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Bruno Duvergé
Question N° 34689 au Ministère auprès du premier ministre


Question soumise le 8 décembre 2020

M. Bruno Duvergé attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances, sur l'avenir du 3919. Créée en 1992, la ligne d'écoute Violences conjugales femmes info, devenue le 3919, est gérée par la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF) et portée par un réseau de 73 associations de terrain présentes sur l'ensemble du territoire français. Le 3919 dispose aujourd'hui d'une plateforme en continu de 9 heures à 22 heures où une trentaine d'écoutantes professionnelles viennent recueillir la parole d'environ 2 000 victimes chaque semaine (et jusqu'à 7 000 appels hebdomadaires pendant le premier confinement), lors d'entretiens d'écoute qui durent en moyenne vingt minutes. À l'issue du Grenelle des violences faites aux femmes, le Gouvernement a répondu positivement à la demande de la FNSF d'ouvrir ce service 24 heures sur 24 à condition de bénéficier de subventions supplémentaires via un contrat d'objectifs et de moyens. Pourtant, il semble que le Gouvernement n'ait pas opté pour cette solution mais qu'il souhaiterait que la gestion du 3919 24 heures sur 24 soit soumise à une procédure de marché public avec ouverture à la concurrence. Quiconque s'est intéressé à la question de l'emprise comprendra qu'il faut parcourir un long chemin pour sortir de la violence et que la qualité de l'accompagnement est ainsi cruciale. « Normer » ce temps et le soumettre à une logique de rendement n'aurait aucun sens. Après des années de travail patient, le 3919 fonctionne grâce à un maillage associatif très dense sur l'ensemble du territoire. Mettre en concurrence le 3919, c'est prendre le risque de faire vaciller un réseau national d'associations de terrain et de leurs partenaires, capables de prendre en charge les femmes qui appellent, que ce soit pour un accompagnement à l'hébergement ou un soutien psychologique, juridique et social. En outre, le 3919 n'est pas une émanation gouvernementale stricto sensu : c'est la FNSF qui l'a créé et porté depuis trente ans. C'est un projet associatif, en partie financé par des fonds privés, porté par des personnes très engagées. Aujourd'hui, ouvrir ce marché créerait un précédent dangereux. Sera-t-il confié à un opérateur bon marché, au fort rendement, mais sans la moindre valeur ajoutée liée à un engagement essentiel pour les droits des femmes ? C'est la raison pour laquelle il lui demande comment le Gouvernement entend procéder pour renoncer à cet appel au marché public pour la gestion du 3919 et comment il entend pérenniser l'action actuelle du 3919 en augmentant les subventions octroyées à la FNSF pour une ouverture 24 heures sur 24 de la ligne en 2021.

Réponse émise le 15 décembre 2020

La Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF) constitue de longue date un partenaire privilégié de l'Etat en matière de lutte contre les violences au sein du couple. L'Etat n'entend nullement remettre en cause cet engagement indéniable, ni la qualité de ses interventions, constamment soutenues. Il a du reste été présent à ses côtés pour soutenir cette action depuis sa création, ainsi que pour accompagner l'évolution du dispositif d'écoute vers un numéro court, plus facilement identifiable auprès des femmes victimes de violences. L'Etat l'a d'ailleurs soutenu systématiquement par des subventions en constante augmentation. A l'occasion du Grenelle des violences conjugales, le Gouvernement s'est fixé l'objectif ambitieux d'avoir une plateforme téléphonique d'écoute des victimes de violences disponible 24h/24h et 7j/7 et accessible aux femmes sourdes et aphasiques. Les horaires étendus permettront également de répondre aux difficultés rencontrées dans les territoires ultramarins du fait du décalage horaire. L'Etat entend ainsi mettre la plateforme téléphonique d'écoute et d'orientation des victimes des violences conjugales au cœur des politiques publiques de lutte contre les violences faites aux femmes. Comme indiqué dès fin 2019 à la FNSF, il n'est pas possible juridiquement, au vu des règles de droit de la commande publique, de soutenir ce dispositif par subvention aussi bien dans le cadre d'un appel à projets que par conventionnement. Dès lors que l'Etat endosse le pilotage et la responsabilité d'un dispositif d'écoute des femmes victimes de violence, qu'il en définit les besoins à satisfaire et les modalités (notamment un fonctionnement 24h/24, l'accessibilité aux personnes sourdes et aphasiques) et qu'il le financera en totalité, le marché public s'impose. Dans le cas contraire, le risque de requalification de la subvention en contrat serait important. Cela emporterait, à la fois pour les pouvoirs publics et l'association, des conséquences lourdes, sur les plans fiscal, pénal et civil. Surtout, la requalification retarderait la mise en service des améliorations recherchées. En l'espèce, le recours au marché public n'est pas un choix mais s'impose comme une conséquence. Plusieurs dispositifs d'écoute téléphoniques dans le domaine des services sociaux relèvent déjà de marchés publics pilotés par l'Etat. Il s'agit par exemple du marché des numéros 116 000 pour les enfants disparus, 116 006 à destination des victimes ou encore de la plateforme 360 dédiée aux personnes en situation de handicap. Attentif par ailleurs aux inquiétudes relayées par l'honorable parlementaire, l'Etat entend veiller au contraire à la vocation sociale du projet via un marché réservé aux acteurs de l'économie sociale et solidaire, en excluant les structures à objet purement commercial. Le Ministère et ses services seront ainsi très vigilants sur la qualité des projets présentés, notamment pour la formation des écoutantes et écoutants sur les violences, afin de renforcer l'écoute et l'accompagnement de ce public. La FNSF est parfaitement légitime pour candidater dans le cadre de la consultation qui sera lancée à cet effet. Il est enfin signalé que l'Etat est interpellé sur les modalités de fonctionnement de ce dispositif et, tout récemment, lorsque la plateforme d'écoute a cessé son activité pendant quelques jours lors de la crise sanitaire et y a répondu en apportant une contribution financière complémentaire répondant aux besoins de la plateforme pendant cette période. Dans ce contexte, les pouvoirs publics n'entendent donc pas se défausser de leurs responsabilités mais au contraire accroitre leur soutien à l'écoute des femmes victimes de violences.

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