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Jean-Luc Lagleize
Question N° 33462 au Ministère de l’europe


Question soumise le 27 octobre 2020

M. Jean-Luc Lagleize interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les réserves émises par la France sur la convention du Conseil de l'Europe contre le trafic d'organes humains. La convention du Conseil de l'Europe contre le trafic d'organes humains invite les gouvernements à ériger en infraction pénale le prélèvement illicite d'organes humains de donneurs vivants ou décédées. La convention prévoit aussi des mesures de protection et de dédommagement des victimes, ainsi que des mesures de prévention destinées à garantir la transparence et un accès équitable aux services de transplantation. La France a signé cet instrument juridique le 25 novembre 2019. À cette occasion, la France a émis plusieurs réserves consignées dans les pleins pouvoirs remis à la secrétaire générale adjointe du Conseil de l'Europe, notamment sur les articles 7, 8, 9 et 10. Ainsi, il l'interroge sur la raison de ces réserves émises par la France sur la convention du Conseil de l'Europe contre le trafic d'organes humains, ainsi que sur le calendrier envisagé pour ratifier cet instrument juridique international.

Réponse émise le 13 avril 2021

La France a fortement participé à l'élaboration de la Convention du Conseil de l'Europe contre le trafic d'organes humains, qui vise à sanctionner pénalement le trafic d'organes humains à des fins de transplantation, à protéger les victimes et à faciliter la coopération aux niveaux national et international et l'a signée le 25 novembre 2019. Fruit de l'étude menée par le Conseil de l'Europe et l'Organisation des Nations unies, cette convention complète le système de protection de la Convention d'Oviedo du Conseil de l'Europe et de son protocole additionnel relatif à la transplantation d'organes et de tissus d'origine humaine. Il résultait des consultations interministérielles qui ont précédé la signature qu'il n'existait pas d'obstacle juridique majeur à la signature de la convention. En effet, s'agissant de l'articulation du droit interne en matière pénale avec les dispositions de la convention, le droit pénal français est globalement conforme. Toutefois, il est apparu nécessaire de déposer trois réserves sur certains articles, conformément à ce que la convention autorise. Ces réserves concernent, d'une part, le champ d'application de la tentative de commission de certaines infractions visées par la convention. Ainsi, conformément au paragraphe 3 de l'article 9 de la convention, la France a déclaré qu'elle se réservait le droit de ne pas appliquer les règles relatives à la tentative prévues au paragraphe 2 de l'article 9 en ce qui concerne les délits établis conformément aux articles 7 et 8 de la convention. En effet, la tentative de commettre certaines infractions visées aux articles 7 et 8 de la convention n'est pas incriminée par le dispositif pénal français, notamment en ce qui concerne la tentative de corruption, la tentative de sollicitation ou de recrutement d'un receveur d'organe en vue de tirer profit, la tentative de recel ou d'importation/exportation sans autorisation. Les réserves concernent, d'autre part, le champ d'application territorial de la loi pénale française lorsqu'une infraction est commise à l'étranger. Conformément au paragraphe 3 de l'article 10 de la convention, la France a déclaré, s'agissant des règles de compétence définies à l'alinéa d/ du paragraphe 1 de l'article 10 de la convention, qu'elle n'exercerait sa compétence, s'agissant des délits établis conformément à la convention et commis par ses ressortissants hors du territoire de la République française, qu'à la condition que les faits soient également punis par la législation du pays où ils ont été commis et que ceux-ci aient donné lieu soit à une plainte de la victime ou de ses ayants-droit, soit à une dénonciation officielle de la part des autorités du pays où ils ont été commis. Ces règles d'application de la loi française aux infractions commises hors du territoire sont strictement encadrées par l'article 113-6 du code pénal. La France a également déclaré, dans la même réserve relative à l'article 10, qu'elle n'appliquerait pas les règles de compétence définies à l'alinéa e/ du paragraphe 1 de l'article 10 de la convention. Par ailleurs, dans le cas d'une infraction délictuelle commise à l'étranger, le critère de la plainte de la victime ou de la dénonciation officielle par un État est requis par l'article 113-8 du code pénal pour la plupart des infractions visées par la convention. Par ailleurs, conformément au paragraphe 5 de l'article 10 de la convention, la France a déclaré qu'elle n'appliquerait pas le paragraphe 4 de l'article 10 de la convention. Seule l'infraction de la traite des êtres humains, en application de l'article 225-4-8 du code pénal, a un régime conforme à cet article de la convention, qui prévoit que l'établissement de la compétence de l'État partie ne soit pas subordonné à la condition que la poursuite soit précédée d'une plainte de la victime ou d'une dénonciation de l'État du lieu où l'infraction a été commise. S'agissant du projet de loi autorisant la ratification de la convention, celui-ci est actuellement en cours d'élaboration. Après son passage au Conseil d'État puis en Conseil des ministres, le projet de loi sera examiné par le Parlement. Au regard du délai moyen du processus de ratification, le dépôt du projet de loi au Parlement pourrait avoir lieu dans le courant de 2021. D'une manière générale, la lutte contre le trafic d'organes humains, s'inscrivant dans le cadre de la lutte contre la traite des êtres humains, est une priorité de la France au niveau national et international. La France est partie à la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, dite Convention de Palerme, et à son protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. En 2019, la France a également rejoint la campagne "Cœur bleu" portée par l'Office des Nations unies contre les drogues et le crime (ONUDC). En 2020, la France a lancé un appel à un renforcement de la coopération internationale pour combattre la traite des personnes et soutenir les victimes lors de la 10e Conférence des États parties à la Convention de Palerme, à l'issue de laquelle une résolution portée conjointement avec les États-Unis a été adoptée. Au sein de l'Union européenne, la traite des êtres humains, qui intègre également la question de la traite aux fins du prélèvement d'organe, constituait l'une des 13 priorités du cycle politique européen de lutte contre la criminalité organisée (2014-2017) identifiées par EUROPOL. Avec le soutien de la France, cette priorité a été maintenue dans le cycle 2018-2021.

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