Mme Françoise Dumas attire l'attention de M. le ministre de l'action et des comptes publics sur le financement des organisations professionnelles. En septembre 2017, le Parlement a voté un texte visant à rétablir « la confiance dans la vie politique » avec pour objectif central : une plus grande transparence des financements concernant l'ensemble des acteurs politiques (parlementaires, ministres, collaborateurs et conseillers). Cette évolution est apparue vitale à la démocratie tant la méfiance est allée croissante, ces dernières années, entre le personnel politique et les Français. Cependant, ce mouvement de « régénération » de la vie démocratique ne saurait exclure les organisations professionnelles qui, elles aussi, exercent un rôle d'intermédiation de la parole publique. Au moment où le Gouvernement entend privilégier le dialogue social, rien ne serait pire que des organisations professionnelles déconnectées des attentes de celles et ceux qu'elles sont censées représenter. La légitimité de ces organisations est inhérente à l'acceptabilité des réformes que le pays doit engager au cours de la législature. Or l'origine des ressources financières de ces organisations ne semble pas de nature à leur conférer une légitimité à toute épreuve. Plusieurs rapports parlementaires et les comptes sociaux, régulièrement publiés, laissent apparaître que les ressources des principaux syndicats patronaux proviennent, en majeure partie, de financements publics. Depuis 2002, une taxe de 0,15 % est, en effet, prélevée sur la masse salariale des artisans en vue de financer le « dialogue social ». Taxe à laquelle s'est ajoutée, en 2016, une nouvelle contribution de 0,016 % prélevée par l'URSSAF et gérée par l’Association de gestion du fonds paritaire national (AGFPN) en vue, cette fois-ci, de financer le paritarisme. Le produit de ces taxes assure une assise financière confortable aux syndicats patronaux. La conséquence de ce circuit de financement aboutit à ce que ces syndicats dépendent, pour leur fonctionnement, principalement de l'argent public et, accessoirement, des cotisations de leurs adhérents. Une telle endogamie n'est pas acceptable et ne rend pas service à la vitalité démocratique. Les organisations professionnelles défendent des intérêts privés. Elles doivent donc dépendre des seules cotisations de leurs adhérents. La suppression des prélèvements obligatoires de 0,15 % et 0,016 % constituerait, par ailleurs, un allégement de charges apprécié des entreprises et en particulier des plus petites, sans conséquence aucune pour les finances publiques et la collectivité nationale. Aussi, elle lui demande quelles sont les intentions du Gouvernement sur un sujet essentiel, qui permettrait de consolider la démarche engagée en faveur de la transparence de la vie publique.
Le rôle d'intermédiation des organisations professionnelles est indispensable au bon fonctionnement de notre démocratie. Elles doivent pouvoir traduire les attentes des groupes qu'elles représentent, éclairer les débats publics en y apportant leur propre sensibilité et proposer des solutions respectueuses des intérêts privés de leur base mais également de l'intérêt commun. La légitimité des positions des organisations professionnelles s'appuie sur leur représentativité dans le milieu professionnel, et notamment sur la force de leurs adhérents. Pour tenir utilement leur rang dans le débat politique, les organisations professionnelles nourrissent une expertise complexe et coûteuse en moyens humains et financiers. Les fonds publics qui leur sont attribués permettent d'entretenir cette expertise et donc la qualité de leur intervention dans le débat. Plusieurs réformes récentes témoignent de la volonté du Gouvernement de renforcer la négociation collective en légitimant davantage les organisations professionnelles qui peuvent désormais justifier de leur représentativité, et à ce titre, percevoir des crédits du paritarisme, attribués selon des règles objectives et des circuits transparents. - La contribution de 0,15% des employeurs du secteur artisanal est issue de l'accord étendu du 12 décembre 2001 relatif au développement du dialogue social dans l'artisanat négocié par des organisations syndicales de salariés et professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national (Union professionnelle artisanale, Confédération générale du travail, Confédération française démocratique du travail, Force ouvrière, Confédération française des travailleurs chrétiens, Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres). Il s'agit donc d'une contribution consentie pour les partenaires sociaux qui représentent les intérêts des entreprises et des salariés du secteur de l'artisanat pour l'amélioration du dialogue social. - La contribution au dialogue social de 0,016% des employeurs est issue de la réforme du financement du paritarisme de 2014 dont l'objectif était précisément de mettre en transparence les circuits de financement des organisations syndicales de salariés et professionnelles d'employeurs. En effet, cette réforme s'est inscrite dans le mouvement de renforcement de la démocratie sociale porté par la loi du 20 août 2008 et vise à éviter toute confusion entre le financement des partenaires sociaux et celui des politiques publiques, dont les partenaires sociaux ont la charge. Cette contribution n'est pas une charge nouvelle pour les entreprises, car elle se substitue aux sommes qui étaient payées auparavant dans le cadre des contributions pour la formation professionnelle et reversées sous forme de préciputs aux partenaires sociaux. Si ces financements étaient auparavant peu identifiables, l'attribution des crédits aux organisations syndicales et patronales répondent désormais à des critères objectifs et dépendent de la reconnaissance de la représentativité, ainsi que de la mesure de l'audience pour les organisations professionnelles d'employeurs (OP). Les financements du paritarisme ne bénéficient, en effet, qu'aux organisations professionnelles représentatives qui représentent donc les intérêts collectifs des entreprises. Pour rappel, pour être représentative, une organisation professionnelle doit répondre à un certain nombre de critères : ancienneté, respect des valeurs républicaines, indépendance, transparence financière, influence, implantation territoriale équilibrée (pour les branches professionnelles) et audience. Le critère de l'audience, primordial dans la détermination de la représentativité, est apprécié au regard de la capacité des OP à attester qu'elles comptent comme adhérents au moins 8 % des entreprises adhérant à des OP satisfaisant aux critères 1° à 4° de l'article L. 2151-1 du code du travail et ayant fait acte de candidature, au niveau concerné (branche ou national et interprofessionnel) ou que leurs entreprises adhérentes emploient au moins 8% de l'ensemble des salariés employés par l'ensemble des entreprises adhérant à des OP satisfaisant aux critères précités et ayant fait acte de candidature. Ces réformes s'inscrivent donc également dans la démarche engagée en faveur de la transparence de la vie publique. L'association de gestion du fonds national paritaire doit, d'ailleurs, chaque année, remettre un rapport au Gouvernement et au Parlement justifiant de la bonne utilisation des crédits. S'il peut apparaître souhaitable que les organisations professionnelles appuient leurs actions sur une plus grande base d'adhérents, qui renforcerait non seulement leur capacité financière mais également leur représentativité, supprimer subitement les sources de financements publiques en leur faveur aurait un effet déstabilisateur pour ces organisations et serait néfaste à notre débat démocratique. Toute éventuelle réforme du financement de ces organisations doit donc s'insérer dans le temps long, à un horizon qui puisse permettre aux organisations de convaincre de futurs adhérents de les rejoindre.
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