Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Yannick Haury
Question N° 36201 au Ministère de l’économie


Question soumise le 9 février 2021

M. Yannick Haury attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur l'utilisation par les collectivités territoriales des monnaies locales. Intégrées au code monétaire et financier par la loi relative à l'économie sociale et solidaire de 2014, l'utilisation de ces monnaies par les collectivités est restreinte. Ainsi, elles peuvent accepter des paiements en monnaie locale et faire en sorte que certains de leurs paiements puissent être reçus en monnaie locale mais elles ne peuvent ni encaisser, ni décaisser ces mêmes moyens de paiement. En l'absence de révision des moyens et instruments de paiement acceptables par les collectivités, celles-ci ne peuvent pas disposer d'un compte en monnaie locale. Bien qu'il existe certaines exceptions, notamment celle de recourir à la convention de mandat pour déléguer la gestion de certains paiements, il est encore aujourd'hui difficile d'utiliser ce genre de monnaie pour une personne morale de droit public. Convaincu que l'usage de ces monnaies locales complémentaires pourrait être un atout majeur dans la relance économique des territoires, particulièrement dans une perspective écologique et durable, il souhaiterait connaître la position du Gouvernement sur d'éventuelles évolutions réglementaires facilitant ce dispositif.

Réponse émise le 18 mai 2021

Depuis 2014, les monnaies complémentaires locales disposent d'une base juridique en France, avec l'adoption de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire, qui reconnaît l'existence de telles monnaies locales. Cette loi encadre les modalités de création et d'utilisation de monnaies complémentaires locales. En particulier, son article 1er prévoit que son utilisation est permise comme moyen de paiement pour le règlement de biens et services produits dans le cadre de l'économie sociale et solidaire. À ce titre, il importe de relever que le législateur a jugé bon de réserver la possibilité de régler ses dépenses en monnaie complémentaire locale aux personnes morales de droit privé, à l'exclusion des personnes morales de droit public que sont l'État et les collectivités territoriales. Il paraît en effet légitime de veiller à ce que les principes d'unité et d'indivisibilité de la République irriguent l'action des pouvoirs publics, et que les collectivités territoriales demeurent, aux côtés de l'État, les garants du fait que la seule monnaie officielle de la France est l'euro. Au surplus, autoriser le règlement en dépenses des collectivités territoriales en monnaie complémentaire locale reviendrait, en pratique, à créer une source inévitable de complexité comptable et administrative pour les créanciers des collectivités territoriales. En effet, les monnaies locales sont des titres de paiement qui n'ont pas cours légal et ne peuvent donc pas être utilisées pour toute transaction. Elles ne sauraient donc être imposées à des bénéficiaires des flux financiers des collectivités territoriales (agents publics pour leur traitement et fournisseurs notamment). À plus long-terme, il convient de ne pas sous-estimer les risques liés au recours à des actifs de règlement alternatifs, a fortiori dans le contexte actuel où certains acteurs privés cherchent à développer des actifs de règlement privés, comme Diem (ex-Libra). Ce type de projet comporte en effet d'importants risques en termes de souveraineté monétaire et de protection du consommateur. Le Gouvernement veille à strictement encadrer ce type de nouveaux actifs de règlement, et il serait contre-productif, sinon préjudiciable, de permettre aux collectivités publiques la diffusion sinon la promotion de ce type d'actifs. C'est donc dans un cadre sécurisé que les collectivités territoriales peuvent choisir d'avoir recours aux monnaies locales : - S'agissant des dépenses, il convient en effet de relever que cette interdiction d'utilisation d'un titre de monnaie locale complémentaire n'exclut pas la possibilité pour une collectivité territoriale de recourir à une convention de mandat, suivant les conditions fixées par le code général des collectivités territoriales (CGCT), pour déléguer la gestion de certains paiements, lesquels pourront alors licitement être libellés en monnaie locale. - S'agissant des recettes, l'utilisation d'un titre de monnaie locale complémentaire au bénéfice des collectivités territoriales est autorisée, dans les conditions prévues par l'article 25 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, l'article 11 de l'arrêté du 24 décembre 2012, et l'article R. 1617-7 du CGCT. Cet état du droit paraît fixer un point d'équilibre satisfaisant entre les principes de libre administration des collectivités territoriales, d'unité et d'indivisibilité de la République, ainsi que des exigences de protection du consommateur. En effet, il ouvre notamment aux collectivités territoriales la possibilité d'accepter que certaines recettes soient réglées avec de tels titres de paiement, tout en protégeant les administrés de l'obligation de percevoir des flux au moyen de ces titres de paiement, ce qui serait profondément inopportun. Plusieurs villes ont ainsi déjà pris l'initiative de signer des conventions avec des associations de monnaies locales pour autoriser sous certaines conditions, et par l'intermédiaire de l'association, le versement de dépenses publiques en monnaie locale. En général, le schéma de fonctionnement est alors le suivant : pour recevoir des paiements en titres de monnaie locale, les usagers doivent autoriser l'association à recevoir les fonds en leur nom, le comptable public peut ensuite verser les fonds à l'association qui se charge ensuite de les remettre à ses usagers. Dans ces conditions, il ne paraît pas souhaitable de modifier plus avant l'état du droit.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.