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Séverine Gipson
Question N° 8626 au Ministère de la transition écologique et solidaire


Question soumise le 29 mai 2018

Mme Séverine Gipson attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur l'autorisation d'ouverture de la raffinerie Total de La Mède (Bouches-du-Rhône), qui traitera notamment de l'huile de palme. Cette raffinerie démarrera bien à l'été 2018 et l'huile de palme constituera une grande part des matières premières utilisées pour produire le carburant. Le géant pétrolier s'est engagé à « limiter l'approvisionnement en huile de palme brute » de sa raffinerie mais même si elle représentera moins de 50 % des matières premières traitées, comme s'y engage l'entreprise, l'huile de palme représenterait encore 300 000 tonnes importées chaque année - ce qui ferait ainsi bondir la consommation française de plus de 30 %. En hausse de 335 % entre 1995 et 2015, la production mondiale d'huile de palme entraîne une déforestation massive en Indonésie et en Malaisie et a un impact catastrophique sur le climat. Les effets sont déjà réels car outre le changement climatique, la déforestation liée à l'huile de palme a des conséquences désastreuses sur les espèces présentes. L'orang-outan de Bornéo, devenu symbole de la polémique, aura vu le nombre de ses individus chuter de 80 % entre 1950 et 2025. Par ailleurs, pour les agriculteurs français, et notamment les producteurs d'huile de colza, cette nouvelle suscite une grande inquiétude. En effet, le biodiesel est aujourd'hui le premier débouché pour l'huile de colza et cette annonce représente une perte de marché très importante. Les prochaines semaines sont décisives car l'Europe est en train de réviser sa politique de soutien aux agrocarburants et la France aura une responsabilité très lourde si elle fait échouer les négociations. En effet, la future directive de l'Union européenne sur les énergies renouvelables devait exiger la fin de l'usage d'huile de palme dans les carburants d'ici 2021. Considérée jusqu'à récemment comme défenseure de l'interdiction de l'huile de palme dans les carburants, la France fait désormais partie des quatre pays qui bloquent les débats sur la question. Ainsi, elle souhaite connaître sa position concernant l'usage de l'huile de palme dans les carburants et savoir quelles mesures concrètes le Gouvernement compte prendre pour aider l'agriculture française et développer la filière colza et le biodiesel français.

Réponse émise le 31 juillet 2018

La transformation de la raffinerie de Total située à La Mède en bioraffinerie, décidée en 2016 et autorisée le 16 mai dernier par le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, s'inscrit dans le cadre de la réorganisation du secteur du raffinage. Elle permet, d'une part, de maintenir 250 emplois sur le site industriel de La Mède et, d'autre part, de produire des produits spécifiques, des huiles végétales hydrotraitées (HVO), qui sont jusqu'à présent produites à l'étranger à partir d'huile de palme puis importées en France. L'usage des matières premières utilisées pour produire ces biocarburants, et notamment l'huile de palme, sera strictement encadré. À ce jour, les filières d'approvisionnement de cette installation ne sont pas entièrement arrêtées. Outre les huiles végétales brutes, trois autres types de ressources sont ciblées : les huiles de cuisson usagées, les graisses animales et les résidus acides issus du raffinage des huiles alimentaires. Le Gouvernement a imposé, à cet égard, qu'une part minimale de 25 % de l'approvisionnement provienne de cette économie circulaire. Il s'agit d'un effort considérable pour structurer les filières françaises. Le Gouvernement a également demandé à l'entreprise Total de faire en sorte de limiter, autant que possible, l'approvisionnement en huiles végétales brutes (palme, colza, soja) à des quantités inférieures aux 450 000 tonnes par an autorisées pour l'usine. Il a ainsi été obtenu de l'entreprise une limitation volontaire de sa consommation d'huile de palme à 300 000 tonnes, soit moins de 50 % des matières premières utilisées à la Mède. Concernant la part qui proviendra d'huiles végétales brutes, le Gouvernement a rappelé à Total le caractère obligatoire de la réglementation communautaire relative à la durabilité des biocarburants. Le respect de ces critères, qui sont très stricts, est scrupuleusement contrôlé par les autorités françaises compétentes en la matière, et sera publié chaque année. Ainsi, l'autorisation de la bioraffinerie de La Mède va permettre de remplacer des HVO importées, produites avec 100 % d'huile de palme, par des HVO produites en France avec 50 % d'huile de palme. En outre, le Gouvernement s'est engagé à tout mettre en œuvre pour, d'une part, diminuer l'emploi de matières premières à usage énergétique entrant en concurrence avec l'usage alimentaire et, d'autre part, réviser les critères de durabilité concernant les matières premières à fort impact sur l'utilisation des sols à des fins alimentaires. Par ailleurs, et comme annoncé dans le Plan climat le 6 juillet 2017, le Gouvernement a rappelé sa volonté de ne voir que de l'huile de palme durable utilisée en France. Le Gouvernement a porté ces positions lors des négociations européennes sur la directive énergies renouvelables qui ont abouti à un plafonnement puis à une élimination progressive des matières premières à fort impact ILUC (impact du changement indirect de l'utilisation des terres sur les émissions de gaz à effet de serre) d'ici 2030. Le Gouvernement a également demandé à la Commission européenne de lancer rapidement les travaux pour élaborer une stratégie sur la déforestation importée et, en parallèle, le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, a engagé une politique ambitieuse dans ce domaine. En effet, l'axe 15 du Plan climat prévoit de mettre fin à l'importation, en France, de produits contribuant à la déforestation, et de publier, en 2018, une stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée. Cette stratégie, soumise à la consultation publique du 3 au 24 juillet 2018, vise à lutter contre la perte nette de forêt, et en particulier de forêts tropicales. Plusieurs mesures seront prises, notamment pour le secteur privé qui devra intégrer des critères de durabilité dans ses plans de filière.

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