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Olivier Damaisin
Question N° 9080 au Ministère de l'intérieur


Question soumise le 5 juin 2018

M. Olivier Damaisin appelle l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la politique relative à la sécurité routière, et notamment sur la limitation de vitesse de circulation. L'abaissement généralisé de la vitesse à 80 km/h sur le réseau secondaire n'est pas une mesure populaire et il s'agit d'un décret ministériel, et il n'y aura donc ni débat, ni discussion, ni concertation à l'Assemblée nationale. Or les parlementaires reçoivent tous les jours des courriers d'associations d'usagers (automobilistes, motocyclistes) mais aussi d'élus locaux, maires, conseillers départementaux. Certes après douze années de baisse, la mortalité routière augmente à nouveau depuis 2014. Les chiffres sont particulièrement mauvais et la route reste la première cause de mort violente du pays. Cependant, plutôt que de réduire uniformément la vitesse sur tous les axes routiers, d'autres pistes mériteraient d'être explorées, comme l'amélioration de l'état de nos réseaux secondaires et des équipements de sécurité (éclairage, glissières dangereuses). Il souhaite savoir s'il est envisageable de laisser les conseils départementaux, en concertation avec les préfectures, déterminer les axes accidentogènes où la vitesse doit être réduite pour une meilleure prévention auprès des Français.

Réponse émise le 1er janvier 2019

Le comité interministériel de la sécurité routière réuni le 9 janvier 2018 par le Premier ministre témoigne de la volonté du Gouvernement de sauver plus de vies sur nos routes et de poursuivre la politique volontariste et innovante déjà engagée en matière de sécurité routière. Le Gouvernement ne peut pas passer sous silence ceux qui ont été tués sur les routes métropolitaines et ultra-marines, ce sont 3 684 tués en 2017, comme il ne peut pas ignorer les 76 840 blessés en 2017, dont plus de 29 000 hospitalisés, qui pour certains garderont des séquelles toute leur vie. C'est bien pour réduire ces chiffres dramatiques qu'il a pris les mesures nécessaires. Lors de ce comité interministériel précité, 18 mesures ont été décidées, parmi lesquelles la mesure n° 5 dont l'objet est de réduire la vitesse maximale autorisée hors agglomération. Ainsi, selon les termes du décret n° 2018-487 du 15 juin 2018 relatif aux vitesses maximales autorisées des véhicules, qui met en œuvre cette mesure, sur les routes bidirectionnelles sans séparateur central, la vitesse maximale autorisée est de 80 km/h à compter du 1er juillet 2018. Toutefois, sur les sections de routes comportant au moins deux voies affectées à un même sens de circulation et permettant ainsi le dépassement sécurisé des véhicules, la vitesse maximale autorisée est maintenue à 90 km/h et ce sur ces seules voies. La vitesse accroît tant l'occurrence des accidents - quelle que soit la cause - que leur gravité. La vitesse excessive ou inadaptée constitue la première cause de mortalité sur les routes françaises (31 %). En 2017, 3 684 personnes ont perdu la vie sur le réseau routier français. Les deux-tiers des accidents mortels (63 %), soit 2 156 personnes tuées, sont survenus sur le réseau routier hors agglomération et hors autoroute c'est-à-dire sur des routes bidirectionnelles qui étaient majoritairement limitées à 90 km/h. La mise en place d'une telle mesure a pour objectif d'épargner chaque année de nombreuses vies humaines ; les experts Goran Nielsson et Rune Elvik ont estimé qu'un abaissement de 1 km/h de la vitesse pratiquée se traduit par un gain de 100 vies sur une année. En réduisant la vitesse maximale autorisée de 10 km/h, il est espéré épargner 300 à 400 vies par an. La mesure permet en effet de diminuer l'impact de la vitesse dans la mesure où elle contribue à l'anticipation des dangers et diminue les distances de freinage (la distance d'arrêt est de 57 mètres pour un véhicule roulant à 80 km/h contre 70 mètres pour un véhicule roulant à 90 km/h). Cet abaissement de la vitesse maximale autorisée à 80 km/h permettra en outre de fluidifier le trafic et de l'apaiser, avec des conséquences bénéfiques sur l'environnement (diminution des émissions de polluants). La mesure, telle que définie par le Premier ministre et traduite dans le décret précité, est le fruit des travaux du conseil national de la sécurité routière, instance rassemblant l'ensemble des parties prenantes de la sécurité routière qui, en 2014, a élaboré une recommandation en ce sens. Le décret portant la mise en œuvre de cette mesure a notamment été soumis à l'avis du conseil national d'évaluation des normes, qui réunit les représentants des maires, des conseils départementaux, du Sénat, de l'Assemblée nationale. Un avis favorable a été rendu sur le projet de texte le 8 mars 2018. Le Premier ministre a instauré une clause de rendez-vous au 1er juillet 2020 afin d'étudier avec précision et objectivité l'impact sur l'accidentalité de cette expérimentation. A cet effet, une évaluation de cette expérimentation est mise en place portant tant sur l'évolution des vitesses moyennes pratiquées par les usagers que sur l'évolution des accidents et de la mortalité sur les routes bidirectionnelles concernées par la mesure. Le Gouvernement saura en tirer les conséquences. Cette décision s'inscrit dans un ensemble cohérent de 18 mesures prises par le comité interministériel de la sécurité routière du 9 janvier 2018, qui au-delà de la vitesse sont centrées sur la mobilisation de tous les acteurs mais aussi sur les comportements les plus risqués que sont l'alcool au volant ainsi que l'usage du téléphone en conduisant. La demande d'adaptation à certains axes de la baisse de vitesse a été entendue. La mesure décidée par le Gouvernement ne s'applique pas d'une manière uniforme mais est proportionnée en ce sens qu'elle prend en compte la nature des routes, de leurs caractéristiques et des aménagements qui ont été réalisés pour favoriser des dépassements avec un moindre risque et améliorer la sécurité des usagers. En effet, le Premier ministre a décidé que les routes pour lesquelles plusieurs voies sont affectées à un même sens de circulation, en général deux voies permettant un créneau de dépassement, garderaient leur vitesse limitée à 90 km/h. Le rapport publié le 17 avril 2018 par l'observatoire interministériel de la sécurité routière (ONISR) sur l'accidentalité des routes à double sens, hors agglomération, selon leur niveau de hiérarchisation locale montre que, alors que l'on croit que les routes sont les plus sûres sur le réseau « principal », c'est-à-dire les routes bidirectionnelles qui drainent le plus fort trafic et relient des points stratégiques, en réalité ce sont celles qui enregistrent le plus d'accidents mortels. Toutes les études successives confirment que les bénéfices d'un abaissement de la vitesse maximale autorisée de 90 à 80 km/h seront en large part obtenus sur ces routes-là. Le choix qui a été fait d'abaisser la vitesse de 10 km/h sur la plus grande partie de ce réseau est donc pleinement conforté. La détermination de la vitesse maximale autorisée sur les routes relève de la compétence du Premier ministre. La transférer aux préfets se traduirait sur le terrain par un effet très négatif sur la lisibilité du réseau routier pour les usagers français mais aussi étrangers qui l'empruntent, voire sur la cohérence de la vitesse sur un même axe qui traverserait plusieurs départements. En outre, il importerait que chaque changement soit accompagné d'un panneau, ce qui les multiplierait de manière très forte à l'échelle du territoire national, avec comme conséquence des coûts faramineux pour les collectivités et la présence d'autant de supports dangereux en bord de route. Il importe ainsi que la mesure soit tant proportionnée que lisible et compréhensible des usagers sur l'ensemble du territoire national. En outre, l'autorité détentrice du pouvoir de police de la circulation peut toujours décider de fixer une vitesse plus restrictive que celle fixée au niveau national. C'est d'ailleurs ce que font de nombreux élus, en abaissant la vitesse maximale autorisée de certaines routes bidirectionnelles pour des raisons de sécurité, par exemple celles traversant des zones forestières, ou virages dangereux pour lesquels la vitesse a déjà été abaissée à 80 voire 70 km/h. Par ailleurs, de nombreux maires abaissent de 50 à 30 km/h la vitesse en agglomération. Cette adaptation aux situations locales existe déjà et elle demeure.

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