Publié le 22 juillet 2017 par : M. Cinieri, Mme Duby-Muller, M. Furst, M. Hetzel, M. Breton, M. Morel-À-L'Huissier, Mme de La Raudière, M. Door.
L'article 131‑26‑1 du code pénal est ainsi modifié :
1° Les mots : « de dix ans au plus » sont remplacés par les mots : « pouvant être perpétuelle » ;
2° Après le mot : « faits », la fin est ainsi rédigée : « sous réserve du droit à révision, réexamen et réhabilitation. »
La presse se fait trop souvent l'écho d'élus mis en cause dans des affaires de détournement de fonds publics à visée clientéliste, de corruption ou de fraude fiscale ce qui amène bon nombre de nos concitoyens à se poser légitimement la question de l'inéligibilité de ces élus condamnés.
Actuellement, la peine d'inéligibilité est définie par l'article 131‑26 du code pénal, qui porte sur l'interdiction des droits civiques, civils et de famille. Il est prévu que celle-ci « ne peut excéder une durée de dix ans en cas de condamnation pour crime et une durée de cinq ans en cas de condamnation pour délit ». Un élu peut être aussi frappé d'une inéligibilité de trois ans, prévue par le code électoral, en cas notamment de fraudes ou manquement aux règles de financement des campagnes électorales.
Dans l'état actuel de la loi, l'inéligibilité n'est pas automatique mais complémentaire : le juge la prononce en plus d'une peine à nature pénale, ce qui suppose qu'il peut être libre de la prononcer ou non. L'automaticité de la peine serait en effet contraire à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel l'a d'ailleurs rappelé, dans une décision du 11 juin 2010, portant sur l'article L. 7 du code électoral. Cet article prévoyait une inéligibilité automatique pour les élus condamnés pour certaines infractions, notamment les délits financiers (détournement de fonds publics, corruption passive et trafic d'influence, par exemple). Les Sages l'ont censuré au motif qu'il instituait une automaticité et était contraire à l'individualisation des peines, grand principe de la justice française : c'est au juge pénal de décider des sanctions par rapport à l'individu et aux faits qui lui sont reprochés, et de le protéger ainsi de l'arbitraire.
Le droit français consacre aussi le principe de proportionnalité des peines via l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires. ». Ce principe a régulièrement été rappelé par la jurisprudence et dans la Convention européenne des droits de l'homme.
Permettre l'inéligibilité à vie pourrait donc se révéler impossible constitutionnellement car il n'est pas prévu par la loi en France de payer toute sa vie pour des actes commis : le principe de la sanction pénale est qu'au bout d'un laps de temps donné, la personne condamnée « paye sa dette à la société ».
Aussi, l'inéligibilité étant la peine la plus dissuasive pour les élus, en 2013, le législateur a relevé le plafond de cette peine de 5 à 10 ans, les magistrats devant par ailleurs être encouragés à y recourir davantage.
Aujourd'hui, il convient d'aller plus loin.
En effet, dix ans d'inéligibilité devrait être un minimum et non pas un maximum. Les juges devraient, au cas par cas, avoir la possibilité d'aller plus loin, jusqu'à prononcer une inéligibilité à vie pour les malversations les plus graves.
L'inéligibilité à vie est envisageable si elle n'est pas appliquée de manière automatique. Comme le note l'ONG Transparency international : « Seule l'automaticité de cette peine serait contraire aux droits fondamentaux, au nom du principe fondamental de l'individualisation des peines. [...] Toute peine prononcée à vie doit toutefois pouvoir faire l'objet d'une procédure de réhabilitation ou de modification. »
Il convient donc de modifier l'article 131‑26‑1 du code pénal en ce sens.
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