M. Bernard Bouley appelle l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, sur les dispositions combinées des articles L. 112-6 et D. 112-3 du code monétaire et financier relatifs à l'interdiction du paiement en espèces des créances au-delà de 1 000 euros lorsque le débiteur est résident en France. En effet, le non-respect de cette règle peut entraîner une amende très lourde. Toutefois, non seulement ce montant était de 3 000 euros jusqu'en 2015 (sans avoir été réévalué pour tenir compte de l'inflation en 35 ans), mais encore ce montant est de 15 000 euros pour les paiements effectués en espèces lorsque le débiteur justifie qu'il n'a pas son domicile fiscal sur le territoire de la République française. Dès lors, d'une part, il y a ici une inégalité de traitement entre les débiteurs et une discrimination contre les citoyens et résidents français. D'autre part, cette limitation est incohérente parce qu'elle fait fi de la réalité des modalités de paiement en Europe et de l'intérêt que constituent pour l'économie réelle les paiements en espèces, qui permettent une plus grande fluidité des échanges et dopent la croissance tandis que leur limitation constitue au contraire un frein de nature à entraîner des effets récessifs pour l'économie. Enfin, cette défiance de l'État à l'encontre des Français et des espèces est doublement incohérente, puisque les billets de banque et les pièces de monnaie émis par la Banque centrale européenne constituent un moyen de paiement ayant cours légal, il s'agit donc du moyen normal et régulier de paiement que nul ne peut refuser. En ce sens, l'article R. 642-3 du code pénal prévoit que « le fait de refuser de recevoir des pièces de monnaie ou des billets de banque ayant cours légal est puni de l'amende prévue pour les contraventions de deuxième classe ». Il lui demande donc si le Gouvernement entend ramener à 15 000 euros pour tous la limitation des paiements en espèces et si ce montant sera réévalué périodiquement afin de tenir compte de l'inflation et du pouvoir d'achat des Français, ou alors si, faisant fi de tous les droits fondamentaux des honnêtes citoyens et au nom d'une prétendue lutte aveugle contre « le blanchiment d'argent », il envisage de remettre en cause le cours légal de la monnaie et le fichage généralisé de la population via les paiements par cartes de crédit en fragilisant encore un peu plus l'économie.
Le Gouvernement entend rappeler qu'il n'entend pas modifier les dispositions actuellement applicables en matière de plafond pour les paiements en espèces réalisés par des résidents français. Le code monétaire et financier et le code pénal prévoient effectivement que les espèces ont cours légal et valeur libératoire, et que le refus d'accepter des pièces de monnaie ou des billets de banque ayant cours légal en France selon la valeur pour laquelle ils ont cours, est puni de l'amende prévue pour les contraventions de 2e classe (art. R. 162-2 du code monétaire et financier et R. 642-3 du code pénal). Toutefois, la liberté de paiements en espèces n'est pas sans limite et peut être encadrée dans des conditions strictes, notamment pour des motifs de sécurité, ainsi que l'a admis la jurisprudence. Ainsi, de longue date, la France a fixé des plafonds pour les paiements en espèces, qui historiquement remontent à une mesure législative prise dès la première moitié du XXe siècle, dans un objectif de lutte contre la fraude fiscale. Les espèces sont en effet susceptibles de faciliter la commission de fraudes fiscales ou encore le blanchiment d'argent, compte tenu de leurs caractéristiques intrinsèques telles que l'anonymat et l'absence de traçabilité. En matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT), il est par ailleurs établi, comme l'indiquent notamment les directives européennes anti-blanchiment successives, que le recours à des paiements en espèces d'un montant élevé peut être facilement exploité à des fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. Pour ces raisons, dans le contexte dramatique des attentats de 2015, le gouvernement a pris diverses mesures dans le cadre du plan d'action national contre le financement du terrorisme dont l'une, mise en œuvre à partir du 1er septembre 2015, vise à réduire encore ces risques, en abaissant le seuil des paiements en liquide pour les achats ou prestations de plus de 1 000 euros effectués par les particuliers (contre 3 000 euros auparavant). Ainsi, l'article D. 112-3 du code monétaire et financier dispose que, lorsqu'un débiteur a son domicile fiscal sur le territoire de la République française ou agit pour les besoins d'une activité professionnelle, le plafond du paiement en espèces est fixé à 1 000 euros. Ce plafond continue d'apparaître justifié et proportionné. Par ailleurs, il est exact que, si un débiteur justifie qu'il n'a pas son domicile fiscal sur le territoire de la République française, qu'il n'agit pas pour les besoins d'une activité professionnelle et paie une dette au profit d'une personne qui n'est pas mentionnée à l'article L. 561-2 du code monétaire et financier, le seuil du paiement en espèces est fixé à 10 000 euros (seuil porté à 15 000 euros dans les cas où la dette est payée au profit d'une personne mentionnée à l'article L. 561-2 du code monétaire et financier). Ces plafonds se justifient car les non-résidents visitant le territoire, peuvent, en étant à l'étranger, avoir davantage de contraintes sur leurs moyens de paiement habituels. Au total, ces dispositions semblent appropriées en réglant de façon différente des situations différentes définies selon des critères objectifs, ainsi que le permet notre système juridique. L'encadrement des paiements en espèces apparaît crucial compte tenu de la forte exposition de la France au risque de fraude fiscale et à la prégnance du risque terroriste. Ces plafonds constituent des éléments clés de l'efficacité de notre dispositif national, qu'il convient de ne pas remettre en cause.
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