Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Christophe Bouillon
Question N° 6127 au Ministère de la justice


Question soumise le 6 mars 2018

M. Christophe Bouillon interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la carte judiciaire normande. En lançant les « Cinq grands chantiers de la justice », a été affichée une volonté de concertation pour aboutir à des décisions consensuelles, avec l'objectif de rendre justice de façon plus efficace et moins coûteuse. Or l'organisation proposée pour le territoire normand, à savoir la désignation de Caen comme cour d'appel dotée d'un rôle de coordination et d'animation régionale et du pilotage de la gestion budgétaire et la spécialisation par compétences de chacune des cours d'appel de Rouen et de Caen, n'est absolument pas satisfaisante. Le Barreau de Rouen défend le maintien de toutes les juridictions en Normandie, sans aucune diminution des pleines compétences de la cour d'appel de Rouen. Ne pas en prendre la mesure, c'est tourner le dos à 5 siècles d'histoire et ignorer des critères démographiques objectifs : la Seine-Maritime représente à elle-seule 40 % de la population régionale, l'ex-Haute-Normandie voit sa population croître presque trois fois plus vite que l'ex-Basse-Normandie et avec plus de 700 000 emplois, le territoire de la cour d'appel de Rouen est de très loin le premier bassin d'emplois de la région. C'est aussi nier la réalité des chiffres qui montrent qu'avec 6 165 affaires nouvelles et 6 346 clôturées en 2017, la cour d'appel de Rouen représente environ 60 % des affaires régionales. Malgré cette activité judiciaire de premier ordre, la cour d'appel de Rouen parvient à réaliser des économies de fonctionnement de l'ordre de 15 % en 2015, à comparer à une moyenne nationale de 7 %. Au-delà des personnels qui y contribuent au premier plan, c'est aussi lié à la proximité des principales structures régionales de détention, rétention et protection. S'en éloigner serait contraire aux objectifs d'économies de la réforme. Il convient en outre de mesurer que les arguments plaident en faveur de la cour d'appel de Rouen lorsqu'il s'agit d'analyser l'aspect « transformation numérique » : la couverture totale en « Très Haut Débit » du territoire de la Seine-Maritime sera effective dès 2023 tandis que celle du territoire régional est fixée à l'horizon 2025. Alors de la réforme s'appuie principalement sur ce chantier « transformation numérique » pour 2020, il convient de souligner qu'à cette date, les zones blanches seront davantage situées autour de Caen qu'autour de Rouen. Ces quelques arguments tangibles visent à démontrer qu'il n'est pas logique de déclasser la cour d'appel de Rouen et qu'il n'est pas souhaitable de spécialiser par compétences les cours d'appel normandes, au risque de raviver une rivalité préjudiciable entre les villes normandes. Dans l'hypothèse contraire, tout porte à privilégier le choix de Rouen pour y instaurer une cour d'appel régionale, qu'il conviendrait d'accompagner d'un partenariat constructif avec la cour d'appel de Caen. Il lui demande donc de tenir compte de ces réalités objectives et des propositions constructives des acteurs rouennais de la justice.

Réponse émise le 25 septembre 2018

Le rapport ayant pour objet le « renforcement de l'efficacité de l'organisation judiciaire et adaptation du fonctionnement des juridictions » remis à Madame la Garde des Sceaux, Ministre de la justice, contenait plusieurs pistes en vue d'arriver à cet objectif, dont une était d'instituer des cours d'appel de région et des cours d'appel territoriales. Cette proposition n'a cependant pas été retenue par le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice au regard de ses incidences considérables. L'option retenue dans le projet de loi présenté au Conseil des Ministres du 20 avril dernier maintient toutes les cours d'appel existantes dans la plénitude de leurs compétences. Il prévoit cependant d'expérimenter sur un ressort pouvant s'étendre à plusieurs cours d'appel au sein d'une même région administrative une nouvelle forme d'organisation. Il s'agirait ainsi de confier des pouvoirs d'animation et de coordination aux chefs de cour du ressort élargi, désignés par décret, et de permettre la spécialisation de certaines de ces cours dans un ou plusieurs contentieux civils en vue d'harmoniser la réponse judiciaire. Cette expérimentation, si elle est votée, serait menée dans deux régions pour une durée de trois ans à compter de la publication de la loi. Cela permettra d'évaluer l'efficacité de ce dispositif. L'expérimentation de cours d'appel « de région » vise à limiter le nombre d'interlocuteurs judiciaires dans la conduite des politiques publiques impliquant l'intervention de l'institution judiciaire. Le ministère de la justice souhaite pouvoir mesurer si ce dispositif répond aux besoins exprimés par les services et administrations de l'État qui ont adapté leur organisation à la réforme territoriale des régions administratives. Les territoires, à partir des outils qui seront mis à leur disposition, pourront proposer une organisation plus efficace s'ils l'estiment nécessaire. Ainsi, en spécialisant les cours d'appel sur certains contentieux, seront assurées une meilleure harmonisation des jurisprudences et une plus grande rapidité du traitement des contentieux au bénéfice des justiciables. Aucune décision n'a été arrêtée à ce jour quant au choix des cours d'appel qui seraient retenues pour mettre en œuvre l'expérimentation prévue à l'article 54 du projet de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.