Publié le 23 juillet 2018 par : M. Coquerel, Mme Autain, Mme Rubin, M. Bernalicis, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, M. Ruffin, Mme Taurine.
I.- L'article L. 228 du livre des procédures fiscales est ainsi rédigé :
« Art. L228 – Les plaintes tendant à l'application des sanctions pénales en matières d'impôts directs, de taxe sur la valeur ajoutée et autres taxes sur le chiffre d'affaires, de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière et de droits de timbre sont adressées par l'administration au procureur de la République territorialement compétent en application de l'article L231 du livre des procédures fiscales. »
Sans préjudice des plaintes dont elle prendrait elle-même l'initiative, l'administration porte automatiquement à la connaissance du procureur de la République les procédures dans lesquelles les opérations de contrôle :
1° 1° Soit relèvent d'un montant de droits visés supérieur à 100 000 € ;
2° Soit relèvent des faits susceptibles de relever de la qualification de fraude fiscale aggravée prévue par le second alinéa de l'article 1741 du code général des impôts ;
3° Soit relèvent de la majoration de 100 % prévue à l'article 1732 du code général des impôts ;
4° Soit relèvent de la majoration de 40 % prévue au b du 1 de l'article 1728 ou au a de l'article 1729, des majorations de 80 % prévues au c du 1 de l'article 1728, du b et du c de l'article 1729 ou de l'article 1729‑0 A du code général des impôts ;
5° Soit mettent en cause une personne physique ou morale ayant déjà fait l'objet, en tant que contribuable ou en tant que dirigeant de droit ou de fait d'une personne morale contribuable, de majorations de 40 % en application des b et c du 1° de l'article 1728 du code général des impôts, de majorations de 80 % en application des b et c de l'article 1729 ou de l'article 1729‑0 A du même code.
Lorsque de tels faits sont portés à sa connaissance par l'administration, le procureur de la République exerce l'action publique pour l'application des sanctions pénales.
Les modalités d'examen conjoint des dossiers concernés par l'administration et l'autorité judiciaire sont fixées par un décret en conseil d'État.
Lorsque des faits susceptibles de caractériser les délits prévus à l'article 1741 du code général des impôts sont portés à la connaissance du procureur de la République à l'occasion d'une enquête préliminaire, d'une enquête de flagrance ou d'une information judiciaire portant sur des faits distincts ou connexes, ou par les révélations d'un tiers, l'action publique est mise en mouvement de ce chef après avis motivé du ministre en charge du budget ou de toute autorité habilitée par lui par arrêté.
L'avis est demandé par tout moyen, dont il est fait mention au dossier de la procédure.
L'avis figure au dossier de la procédure, à peine de nullité, sauf si cet avis n'est pas parvenu au procureur de la République dans un délai de trois mois à compter de la demande.
II. – L'article L228B du livre des procédures fiscales est abrogé.
III. L'article L142 du livre des procédures fiscales est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les agents de l'administration des impôts sont déliés du secret professionnel à l'égard du procureur de la République avec lequel ils peuvent échanger des informations couvertes par ce secret indépendamment de l'existence d'une plainte ou d'une dénonciation déposée en application de l'article L. 228 ou d'une procédure judiciaire en cours.”
IV. – La commission des infractions fiscales mentionnée aux articles 1741 A du code général des impôts, 384 septies-0 A et suivants de l'annexe II du même code, ainsi que dans les articles L. 228, L. 228 A, L. 230, R*. 228‑1 et R*. 228‑6 du livre des procédures fiscales est supprimée.
Cet amendement vise à supprimer le monopole que s'octroie l'administration fiscale en cas de poursuites pénales pour fraude fiscale.
Ce monopole, plus communément appelé « verrou de Bercy », constitue une dérogation grave et manifeste à notre État de droit et mine considérablement la portée de la lutte contre la fraude fiscale, qui devrait pourtant constituer l'une des priorités de l'action de l'État.
Le délit de fraude fiscale ne peut, à la différence d'autres délits dont notamment le délit de blanchiment de fraude fiscale, être poursuivi que sur plainte préalable de l'administration fiscale, celle-ci devant par ailleurs avoir obtenu un avis conforme de la commission des infractions fiscales (CIF).
Alors que le gouvernement se fixe comme objectif la bonne santé budgétaire de la Nation, il est bon de rappeler que la fraude fiscale représente un manque à gagner considérable estimé entre 60 et 80 milliards d'euros par an, soit près de 1600 euros par contribuable et par an. A titre de comparaison, le budget consacré par l'État à l'Education nationale pour l'année 2018 s'élevait à 50,6 milliards d'euros.
Mis en place en 1920, sous couvert de la « technicité » des dossiers à traiter, le verrou de Bercy se distingue comme une aberration juridique en plus d'être une atteinte au civisme fiscal de l'immense majorité de nos compatriotes.
Aberration juridique, puisque le verrou de Bercy place de facto le ministre du Budget au-dessus des lois, lui donnant le privilège de poursuivre de manière discrétionnaire tel ou tel supposé fraudeur et cela sans avoir à motiver l'absence ou l'existence de poursuites.
Pareil abus de pouvoir n'est pas sans entraîner des soupçons de partialité qui ont pu être illustrés lors de « l'affaire Cahuzac », situation ubuesque où le ministre du Budget, M. Cahuzac, était seul en droit d'engager des poursuites… contre le citoyen Cahuzac.
Atteinte au civisme fiscal ensuite, puisque le caractère arbitraire de l'engagement des poursuites fragilise le consentement à l'impôt, en laissant planer un doute sur l'égalité de traitement des concitoyens devant une loi qui devrait être commune à tous, respectée par tous, sanctionnée de façon égale pour chacun.
Comme l'indique la Cour des comptes dans son référé rendu public du 13/10/2013 à propos du monopole de Bercy, cette « situation est aujourd'hui préjudiciable à l'efficacité de la lutte contre la fraude fiscale ».
La suppression du verrou de Bercy fait désormais l'objet d'un large consensus au sein de la représentation nationale, et laisser en état pareil archaïsme serait un signal désastreux quand à la détermination de l'État de lutter avec la dernière rigueur contre la fraude fiscale.
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