animale » (règlement 2016/429), Varroa destructor a changé de classification au niveau européen ce qui implique qu'il est de la responsabilité de la filière apicole d'établir une stratégie collective de prévention, de surveillance et de lutte. Cette stratégie collective pourra éventuellement faire l'objet d'une reconnaissance par l'État. Ainsi, le ministre chargé de l'agriculture invite la filière apicole à définir rapidement une stratégie nationale collective de lutte qui soit à la hauteur des enjeux. La filière peut également solliciter la reconnaissance européenne du statut officiellement indemne de Varroa des quelques territoires concernés (exemple l'Île d'Ouessant) pour assurer leur protection. Conscient des enjeux sanitaires et économiques liés à ce parasite, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation subventionne neuf « programmes régionaux Varroa », à hauteur de 140 000 euros par an, dans le cadre du programme apicole européen (PAE). Enfin, le ministère veille à ce que les thématiques sanitaires apicoles soient intégrées dans les appels à projet de recherche intéressant la filière apicole, notamment dans le cadre du PAE et du compte d'affectation spéciale pour le développement agricole et rural (CASDAR). Ces différentes actions, qui sont inscrites dans le plan pollinisateur en cours de finalisation, doivent contribuer à l'amélioration de l'état sanitaire du cheptel apicole français.

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