La séance est ouverte à 11 heures.
Mes chers collègues, je suis très heureux de vous accueillir pour la première réunion du CEC de la session 2018-2019.
Nous allons arrêter le programme de travail du Comité pour l'année à venir et procéder à la désignation des rapporteurs qui seront chargés des premières évaluations.
La programmation de nos travaux intervient dans un contexte particulier. Au cours de la session écoulée, le CEC a en effet consacré une partie de ses travaux à une réflexion sur ses propres méthodes de travail. Le rapport présenté en mars 2018 par Pierre Morel-À-L'Huissier et Valérie Petit a conclu à la nécessité de faire évoluer le fonctionnement du CEC pour qu'il s'appuie davantage sur des expertises extérieures.
Notre programme de travail a été préparé dans cette optique et les groupes politiques ont été invités à proposer des thématiques susceptibles de faire l'objet d'une expertise extérieure. Les présidents de groupe m'ont transmis dix propositions dont la liste vous a été distribuée.
Avant d'examiner ces propositions, je vous rappelle que deux évaluations sont en cours. À la demande conjointe des groupes Mouvement démocrate et apparentés (MODEM) et Gauche démocratique et républicaine (GDR), une évaluation de l'accès aux services publics dans les territoires ruraux a été lancée avec l'assistance de la Cour des comptes. Est également en cours une évaluation de la lutte contre la délinquance financière, demandée par le groupe La France insoumise (LFI).
Compte tenu de ces travaux, quatre nouvelles évaluations pourront être engagées pour lesquelles je vous propose de solliciter l'appui de France Stratégie ou de la Cour des comptes.
France Stratégie a acquis une solide expérience dans l'évaluation des politiques publiques en s'appuyant sur un réseau de chercheurs et j'ai reçu l'accord de principe du Premier ministre pour que nous bénéficiions de son expertise. Je vais donc faire usage d'une disposition du décret qui régit France Stratégie pour solliciter son appui afin de réaliser deux évaluations, l'une choisie par la majorité, l'autre par l'opposition.
Le groupe La République en marche (LaREM) propose une évaluation de la défense des droits des usagers par les dispositifs de médiation administrative. C'est un sujet peu étudié, qui aurait l'avantage d'aborder les politiques publiques du point de vue des citoyens-usagers et d'inclure une dimension numérique en mesurant les effets de la digitalisation dans les relations entre les usagers et l'administration. C'est un thème susceptible de faire l'objet d'une étude confiée à France Stratégie, centrée sur l'impact des dispositifs de médiation dans les relations entre les usagers et l'administration, par exemple à partir des données dont dispose le Défenseur des droits.
Le groupe Les Républicains (LR) demande une évaluation de la politique d'immigration dans toutes ses composantes. Ce thème porte sur un champ qui me paraît beaucoup trop large pour être évalué, et mérite d'être davantage précisé. Je vous propose de centrer nos travaux sur l'impact économique de l'immigration. Des recherches macro-économiques ont déjà été réalisées sur cette dimension, notamment par l'OCDE. Une étude sur les coûts et bénéfices de l'immigration pour l'économie française pourrait ainsi être confiée à France Stratégie.
La proposition conjointe des groupes LaREM et UDI-Agir d'évaluer la lutte contre la contrefaçon nous permettrait de traiter d'un sujet économique aux conséquences réelles dans de nombreux secteurs. La Cour des comptes pourrait être sollicitée pour enquêter sur le dispositif déployé par l'État pour lutter contre ce phénomène.
Le groupe Socialistes et apparentés propose une évaluation des discriminations induites par Parcoursup. Il s'agit d'un dispositif très récent qui va être prochainement ajusté. L'évaluer suppose de mesurer ses conséquences sur la réussite des étudiants et je ne suis pas certain que nous disposions du recul suffisant pour le faire tout de suite. L'Office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a déjà travaillé sur les algorithmes utilisés par le dispositif. Je vous propose donc d'évaluer, de manière plus globale, les politiques d'accès à l'enseignement supérieur, qui ne se résument pas au seul dispositif Parcoursup, si le groupe Socialistes et apparentés est d'accord avec cette suggestion. Cette évaluation pourrait bénéficier de l'assistance de la Cour des comptes qui a enquêté en 2016 sur le dispositif APB (admission post-bac) et paraît bien outillée pour traiter du sujet. L'appui de la Cour permettrait en particulier de résoudre les problèmes d'accès aux données statistiques détenues par les rectorats et les universités. Par ailleurs, je relève que le Laboratoire interdisciplinaire d'évaluation des politiques publiques (LIEPP) de Sciences Po a lancé un programme de recherche sur le même thème.
Monsieur le Président, le groupe Socialistes et apparentés est d'accord pour élargir l'évaluation demandée à la politique d'accès à l'enseignement supérieur, un champ plus vaste et plus transversal que Parcoursup, un dispositif unique, récent et qui va prochainement faire l'objet de quelques corrections. Cela dit, nous répondions à une recommandation qui était de porter notre choix sur des sujets à impact mesurable immédiatement, à partir de données quantitatives, dans la perspective de notre collaboration future avec France Stratégie ; d'où un ciblage extrêmement précis. L'apport de la Cour des comptes sera utile ; ses travaux sur le sujet sont déjà très nombreux et très denses, notamment sur APB. Il ne faudrait pas pour autant s'en remettre uniquement à elle pour accéder aux fichiers et aux algorithmes ; le Parlement doit exercer ses pouvoirs d'investigation. Nous pourrions par exemple travailler avec les rapporteurs spéciaux, le rapporteur général du budget, ou d'autres responsables afin de nous ouvrir des portes. C'est important face à l'exécutif. La proposition que vous nous faites est équilibrée d'autant que nous pourrons nous appuyer sur des chercheurs et des scientifiques. Le calendrier de l'évaluation en sera-t-il modifié ?
Monsieur le Président, le groupe LR proposait une évaluation de la politique d'immigration de la France selon quatre axes – financier, économique, social et sécuritaire. N'en retenir qu'un seul, l'économique, comme vous le proposez, serait très réducteur et ne répondrait pas à une demande qui se voulait globale. Je suggérerais donc d'inclure au moins l'approche sociale qui ne peut être déconnectée de l'aspect économique. Avant que les personnes immigrées intègrent la sphère économique, il faut au préalable une prise en charge sociale, qu'il convient d'apprécier, en particulier pour ce qui est de l'accueil. Le social précède l'économique, qui n'en est qu'une résultante.
Je n'y vois pas d'objection.
Monsieur Juanico, si le programme tel qu'il vient d'être présenté est adopté, je vais saisir sans tarder le Premier président de la Cour des comptes pour arrêter les modalités et le calendrier de notre collaboration.
Le Comité décide de solliciter l'appui de France Stratégie sur les deux thématiques suivantes : la médiation entre les usagers et l'administration ; les coûts et bénéfices de l'immigration en matière économique et sociale.
Le Comité décide en outre de demander l'assistance de la Cour des comptes sur les deux thématiques suivantes : la lutte contre la contrefaçon ; l'accès à l'enseignement supérieur.
Il désigne ensuite Mme Sandrine Mörch (LaREM) et M. Pierre Morel-À-L'Huissier (UDI-Agir) rapporteurs sur la médiation entre les usagers et l'administration ; Mme Stéphanie Do (LaREM) et M. Pierre-Henri Dumont (LR) rapporteurs sur les coûts et bénéfices de l'immigration en matière économique et sociale.
Je vous rappelle que les deux évaluations en cours sont menées par des rapporteurs des groupes LaREM, MODEM, GDR et LFI.
Compte tenu des désignations qui viennent d'être décidées, et afin que chaque groupe dispose d'un rapporteur, les évaluations qui débuteront plus tard seront confiées à des rapporteurs LaREM et UDI-Agir pour la lutte contre la contrefaçon ; à des rapporteurs LaREM et Socialistes et apparentés pour l'accès à l'enseignement supérieur.
Nous désignerons les rapporteurs de ces évaluations lors d'une prochaine réunion, de manière à laisser le temps aux groupes de lancer en leur sein des appels à candidatures.
Je me réjouis que le programme de travail que nous venons d'adopter puisse conforter un aspect trop peu connu de la mission des parlementaires, la fonction d'évaluation. Il nous faudra veiller collectivement à la mettre mieux en valeur auprès du grand public.
La séance est levée à 11 heures 20.