Lutte contre la fraude — Texte n° 1142

Amendement N° CF146 (Rejeté)

Publié le 23 juillet 2018 par : M. Coquerel, Mme Autain, Mme Rubin, M. Bernalicis, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, M. Ruffin, Mme Taurine.

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La section III du chapitre II du titre Ier de la première partie du livre premier du code général des impôts est complétée par un article 217octodecies ainsi rédigé :

« I. – Art. 217octodecies. – Lorsque les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés au titre de l'article 209 du code général des impôts :
« – sont manifestement disproportionnés avec l'activité réelle de l'entreprise sur le territoire français, le nombre de ses clients ou de ses utilisateurs en France, le nombre de transactions réalisées en France, son chiffre d'affaires réalisé en France,
« – et qu'il existe un doute raisonnable que l'entreprise utilise sciemment une entreprise établie hors de France ou une entité juridique avec qui elle entretient des relations commerciales substantielles ou dont elle détient une partie des actions, parts, droits financiers ou droits de vote, ceci constituant de fait une prise de contrôle ou une influence déterminante sur le fonctionnement de l'entreprise ou de l'entité concernée, et ce pour la principale finalité constatée de soustraire des bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés,
« l'administration en charge du recouvrement de cet impôt peut notamment utiliser un ou plusieurs des éléments suivants pour calculer les bénéfices réels estimatifs passibles de l'impôt sur les sociétés et le montant de l'impôt dû au titre des articles 206 et suivants du même code :
« a) Le nombre de ses clients en France ;
« b) Le nombre de ses utilisateurs en France ;
« c) Le nombre de transactions qu'elle a réalisé en France ;
« d) Son chiffre d'affaires et ses bénéfices réalisés en France, et notamment leur ratio ;
« e) Son chiffre d'affaires et ses bénéfices réalisés hors de France, et notamment leur ratio.
« II. – L'administration en charge du recouvrement de l'impôt sur les sociétés notifie alors à l'entreprise le montant de l'impôt sur les sociétés dont elle est redevable selon son calcul, ainsi que les éléments qui fondent le doute raisonnable mentionné au premier alinéa. L'entreprise dispose alors d'un délai de deux mois pour prouver que ses relations avec une entreprise établie hors de France ou une entité juridique mentionnée au I n'ont pas principalement un objet et un effet autres que de minorer son impôt sur les sociétés en France. »

Exposé sommaire :

Cet amendement propose de lutter contre les pratiques d'évasion fiscale des grandes multinationales. Celles-ci sont massives, comme l'explique l'économiste Gabriel Zucman dans son ouvrage très éclairant : “La richesse cachée de nations. Enquête sur les paradis fiscaux.”.

On peut y lire qu'à l'échelle mondiale, plus de 40 % des profits réalisés par les multinationales sont délocalisés artificiellement dans les paradis fiscaux, et 8 % de la richesse financière des particuliers y est dissimulée. Cela se traduit in fine par un manque à gagner pour les États qui dépasse les 350 milliards d'euros par an, dont 120 milliards pour l'UE et 20 milliards pour la France.

La méthode employée est simple. En principe, les multinationales sont censées répartir leurs bénéfices entre leurs différentes filiales comme si celles-ci étaient des entités indépendantes échangeant des biens et des services aux prix du marché. Mais en pratique, des cabinets comptables trafiquent les prix des transactions intragroupes pour faire apparaître les bénéfices dans les paradis fiscaux et les pertes dans les États à fiscalité plus élevée. Le résultat est “magique” : en 2015, Google a par exemple déclaré 15,5 milliards de dollars de bénéfices aux Bermudes, où les profits sont taxés au taux de … 0 % ! Cela reviendrait à dire que chaque habitant de cet archipel avait généré 260 000 dollars de bénéfices au profit de Google… Trop gros pour être vrai ? Peut-être, mais pas trop gros pour être sanctionné par le fisc.

De même, alors que plus de 4 millions de français utilisent les services d'Airbnb par an, cette entreprise n'a déclaré en 2015 que 166 373 euros de bénéfices imposables et payé un impôt sur les sociétés de 69 168 euros. La multinationale réalise cette belle opération sur le dos de l'État français grâce à des montages avec ses filiales irlandaises et britanniques.

Nous avions donc déjà déposé cet amendement dans le cadre de l'examen du projet de loi ELAN. Cependant, la rapporteure nous avait alors répondu que notre amendement relevait plutôt du projet de loi de finances. Or, ce projet de loi visant la lutte contre la fraude nous semble le véhicule législatif le plus adapté pour défendre notre proposition. Cet amendement propose en effet de réarmer l'État français face aux pratiques agressives des multinationales.

Il s'inspire notamment d'une proposition de l'économiste Gabriel Zucman qui affirme que les États, s'ils en ont la volonté politique, peuvent lutter contre l'évasion fiscale des grandes entreprises. Lors de son audition à l'Assemblée dans le cadre de la mission d'information sur l'optimisation fiscale, il a ainsi indiqué que l'on n'avait pas besoin d'attendre nos voisins européens pour agir.

Lui et les différentes ONG présentes ont alors proposé des solutions pour que les services fiscaux puissent se baser sur des éléments permettant de définir l'établissement réel d'une entreprise en France et ainsi d'estimer sa rentabilité réelle dans notre pays. Nous nous sommes donc inspirés de ces différentes solutions proposées pour faire notre proposition qui pourrait faire consensus.

En effet, si Gabriel Zucman proposait de se concentrer uniquement sur le chiffre d'affaires, d'autres organisations telles que Oxfam privilégient une solution prenant en compte plusieurs critères, dont notamment le nombre de salariés et d'utilisateurs en France. Nous proposons donc de laisser le choix à l'administration fiscale parmi ces différents critères, puisque suivant le secteur d'activité, ce ne seront pas toujours les mêmes qui seront les plus révélateurs de l'activité réelle d'une entreprise dans un pays donné. Celle-ci pourra alors déterminer les bénéfices réels réalisés par une entreprise en France et lui demander de payer ses impôts en conséquence.

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