M. Hubert Wulfranc attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la situation du centre hospitalier psychiatrique du Rouvray situé à Sotteville-lès-Rouen. Si l'hôpital public est d'une manière générale, en grande difficulté, le secteur de la psychiatrie est pour sa part le parent pauvre du système sanitaire public. Or les pathologies relevant de la psychiatrie se situent au troisième rang des maladies les plus fréquentes en France après le cancer et les maladies cardio-vasculaires selon le rapport de la Cour des comptes publié en 2011 sur « l'organisation des soins psychiatriques ». Contrairement aux hôpitaux « classiques » financés sous le régime de la tarification à l'activité (T2A) qui, si elle génère de nombreuses aberrations, évolue néanmoins de +2 % environ chaque année, les hôpitaux psychiatriques sont pour leur part, financés par une dotation annuelle de financement (DAF) décidée et délivrée par les ARS. Cette enveloppe est encore plus contrainte que les financements relevant de la T2A puisque celle-ci tend à diminuer en valeur absolue. Les statistiques de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques indiquent que le nombre de patients soignés par les hôpitaux psychiatrique est en hausse de 29 % entre 2013 et 2016. Les urgences psychiatriques sont confrontées sur la même période à une hausse des consultations de 36 %. Les moyens ne suivant pas, les hospitalisations à temps plein ont chuté de 37 %, le placement familial thérapeutique a reculé de 8 % tandis que l'accueil en appartement thérapeutique a chuté de 33 %. Le centre hospitalier du Rouvray (2 000 agents internes inclus) ne fait pas exception. Avec la troisième file active du pays en matière de soins psychiatriques hospitalier l'établissement n'est classé que 22ème place en termes d'effectifs de médecins psychiatres. Les organisations syndicales dénoncent un sous-effectif chronique et des conditions de soins de plus en plus dégradées. L'établissement affiche un taux moyen annuel d'occupation de ses lits de 105 % pouvant monter ponctuellement jusqu'à 110 % et ce, au prix d'une gestion expéditive des soins. Les organisations syndicales dénoncent le démantèlement des outils sectoriels de prévention. Les hôpitaux de jour et les centres médico psychologiques rattachés au centre hospitalier du Rouvray sont démantelés ou regroupés dans de plus grandes structures qui éloignent les patients des lieux de soins et de suivi. Public fragile s'il en est, certains renoncent tout simplement à se déplacer sur plusieurs kilomètres pour aller se soigner. Les organisations syndicales estiment qu'il manque actuellement 40 agents pour faire fonctionner correctement l'ensemble des structures de soins ainsi que 50 agents pour constituer un pôle de remplacement. Du fait de l'insuffisance des effectifs le personnel est usé, les accidents et arrêts de travail sont en hausse depuis 2014. De même, les déclarations d'inaptitude au travail progressent, notamment dans les services annexes liés à la logistique qui font l'objet de mutualisation avec le CHU de Rouen dans le cadre du groupement hospitalier de territoire (GHT). Lorsqu'un service est créé, en réponse à un appel à projet de l'ARS, celui-est doté à 55 % par des redéploiements de personnel ce qui a pour conséquence directe de dégarnir les effectifs déjà insuffisants des autres services. La situation du centre hospitalier du Rouvray devient particulièrement critique. La suroccupation des lits aux urgences conduit l'hôpital à accueillir des patients dans des chambres d'isolation ou dans des bureaux aménagés sans sanitaire et sans aucune intimité avec l'extérieur. De même, les urgences de l'hôpital ne disposent pas d'unité spécifique pour soigner les mineurs aussi ceux-ci sont hospitalisés avec les adultes. Pour libérer au plus vite les lits les patients sont traités essentiellement de manière médicamenteuse. Le recours à la contention s'accroît. Les personnels soignants n'ont plus le temps de traiter correctement les pathologies des patients alors que le décryptage des symptômes psychiatriques nécessite un suivi dans la durée. De même, de nombreux malades sortis d'hospitalisation, faute d'accompagnement social, sont aujourd'hui à la rue et encombrent les structures d'hébergement d'urgence. Le travail d'équipe se réduit au strict minimum du fait de la mobilité incessante des agents entre les différents services en sous-effectif. Une situation amplifiée par les suppressions d'emplois de cadres de santé, résultants des mutualisations effectuées suite aux regroupements des 10 unités de soins préexistantes en 4 pôles de psychiatrie. Des pôles qui sont conduits à se mener une concurrence pour obtenir les quelques rares subsides disponibles. Les personnels affirment, par ailleurs, perdre du temps dans des tâches administratives tels que le traçage informatique des actes réalisés sur du matériel souvent obsolète. Le malaise touche aujourd'hui l'ensemble des corps de métier de l'hôpital y compris les médecins. Par conséquent, il lui demande de bien vouloir lui communiquer les instructions et moyens financiers qu'elle entend donner à l'Agence régionale de santé, ainsi qu'à la direction du centre hospitalier du Rouvray, afin de répondre aux besoins des personnels et des patients de cet établissement.
La situation de crise du centre hospitalier spécialisé du Rouvray a été suivie avec attention par l'Agence régionale de santé (ARS) de Normandie en lien avec le ministère des solidarités et de la santé. Entamée le mardi 5 juin par l'ARS avec les organisations syndicales, la négociation a abouti à un protocole de sortie de crise. Celui-ci prévoit la création de 30 postes, échelonnés sur 2018 et 2019. Cette création de postes sera déclinée de manière cohérente avec les travaux d'analyse précédemment menés, avec le projet régional de santé (prise en charge des publics fragiles et des adolescents, coordination sanitaire et médico-social, réhabilitation psychosociale et accompagnement des aidants, dynamique d'équipe et partage de pratiques médico-soignantes) mais également avec les projets actés pour le centre hospitalier du Rouvray. Améliorer la prise en charge psychiatrique des adolescents au sein des établissements spécialisés, une des principales revendications de l'intersyndicale, constitue une des priorités nationales. La ministre des solidarités et de la santé l'avait affirmé lors du 16ème congrès de l'Encéphale le 26 janvier 2018 en même temps qu'elle s'était engagée à ce que les budgets alloués à la psychiatrie soient préservés. L'engagement du Gouvernement pour améliorer notre modèle de prise en charge des pathologies psychiatriques est réel. Une instance nationale le comité stratégique de psychiatrie et de santé mentale présidée par la ministre des solidarités et de la santé a désormais pour mission de faire un point d'étape annuel sur les différentes actions engagées dans ce domaine.
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