Commission d'enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en guyane

Réunion du mercredi 5 mai 2021 à 16h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LA LUTTE CONTRE L'ORPAILLAGE ILLÉGAL EN GUYANE

Mercredi 5 mai 2021

La séance est ouverte à seize heures trente.

(Présidence de M. Lénaïck Adam, président de la commission d'enquête)

La commission d'enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane procède à l'audition de M. Frédéric Doré, ministre plénipotentiaire, directeur des Amériques et des Caraïbes au ministère des affaires étrangères .

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Notre démarche vise à l'amélioration, par des propositions concrètes, du dispositif de lutte en place contre l'orpaillage illégal en Guyane, mal qui gangrène notre territoire et menace sa biodiversité.

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(M. Frédéric Doré prête serment.)

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Frédéric Doré, ministre plénipotentiaire, directeur des Amériques et des Caraïbes au ministère des affaires étrangères

Je vous présenterai l'action du ministère de l'Europe et des affaires étrangères en matière de lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane, bien que ce combat ne relève pas de sa compétence première. La dimension internationale de l'orpaillage illégal en Guyane s'explique par la géographie amazonienne, les réseaux de matériel et de personnes impliqués, ainsi que par les circuits d'exportation de l'or.

Dans le cadre de la coopération entre les États voisins, notre ministère s'efforce de faciliter l'échange d'informations, d'expertise et de bonnes pratiques, ainsi que la mise en place d'opérations conjointes visant au démantèlement des trafics.

Durant l'été 2020, l'arrivée au pouvoir au Suriname d'un nouveau gouvernement, sous la présidence de M. Santokhi, a donné un nouvel essor à notre coopération. Le 15 mars dernier, à Paris, notre ministre de l'Europe et des affaires étrangères a signé un traité frontalier avec son homologue, M. Ramdin. Ce protocole annexé à la convention de 1915 précise le tracé de la frontière par rapport aux îles du Maroni et de la Lawa. Des incidents lors de patrouilles conjointes voici deux ans avaient mis en évidence la contestation de certaines portions de la frontière mal établies. Ce traité fort attendu résulte d'un important travail mené par notre ministère et notre ambassadeur à Paramaribo en concertation avec l'ensemble des parties prenantes.

Cet accord nous fournit les moyens légaux et humains de lutter efficacement contre l'orpaillage illégal en clarifiant les limites de notre action comme de celle des forces de sécurité surinamiennes. Depuis, les patrouilles communes ont repris le long du fleuve délimitant nos pays.

M. Ramdin a également signé avec le ministre français des Outre-mer une déclaration conjointe sur la gestion commune du Maroni et de la Lawa, et sur le développement commun de la zone frontalière, afin de mettre en valeur et de préserver l'écosystème fluvial en favorisant le développement harmonieux des populations française et surinamienne.

Une convention d'entraide judiciaire en matière pénale, signée elle aussi le 15 mars 2021, doit enfin améliorer la coopération entre les instances judiciaires dans la lutte contre l'ensemble des réseaux et des trafiquants, même s'ils ne sont pas appréhendés sur le terrain.

La présence, lors de la signature de ces documents, de M. Amoksie, ministre de la justice et de la police, prouve l'importance qu'attache le gouvernement du Suriname aux questions de sécurité et de lutte contre les trafics en tous genres.

Ce renforcement de la coopération judiciaire consolide un dispositif légal de coopération policière fondé sur un accord conclu en 2006 et ratifié par le Suriname en 2017, après un effort diplomatique soutenu de la France.

La France, qui dispose d'une ambassade à Paramaribo, a adapté son dispositif diplomatique à la situation locale et, pour gagner en efficacité, elle a basé en Guyane une partie du réseau de coopération avec le Suriname. À l'été 2018 ont ainsi été créés un poste d'officier de gendarmerie de liaison et un autre de conseiller diplomatique auprès du préfet de Guyane.

Notre coopération avec le Suriname passera par la lutte contre le trafic de mercure, s'appuyant sur la convention de Minamata, à laquelle le Suriname a adhéré en 2018. Nos interlocuteurs surinamiens se sont engagés à combattre l'usage du mercure, conformément à l'une des priorités évoquées lors de la réunion de coopération transfrontalière de septembre 2020, puis lors de la première visite du ministre des affaires étrangères du Suriname à Paris, le mois suivant.

Nous partageons notre expertise avec les Surinamiens en les accompagnant dans leur adoption progressive de techniques de substitution au mercure. Des délégations surinamiennes se sont ainsi rendues sur des sites miniers légaux de Guyane en 2018. En décembre 2020, le ministre des ressources naturelles du Suriname, M. Abiamofo, accompagné du responsable de l'institut en charge de la réglementation des petites exploitations minières, s'est rendu en Guyane à l'invitation de notre ambassadeur.

Nous restons disponibles auprès des autorités surinamiennes pour échanger sur les modèles existants en Guyane d'exploitation minière sans mercure. Nous envisageons des actions de sensibilisation de la population surinamienne aux risques sur la santé de l'exposition au mercure.

Nous présentons à notre voisin surinamien notre dispositif de lutte contre l'orpaillage illégal, en particulier aux élus surinamiens réfléchissant à une évolution de leur réglementation minière.

Ces perspectives encourageantes autorisent à espérer, à moyen terme, une harmonisation des règles de lutte contre l'orpaillage illégal à la frontière.

Nos échanges diplomatiques ont permis certaines avancées urgentes. Le gouvernement surinamien a cessé d'octroyer de nouveaux permis aux barges d'orpaillage le long du Maroni. Depuis novembre 2020, la France soutient les missions surinamiennes chargées de mettre un terme à leur activité.

L'accord de lutte contre l'exploitation aurifère illégale signé avec le Brésil en 2008 est entré en vigueur en 2015. Il prévoit que chaque partie instaure un mécanisme de sanction de l'orpaillage illégal mais aussi valorise et encadre les filières légales, et que nos deux pays définissent ensemble des méthodes, des standards et des cursus de formation communs. L'accord-cadre de coopération franco-brésilien de 1996 nous fournit un outil de coopération avec l'État d'Amapá : la commission mixte de coopération transfrontalière. Sa dernière mission, en juillet 2019, a réaffirmé l'importance de la lutte contre l'orpaillage illégal.

Notre coopération opérationnelle avec le Brésil repose sur l'échange d'informations et la conduite d'opérations avec la police fédérale et les forces armées. La création de la vingt-deuxième brigade d'infanterie de jungle, dont l'un des bataillons stationne à la frontière guyanaise, a renforcé le dispositif brésilien en 2018. Cette brigade bénéficie de cours de langue française financés par l'ambassade de France. Un état-major conjoint facilite les actions simultanées des deux côtés de la frontière.

Un centre de coopération policière à Saint-Georges-de-l'Oyapock fluidifie les échanges entre la police française et la police fédérale brésilienne.

Ces actions portent leurs fruits en gênant les réseaux, même si la longueur de la frontière et l'abondance du trafic illégal de pirogues sur l'Oyapock limitent leur efficacité.

Nous sensibilisons les autorités brésiliennes à l'importance de la lutte contre les réseaux illégaux, en particulier ceux qui alimentent l'orpaillage. Dans le cadre du programme européen EL PAcCTO (Europe-Amérique latine, projet d'assistance contre le crime transnational organisé), une conférence à Brasilia réunira, sitôt que le permettra la situation sanitaire, des intervenants français et brésiliens au sujet de la lutte contre l'orpaillage illégal. Nous avons accepté l'invitation de la police fédérale brésilienne à étudier un projet de traçage géochimique de l'or exploité illégalement.

Concernant la coopération multilatérale, la France siège, en tant que membre observateur, à l'organisation des États américains (OEA), dont un département en charge de la lutte contre la criminalité organisée a lancé un projet d'identification des signes devant alerter sur un possible blanchiment des produits du commerce illégal de l'or.

Un autre projet de l'OEA vise une meilleure compréhension de l'utilisation et du trafic du mercure, en vue d'harmoniser les réglementations existantes. La participation active de notre pays, à l'expertise reconnue, y est attendue. Un correspondant local a été identifié à la préfecture de Cayenne.

Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères contribue donc à l'effort collectif de lutte contre l'orpaillage illégal.

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Nous éprouvions le besoin de connaître votre vision de la lutte contre l'orpaillage illégal dans un cadre élargi. Les accords signés en mars dernier relevaient d'une nécessité : ils fluidifieront la coopération en mettant un terme aux incidents dus aux doutes sur l'appartenance à tel pays de telle île du Maroni ou de la Lawa. La clarification du tracé de la frontière permettra de pousser plus avant la lutte.

La réunion se termine à seize heures cinquante