La séance est ouverte à 14 heures 40.
Présidence de M. Jean-Louis Thiériot, vice-président.
La Commission d'enquête entend en audition commune Mme Sabina Sebaihi, vice-présidente de l'association des maires Ville et banlieue de France, et de MM. David Marti et Gaël Perdriau, co-présidents de la commission Sécurité de France urbaine.
Je vous prie d'excuser notre président, M. Jean-Michel Fauvergue, retenu en séance plénière. Mme George Pau-Langevin ayant été nommée adjointe de la Défenseure des droits, elle quittera très prochainement l'Assemblée nationale et son successeur au poste de rapporteur sera bientôt désigné. Elle assure néanmoins encore ses fonctions aujourd'hui.
Nous recevons M. David Marti, maire du Creusot, et M. Gaël Perdriau, maire de Saint-Étienne, co-présidents de la commission Sécurité de France Urbaine, ainsi que Mme Sabina Sebaihi, adjointe au maire d'Ivry-sur-Seine et vice-présidente de l'association des maires Ville et banlieue de France, l'AMVBF.
Notre commission d'enquête a souhaité recueillir l'avis d'élus municipaux quant à la manière dont sont menées les opérations de maintien de l'ordre. Il s'agit de connaître vos éventuels souhaits d'amélioration, notamment pour rétablir le lien de confiance entre citoyens et forces de l'ordre. Le maintien de l'ordre n'est possible qu'avec des acteurs de proximité. Or les maires sont, par définition, l'échelon de proximité – « la République à hauteur d'homme et d'engueulade », ai-je coutume de dire.
Je rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « je le jure ».
(Mme Sebaihi, M. Marti et M. Perdriau prêtent serment.)
Je vous remercie de nous donner l'opportunité d'éclairer la représentation nationale.
Je suis assez frappée de constater la méconnaissance qu'ont les élus et les citoyens des chaînes de commandement et d'action des policiers et des gendarmes lorsqu'ils font du maintien de l'ordre. En France, depuis 1935, le droit de manifester suppose une déclaration préalable en préfecture de la part des organisateurs des manifestations. Il revient aux préfets, relais directs du pouvoir politique, de garantir l'ordre public. Même si l'on a tendance à l'oublier au regard de la violence des manifestations des dernières années, le maintien de l'ordre doit permettre l'exercice de la liberté d'expression dans le cadre des manifestations, de manière à ce que celles-ci ne troublent pas l'ordre public.
Or la technique de la nasse, de plus en plus pratiquée lors des manifestations, participe souvent à l'escalade, plutôt qu'à la désescalade – même si la plupart du temps, les donneurs d'ordre et les officiers s'efforcent de retarder autant que possible cette action, conscients qu'il sera très difficile de faire retomber la tension une fois que les affrontements auront eu lieu. C'est peut-être ce qui donne au maintien de l'ordre français son caractère particulier : il ressemble d'abord à de l'attentisme, voire à de la passivité, avant une intervention massive qui exclut, la plupart du temps, un retour en arrière.
La nasse est une zone gazée et compacte, dans laquelle il est impossible d'avancer ou de reculer et où il peut pleuvoir des coups de matraques ou d'armes non létales. Hier, je participais au rassemblement contre la proposition de loi relative à la sécurité globale devant l'Assemblée nationale. Au moment de partir, nous avons eu à subir cette technique de nasse. La manifestation était pourtant déclarée et il n'y avait pas de débordement particulier. Lorsque nous nous sommes retrouvés encerclés dans une rue dont il était impossible de sortir, j'ai eu peur et je me suis sentie entravée dans ma liberté de me déplacer. Se trouvaient aussi parmi nous des personnes qui ne manifestaient pas mais rentraient chez elles après leur journée de travail. La tension est très rapidement montée entre les manifestants et les forces de l'ordre, qui bloquaient le passage sans explication.
Je rappelle qu'à la suite des manifestations des Gilets jaunes, le Défenseur des droits lui-même a réclamé une évolution de la doctrine du maintien de l'ordre et préconisé de mettre fin à la technique de nasse.
S'agissant du volet juridique du sujet, plusieurs textes régissent – de manière fragmentaire – le maintien de l'ordre, comme le code de la sécurité intérieure, le code de procédure pénale, des arrêtés préfectoraux ou encore des instructions internes. Ils émanent de plusieurs institutions, avec des statuts différents. La circulaire du 8 novembre 2012 adressée aux directeurs zonaux de CRS, par exemple, couvre des contextes dans lesquels les forces de l'ordre ne sont pas attaquées mais où elles peuvent prendre l'initiative, après avoir effectué les sommations d'usage, d'utiliser diverses techniques et armes à leur disposition. Elles peuvent ainsi effectuer des charges pour disperser un attroupement, à l'aide de grenades lacrymogènes, de GLI-F4 ou de grenades de désencerclement.
Si l'effet parfois mortel de ces armes fait encore débat en France, leur usage est totalement prohibé par les forces de police allemandes, britanniques, belges et suédoises. En Allemagne, une décision de la cour constitutionnelle de 1985 impose aux forces de police le principe cardinal de désescalade ainsi qu'un dialogue permanent pour tenter de discipliner les modes de contestation.
En France, l'utilisation disproportionnée d'armes est autorisée dans le cadre des manifestations, y compris par des policiers qui ne sont pas formés aux techniques de maintien de l'ordre – comme les brigades anti-criminalité (BAC) qui ont usé de LBD et blessé de nombreux manifestants pendant le mouvement des Gilets jaunes. Par ailleurs, il n'existe pas de mécanisme de désescalade, comme des médiateurs. Au contraire, le recours à la technique de la nasse accroît la tension entre les manifestants et les policiers.
Les policiers eux-mêmes dénoncent depuis plusieurs années l'inefficacité et la dangerosité de ces méthodes. Un rapport conjoint de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) et de l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN), publié le 13 novembre 2014, concède que « les infléchissements de doctrine ou d'équipements sont fréquents », tout en reconnaissant que « au-delà de la question des armes et munitions, la bonne information de la population sur les objectifs, les méthodes et les risques du maintien de l'ordre doit être développée. Une communication institutionnelle doit se déployer de manière permanente et ponctuelle dans une perspective plus pédagogique ». Sa première recommandation consiste à « introduire un dispositif de visibilité ou de compréhension de la posture des forces à destination du public et des manifestants ». À ma connaissance, cette recommandation n'a jamais été suivie d'effet.
L'IGPN et l'IGGN soulignent également « la complexité des dispositions réglementaires du code de sécurité intérieure, qui ne sont pas d'un accès et d'une compréhension immédiats. Aucun critère n'est défini, permettant de conditionner le passage d'une phase de maintien de l'ordre à une autre. » Cette situation est insatisfaisante tant pour les policiers, qui exercent leur profession dans des conditions dégradées, que pour les manifestants, qui ne comprennent pas les violences auxquelles ils doivent faire face en l'absence de médiateur. Malgré la technologie dont nous disposons, il est impossible d'avertir les manifestants d'une charge ou d'une intervention massive des forces de l'ordre.
J'en viens à la question de la relation entre la police et la population. Cette notion préoccupe fortement les élus, notamment ceux des villes de banlieue. L'article 24 de la proposition de loi en cours de discussion est vivement contesté. La loi existante protège déjà les policiers, il suffit de l'appliquer. Il n'est peut-être pas utile d'ajouter encore à l'empilement de lois et de textes juridiques. Il est certain, en revanche, que ce n'est pas en limitant la liberté de la presse et en donnant à penser aux citoyens que les policiers sont au-dessus des lois que l'on améliorera cette relation. Dans certaines affaires, les vidéos ont permis d'enquêter et de disposer de preuves – je pense à l'affaire Cédric Chouviat ou à l'affaire Alexandre Benalla. Il faut également poser la question de l'IGPN, une autorité qui n'est pas indépendante du ministère de l'Intérieur, et où des policiers enquêtent sur d'autres policiers.
Je précise que nous souhaitons surtout entendre votre expérience et vos réflexions d'élus locaux sur le maintien de l'ordre lors de manifestations. Des centres-villes ont été ravagés, provoquant la colère très compréhensible de la population. Comment éviter que de telles scènes ne se reproduisent, tout en préservant le droit de manifester ?
De toute évidence, la sécurité régresse dans nos villes. La délinquance évolue tant par sa violence que par sa fréquence et les lieux dans lesquels elle s'exerce. Les faits de délinquance ont toujours existé, mais les élus locaux observent unanimement leur montée en puissance sous toutes leurs formes, de la petite délinquance jusqu'au grand banditisme, en passant par les violences urbaines, extrêmement dommageables pour les habitants et ceux qui les subissent au quotidien. L'insécurité est une réalité, pas un sentiment. Les lois et les ministres passent, et la situation ne fait que s'aggraver. Les causes sont diverses, mais le constat est bien celui-là.
Nous constatons collectivement la régression des moyens dévolus par l'État à la sécurité publique – sous certains gouvernements plus que d'autres, même s'il ne s'agit pas de tenir un discours partisan. Cette diminution des moyens a concerné tant la prévention que le traitement de la délinquance. Le fait le plus marquant a été la réduction du nombre de fonctionnaires de police, drastique il y a quelques années. Le Gouvernement souhaite rétablir ces effectifs, mais les moyens ne sont pas adaptés au niveau d'insécurité dans nos villes.
Nous constatons aussi, dans les discussions relatives au livre blanc sur la sécurité ou aux contrats de sécurité, la volonté de substituer la police municipale à la police ou à la gendarmerie nationale. De plus en plus, le débat est reporté sur les maires qui disposent d'une police municipale, suffisante ou insuffisante, armée ou non. Cela nourrit un sentiment d'échec et creuse la fracture entre les territoires et entre les maires eux-mêmes. La situation devient inacceptable, au regard des moyens dont nous disposons. Les contrats de sécurité, qui seront lancés à titre expérimental, le démontrent : l'État met des forces de police en place, à condition que les maires déploient des moyens supplémentaires. Nous sommes très vigilants et nous alertons depuis longtemps sur ce déport vers les polices municipales. La pression sur les maires est constante : la population estime qu'ils sont les chefs de la sécurité et leur reproche de ne rien faire face aux violences et aux faits de délinquance dont elle est victime au quotidien. Mais les maires se trouvent démunis.
L'évolution de la délinquance est également liée à la progression exponentielle du trafic de drogue, avec la professionnalisation de son organisation, y compris dans des villes moyennes qui étaient épargnées jusqu'ici. Non seulement les moyens doivent être accrus, mais ils doivent être adaptés à cette nouvelle délinquance. Pourtant, nous fonctionnons selon un système mis en place depuis des années, y compris dans le volet police/justice. Un important travail d'adaptation – y compris de certaines lois – est nécessaire pour renforcer la réactivité. Je ne pense pas seulement aux peines d'emprisonnement qui peuvent être prononcées, mais aussi au traitement judiciaire et à la prévention des petite et primo délinquances.
Voilà la situation telle qu'elle ressort de mon expérience et de nos échanges dans le cadre de notre association.
Je rappelle que le cadre de notre mission est le maintien de l'ordre, pas la délinquance en général. Il s'agit d'entendre les expériences qui ont été les vôtres lors des manifestations des Gilets jaunes ou contre la réforme des retraites.
Le maintien de l'ordre est une mission régalienne. Les communes n'interviennent donc à aucun moment dans les opérations du maintien de l'ordre. Pour autant, une ville comme Saint-Étienne y participe de deux manières. D'une part, nous transmettons les images de vidéosurveillance à la police nationale, un élément que celle-ci a considéré comme décisif lors des manifestations de l'an dernier. À ce propos, peut-être l'État pourrait-il contribuer à l'équipement des communes en systèmes de vidéosurveillance – les crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) étant loin d'être suffisants ? D'autre part, nous contrôlons la circulation très en amont et très en aval des manifestations, pour éviter que les personnes qui n'ont pas choisi d'y participer s'y retrouvent coincées, contribuant involontairement à accroître la confusion. D'après les dires de la police nationale, cette action est indispensable.
Les services municipaux ne sont ni informés des opérations qui seront conduites par les forces de l'ordre ni consultés quant à la méthode. Bien que relativement impliqués, nous restons des observateurs. La relation à la population est également absente. Certes, avant de charger ou de lancer des gaz, les forces de l'ordre procèdent à des sommations. Mais d'autres approches pourraient être envisagées pour favoriser le dialogue.
Les manifestations des Gilets jaunes ont donné lieu à une grande incompréhension. L'insuffisance des moyens humains a transformé les forces de l'ordre en spectateurs. Plusieurs dizaines de magasins ont été saccagés et pillés sous les yeux des policiers, qui n'ont pas pu intervenir car ils n'étaient pas assez nombreux. Qui plus est, des gaz lacrymogènes ont été lancés sur des familles qui se trouvaient à quelques encablures des manifestations pour les disperser, comme si elles s'apprêtaient à exercer des actes répréhensibles. Les moyens sont parfois inadaptés, parfois clairement insuffisants.
Que pensez-vous du nouveau schéma national du maintien de l'ordre ? Avez-vous été sollicités par le ministère de l'Intérieur pour apporter votre pierre à la construction de cet édifice ?
Êtes-vous en contact avec le renseignement territorial ? Vous informe-t-il en amont ?
Êtes-vous en lien avec les préfectures, ne serait-ce que pour discuter des itinéraires ou des éventuelles négociations avec les organisateurs des manifestations ? Des améliorations pourraient-elles être apportées en la matière ?
Vous avez évoqué le sentiment d'incompréhension terrible des habitants dont les villes ont été saccagées, alors même que les forces de l'ordre étaient présentes. Cette non-intervention résulte-t-elle d'un choix doctrinal qui mériterait réflexion – les forces de l'ordre indiquent qu'elles n'interviennent pas pour ne pas accroître la violence ? Ou est-elle simplement liée au manque de moyens ?
Ni les villes ni France urbaine n'ont été consultées lors de l'élaboration du schéma national du maintien de l'ordre, qui ne nous a pas non plus été communiqué. Je ne peux en dire davantage puisque je n'ai pu en prendre connaissance.
En amont des manifestations, nous avons des contacts avec les renseignements territoriaux et la préfecture et nous pouvons donner un avis – consultatif – sur les manifestations et sur leur itinéraire. Mais nos critères ne sont pas toujours les mêmes que ceux de l'État. Alors que je tenais à ce que les manifestations des Gilets jaunes ne traversent pas le centre-ville, le préfet m'a répondu qu'il n'aurait pas les moyens de faire respecter l'itinéraire autorisé si les manifestants décidaient d'en suivre un autre, aussi préférait-il accepter la demande des manifestants pour être certain de savoir où ils iraient.
Pendant les manifestations, le manque de moyens est criant. La non-intervention des forces de l'ordre est également liée à la doctrine : des ordres leur ont été donnés de ne pas bouger.
Je n'ai, moi non plus, jamais été consulté sur le schéma national du maintien de l'ordre.
Nous avons peu de contacts avec les renseignements territoriaux. Le cas échéant, ils se font via la sous-préfecture ou le commissariat.
Pour le reste, la ville du Creusot fait figure d'exception puisqu'elle n'a pas connu de manifestations de Gilets jaunes. Il y en a eu d'autres, plutôt bien organisées par les syndicats et qui ont donné lieu à très peu d'interventions des forces de police.
Nous n'avons pas du tout été consultés sur le nouveau schéma national du maintien de l'ordre, ni en tant qu'élus ni en tant qu'association. Je n'en ai pas pris connaissance. Il est dommage qu'il ait été produit sans attendre les conclusions de la commission d'enquête.
Lors de manifestations, les maires et les élus sont en première ligne pour assurer la sécurité des personnes et des biens. Vous avez expliqué ne pas être suffisamment en relation avec les préfectures en amont. Que suggérez-vous pour améliorer la préparation des manifestations et pour assurer un meilleur dialogue au cours de ces dernières, y compris lorsque la situation commence à dégénérer ? Le nouveau schéma national prévoit un renforcement des dispositifs de liaison et d'information avec les organisateurs durant la manifestation. Les maires devraient-ils aussi être associés ?
Une circulaire de juillet 2011 interdit aux policiers municipaux de participer à des opérations de maintien de l'ordre. Serait-il opportun de faire évoluer le droit en la matière ? La proposition de loi relative à la sécurité globale, en cours d'examen, vise à confier des pouvoirs complémentaires aux polices municipales. Jugez-vous opportun qu'elles puissent être sollicitées pour ces opérations ?
Comment améliorer les relations entre les collectivités territoriales et les autorités préfectorales pour assurer le maintien de l'ordre ?
Comme je l'ai dit, les relations existent en amont des manifestations. Nous donnons notre avis, même s'il n'est pas toujours suivi. Peut-être faudrait-il améliorer les modalités du dialogue ? En tout cas, je ne trouve pas choquant que le préfet décide in fine en matière de maintien de l'ordre. C'est son rôle.
Je suis opposé à ce que les polices municipales participent au maintien de l'ordre. Leur mission est de veiller à la tranquillité publique. La sécurité et le maintien de l'ordre relèvent clairement de la police nationale. En revanche, il serait temps de faire avancer le sujet de l'interopérabilité des moyens de communication, afin que les policiers municipaux aient accès aux fréquences de la police nationale. Cela faciliterait les échanges.
Les relations sont plus ou moins fluides en fonction des personnes en place. Le dialogue existe, mais il peut être amélioré.
Lorsqu'il y a eu des manifestations au Creusot, la police municipale n'est pas intervenue, mais elle était présente, en appui de la police nationale. Des prérogatives supplémentaires pourraient être confiées aux polices municipales pour leur permettre d'être plus efficaces et plus réactives, mais dans le cadre de leur mission de tranquillité publique. Cela fait partie des demandes formulées par France urbaine.
Il faut faire évoluer les systèmes, car les manifestations ne sont plus celles, organisées par des syndicats, que nous connaissions. Par exemple, lors des mouvements des Gilets jaunes, aucun interlocuteur n'était identifié. C'est là que se situe la difficulté. Les associations d'élus ont fait des propositions dans ce domaine.
Il est indispensable que les maires soient en liaison permanente avec les services préfectoraux, en amont et pendant les manifestations. De fait, les élus locaux disposent de moyens de communication de proximité. Nous avons besoin d'informer les manifestants des parcours et des issues, notamment. Je le répète, la nasse accroît et cristallise les tensions, et conduit à des dégradations. Il faudrait cesser de recourir à ce dispositif.
J'ai entendu les propos de MM. Perdriau et Marti, mais je considère que faire participer les policiers municipaux au maintien de l'ordre, tel qu'il est conçu aujourd'hui, créerait un précédent dangereux. Nous savons à quoi ont conduit les interventions de la BAC lorsqu'elle a utilisé des LBD. Et l'on demanderait aux policiers municipaux d'être partiellement armés lors des opérations, alors qu'ils ne sont ni formés au maintien de l'ordre ni au maniement des armes qui seraient mises à leur disposition dans ce cadre ?
En revanche, il serait intéressant de réfléchir à un rôle de médiation de la police municipale durant les manifestations, pour renforcer la communication avec les manifestants et permettre la désescalade.
Je n'ai pas entendu que France urbaine est favorable à ce que la police municipale fasse du maintien de l'ordre stricto sensu, mais plutôt de la sécurisation.
Pourriez-vous nous transmettre les propositions que vous avez mentionnées ?
Les maires sont-ils informés des suites judiciaires données aux infractions constatées dans leur commune, notamment lorsque du mobilier municipal a été dégradé ? Êtes-vous partie prenante aux procédures ?
Nous ne sommes pas partie prenante. Nous sommes même rarement informés des suites.
Nous vous transmettrons volontiers nos propositions, que nous avions remises il y a un certain temps aux députés Fauvergue et Thourot, auteurs de la proposition de loi relative à la sécurité globale.
Il est très rare que nous ayons un retour de la part de la justice. La ville a connaissance des décisions lorsqu'elle a déposé plainte pour dégradation du mobilier urbain, mais elle n'est jamais informée des suites judiciaires lorsque des arrestations ont lieu.
Pourriez-vous nous transmettre le schéma national du maintien de l'ordre ? Je regrette, à l'instar de Mme Sebaihi, qu'il ait été rédigé avant la fin de vos travaux. Il est dommage que les associations d'élus n'aient pas été consultées en amont de cette nouvelle doctrine, alors qu'elles sont sans doute concernées par son contenu.
En septembre 2019, le forum français de sécurité urbaine a remis au Premier ministre un livre blanc pour la sécurité des territoires, avec 130 propositions concrètes.
Nous sommes très rarement tenus au courant des suites judiciaires lorsque des dégradations ont été commises sur le territoire de nos communes.
Enfin, je n'ai pas affirmé que mes collègues étaient favorables au recours à la police municipale dans le cadre du maintien de l'ordre. Je les ai entendus dire qu'ils souhaitaient un élargissement de ses prérogatives.
Nous ne souhaitons pas un élargissement des prérogatives des polices municipales à tout prix. Nous partons simplement du constat qu'elles sont de plus en plus appelées à intervenir et qu'elles n'ont pas les moyens d'agir. Soit elles ne sont pas sollicitées, et elles restent dans leurs missions classiques de prévention, de dialogue et de remontée d'information ; soit elles sont appelées, dans le cadre des contrats de sécurité, à exercer d'autres missions de proximité publique, et elles doivent disposer des moyens correspondants.
Lorsque les policiers municipaux apportent leur soutien aux policiers nationaux lors d'une manifestation, sont-ils dotés d'équipements spécifiques ?
Les équipements ont évolué. Au Creusot, il y a encore moins de dix ans, les policiers municipaux n'avaient pas d'arme. L'évolution a fait que, pour les protéger, nous avons dû progressivement les équiper de bombes lacrymogènes, de matraques, de caméras, de Taser et de gilets de protection. Désormais, lorsqu'ils sont sur le terrain, et quelle que soit la mission qu'il doivent accomplir, ils ressemblent à des robots, je caricature à peine. Mais ils ne disposent pas d'armes létales. Je résiste encore – pour l'instant.
La séance est levée à 15 heures 35.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Valérie Bazin-Malgras, Mme Aude Bono-Vandorme, M. Jérôme Lambert, Mme George Pau-Langevin, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Laurence Vanceunebrock.