M. Patrick Mignola appelle l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la question des transfèrements de détenus assurés par les forces de sécurité intérieure. La réforme menée en 2010 devait notamment permettre de confier à l'administration pénitentiaire les extractions de détenus auparavant assurées par la gendarmerie ou la police nationale. Néanmoins, la circulaire du 28 septembre 2017 du ministère de la justice relative à l'organisation de la reprise des missions d'extractions judiciaires a réaménagé ce transfert de missions, puisqu'il est prévu que 18 maisons d'arrêt feront l'objet d'une « exception ». Concernant la maison d'arrêt de Chambéry, la police nationale devra continuer à assurer les extractions judiciaires vicinales vers le palais de justice de Chambéry ou celui d'Albertville. Si un tel dispositif doit permettre de favoriser l'activité judiciaire, il est par nature extrêmement chronophage pour les policiers et gendarmes responsables de la gestion de ces transferts. Aussi, il lui demande quels critères ont prévalu dans le choix de ces 18 maisons d'arrêt - la situation de Chambéry étant particulière de par sa taille et la large zone urbaine de couverture de sa maison d'arrêt (Chambéry, Aix-les-Bains et Albertville), et l'interroge sur les mesures que le Gouvernement entend prendre pour soulager les forces de sécurité intérieure concernées par cette circulaire.
Si la lutte contre le terrorisme est une priorité, renforcer la sécurité quotidienne de nos concitoyens constitue l'autre défi majeur du quinquennat dans le domaine de la sécurité intérieure. Pour répondre à ces enjeux, le Gouvernement, sous l'impulsion du Président de la République, a décidé de renforcer les moyens humains et matériels des forces de l'ordre, avec en particulier la création de 10 000 postes supplémentaires de policiers et de gendarmes durant le quinquennat. Mais le Gouvernement fait également le choix de l'efficacité et des réformes en profondeur, avec la volonté de répondre plus efficacement aux attentes de nos concitoyens et d'optimiser les capacités d'action des forces de l'ordre. Conformément aux engagements du Président de la République, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, a ainsi lancé, début février 2018, la police de sécurité du quotidien (PSQ), qui constitue une transformation en profondeur du fonctionnement de la police nationale et de la gendarmerie nationale et qui sera mise en œuvre durant tout le quinquennat. La police de sécurité du quotidien s'inscrit dans une action plus globale de modernisation des modes d'action des forces de sécurité de l'Etat, avec les chantiers lancés pour simplifier la procédure pénale ainsi que pour supprimer les missions périphériques et les tâches administratives à faible valeur ajoutée qui entravent l'action des policiers et des gendarmes ou les détournent de leurs missions opérationnelles prioritaires. Il s'agit aussi de redonner du sens au travail des policiers qui attendent beaucoup sur ce plan. Ces missions déstabilisent en effet l'organisation opérationnelle des services. Elles sont, par ailleurs, coûteuses et démotivantes. Il s'agit donc soit de les transférer à d'autres services de l'Etat, soit de les externaliser à des acteurs privés ou public (secteur de la sécurité privée, etc.). Une mission sur l'évolution du continuum de sécurité a ainsi été confiée par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à deux parlementaires, avec pour objectif d'identifier de nouvelles pistes d'action permettant aux forces de sécurité de l'Etat et à l'ensemble des acteurs de la sécurité (sécurité privée, polices municipales) de coopérer plus efficacement. Depuis plusieurs années déjà, le ministère de l'intérieur a engagé le recentrage des forces de police et de gendarmerie sur leur cœur de métier. Par exemple, les gardes statiques ont été supprimées au printemps 2017 dans les tribunaux et, depuis 2011, dans une trentaine de préfectures. S'agissant de la question des « transfèrements de détenus », il s'agit d'un sujet identifié de longue date et faisant l'objet depuis plusieurs années de travaux entre les ministères de l'intérieur et de la justice. Au terme d'un arbitrage rendu le 30 septembre 2010 par les services du Premier ministre, il avait été acté le transfert de la charge des extractions judiciaires des personnes détenues du ministère de l'intérieur vers le ministère de la justice, avec un principe de reprise échelonnée par région et un transfert budgétaire d'équivalents-temps plein (ETP). Cette reprise de mission était organisée par zone géographique et selon un calendrier pluriannuel et s'accompagnait de transferts budgétaires. D'importants transferts budgétaires ont effectivement été accomplis par la police et la gendarmerie entre 2011 et 2017 au profit de la justice. Toutefois, la reprise de la mission par les services du ministère de la justice a pris du retard et rencontré des difficultés. Les policiers et les gendarmes ont ainsi été contraints de réaliser des extractions judiciaires dans des régions pourtant déjà reprises par l'administration pénitentiaire. En effet, dans ces zones, l'autorité de régulation et de programmation des extractions judiciaires (ARPEJ) a plusieurs fois notifié aux magistrats requérants l'incapacité des pôles de rattachement d'extractions judiciaires (PREJ) à réaliser les extractions judiciaires qu'ils demandaient (« impossibilités de faire »). Les magistrats concernés ont donc été amenés à requérir les forces de sécurité intérieure. Face à ces dysfonctionnements, une mission chargée d'évaluer la prise en charge des extractions judiciaires a été confiée en mai 2016 à l'Inspection générale de la justice, à l'Inspection générale de l'administration et aux inspections générales de la police et de la gendarmerie. Son rapport, rendu en octobre 2016, a mis en évidence les problèmes rencontrés et formulé des recommandations, pour la plupart reprises dans un plan d'action en février 2017. Au terme d'un arbitrage interministériel rendu les 13 et 15 février 2017, l'échelonnement du transfert initial a ainsi été repoussé de six à huit mois selon les régions et les forces de sécurité intérieure poursuivent les missions d'extraction dans les régions non encore reprises par l'administration pénitentiaire. Le processus de reprise des extractions judiciaires par le ministère de la justice doit s'achever au plus tard fin novembre 2019. Dans le cadre de cet arbitrage interministériel, il a été décidé que les forces de l'ordre assurent les extractions judiciaires « vicinales » (extractions judiciaires requises par la juridiction de proximité), induites par la proximité géographique entre un établissement pénitentiaire et une juridiction, au départ de vingt établissements pénitentiaires. Deux se situent en zone de compétence de la gendarmerie nationale (Lavaur et Rodez) et dix-huit en zone de compétence de la police nationale (proximité de la maison d'arrêt et de la juridiction concernées). Les extractions concernant des sessions d'assises ne sont pas concernées. Les critères qui ont été retenus pour déterminer les extractions « vicinales » relevant de la compétence de la police nationale sont, d'une part, l'éloignement des pôles de rattachement d'extractions judiciaires (PREJ) et, d'autre part, l'implantation dans le ressort de la circonscription de sécurité publique à la fois de l'établissement pénitentiaire et du tribunal de grande instance. Ce plan d'action a fait l'objet d'une circulaire commune intérieur/justice en date du 28 septembre 2017. Afin de préserver la capacité opérationnelle des forces, une évaluation du dispositif des extractions vicinales devra être effectuée au plus tard le 1er mars 2020 par les inspections générales des deux ministères « aux fins notamment d'apprécier la pertinence des mesures retenues ». Enfin, dans les zones reprises par l'administration pénitentiaire, et ce jusqu'au terme du processus de transfert, les forces de sécurité intérieure conservent une compétence subsidiaire, en cas de carence absolue de moyens de l'administration pénitentiaire, pour l'exécution des réquisitions « à enjeu procédural majeur », à savoir celles pouvant conduire, en cas de non exécution, à la remise en liberté de la personne détenue. Par ailleurs, dans le cadre de la circulaire précitée, des structures de concertation et de suivi entre les administrations ont été mises en place afin de résoudre les difficultés constatées et éviter leur répétition. Un comité stratégique réunissant des représentants des ministères de l'intérieur et de la justice a été constitué pour veiller à la bonne exécution générale des extractions judiciaires dans les zones confiées à l'administration pénitentiaire et pour préparer les transferts futurs. Ce dispositif national couronne un ensemble de comités de pilotage locaux chargés d'assurer soit le bon fonctionnement du dispositif dans les zones transférées, soit de préparer le transfert pour les autres zones. De plus, des conférences interrégionales se réuniront chaque année au niveau du ressort de chaque direction interrégionale des services pénitentiaires. Leur objectif est de favoriser une planification coordonnée de la charge des extractions judiciaires et de superviser la mise en œuvre du dispositif. En outre, le ministère de la justice doit s'attacher à renforcer l'utilisation de la visioconférence, à mettre en place une rationalisation des réquisitions, notamment au travers d'une priorisation en fonction du niveau d'enjeu procédural et d'une meilleure implication des magistrats référents dans leur rôle de régulateur de la programmation des réquisitions. L'administration pénitentiaire, quant à elle, doit s'attacher à faire évoluer sa doctrine interne vers plus de souplesse, à accentuer la polyvalence fonctionnelle des agents pénitentiaires, à autoriser certaines escortes à deux fonctionnaires, à combler le déficit en effectifs des PREJ et recruter des réservistes. Le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, dans le cadre de la Police de sécurité du quotidien, est particulièrement attentif aux charges périphériques des forces de l'ordre et suit avec une attention particulière l'évolution de ce dossier.
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