Publié le 14 septembre 2018 par : Mme Rubin, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, M. Ruffin, Mme Taurine.
Rédiger ainsi cet article :
« L'article 238‑0 A du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 238‑0 A. – I. – Sont considérés comme non coopératifs, à la date du 1er janvier 2019, les États et territoires qui répondent à au moins un des quatre critères suivants :
« a) En matière de norme commune de déclaration relative à l'échange automatique de renseignements et de norme de l'Organisation de coopération et de développement économiques en matière d'échange de renseignements à la demande, n'ont pas obtenu l'évaluation « largement conforme » du Forum mondial ;
« b) N'ont pas ratifié ou ne participent pas à la convention multilatérale de l'Organisation de coopération et de développement économiques concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale, dans sa version modifiée ;
« c) N'ont pas pris l'engagement de respecter et de mettre en œuvre de manière cohérente les normes anti‑BEPS minimales adoptées dans le cadre de l'Organisation de coopération et de développement économiques ;
« d) Ou permettent l'existence sur leur territoire de régimes fiscaux dommageables tels que définis au V du présent article.
« II. – Les États ou territoires les moins avancés, tels que définis par le Conseil économique et social de l'Organisation des Nations unies, et ne disposant pas de centre financier ne peuvent être considérés comme non coopératifs au sens du I du présent article.
« III. – La liste des États et territoires non coopératifs est transmise chaque année au cours du mois de janvier aux commissions permanentes chargées des finances des deux assemblées par le ministre chargé de l'économie et des finances dans les conditions suivantes :
« Dans un délai de trois mois avant la transmission de cette liste aux commissions mentionnées au premier alinéa du présent III, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'application des critères définis au présent article. Ce rapport détaille notamment les motifs justifiant l'ajout, le maintien ou le retrait d'un État ou d'un territoire de ladite liste.
« Ce rapport peut faire l'objet d'un débat devant les commissions mentionnées au même alinéa.
« La liste est approuvée par les commissions mentionnées audit alinéa à la majorité des deux tiers des membres de chacune d'entre elles.
« IV. – Les dispositions du présent code relatives aux États ou territoires non coopératifs s'appliquent à ceux qui sont ajoutés à cette liste à compter du premier jour du troisième mois qui suit leur inscription sur ladite liste. Elles cessent de s'appliquer dès lors qu'ils sont retirés de la liste.
« V. – Est réputé comme dommageable un régime fiscal qui répond à au moins un des sept critères suivants :
« a) Un niveau d'imposition effectif inférieur de plus de la moitié au taux effectif moyen constaté dans l'Union européenne, y compris une imposition nulle, qu'il résulte du taux d'imposition nominal, de la base d'imposition ou de tout autre facteur pertinent ;
« b)Des dispositions ne permettant pas la divulgation de la structure sociétale des personnes morales ou du nom des détenteurs d'actifs ou de droits, ni celle de l'identité de leur bénéficiaire effectif ;
« c) Des mesures fiscales avantageuses réservées aux non‑résidents ;
« d) Des mesures facilitant la création de structures ou dispositifs destinés à attirer des bénéfices sans activité économique réelle dans cet État ou territoire ou l'octroi d'avantages fiscaux même en l'absence de toute activité réelle ;
« e) Des incitations fiscales en faveur d'activités qui n'ont pas trait à l'économie locale, de sorte qu'elles n'ont pas d'impact sur l'assiette fiscale nationale ;
« f) Des règles pour la détermination des bénéfices faisant partie d'un groupe multinational qui divergent des normes généralement admises au niveau international, notamment celles approuvées par l'Organisation de coopération et de développement économiques ;
« g)Des mesures fiscales manquant de transparence, y compris lorsque les dispositions légales sont appliquées de manière moins rigoureuse et d'une façon non transparente au niveau administratif.
« VI. – Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'applications du présent article. »
Cet amendement a pour objectif de redéfinir des critères pertinents afin d'établir une liste des États et territoires non coopératifs correspondant aux pratiques fiscales réelles des États. Il s'appuie notamment sur les recommandations de l'ONG Oxfam en la matière.
En effet, la simple transposition de la liste européenne de paradis fiscaux ne s'attaquera pas aux pratiques d'évasion fiscale puisque cette liste ne comporte plus que 7 États, dont aucun paradis fiscal notoire : on y retrouve par exemple la Namibie ou les Palaos. De même, la liste française actuelle ne comporte également que 7 États qui pour la plupart n'ont aucune incidence sur la fraude et l'évasion fiscales au niveau mondial : on y retrouve par exemple le Botswana.
Associé aux sanctions pertinentes prévues par le droit français, le dispositif que nous proposons constituerait à l'inverse une avancée majeure dans la lutte contre les pratiques de fraude et d'évasion fiscale.
Les critères proposés reposent sur la transparence fiscale, les normes BEPS et l'absence de mise en place d'un régime fiscal dommageable, conformément aux préconisations du Conseil de l'Union européenne et de l'OCDE. Cela permettra d'intégrer à cette liste française un certain nombre d'États que l'on devrait considérer comme des paradis fiscaux, mais qui actuellement ne sont pas dans la liste. Nous pouvons par exemple citer les Bermudes ou les îles Caïmans, pays dans lesquels les entreprises ne paient aucun impôt sur leurs bénéfices, mais aussi Honk-Kong où les entreprises domiciliées paient certes des impôts, mais uniquement sur les bénéfices qu'elles ont réalisé au sein du pays. Adopter l'amendement que nous proposons permettra d'intégrer ces pays à la liste française des paradis fiscaux. En effet, qui pourrait contester le fait que ce sont bel et bien des paradis fiscaux ?
Mais ces pratiques existent également au sein même de l'Union Européenne : en 2014, Apple a payé 0,005 % d'impôts sur ses bénéfices du fait de sa domiciliation en Irlande. De même, le scandale des « Luxleaks » a révélé que 340 entreprises ont passé des accords fiscaux secrets avec le Luxembourg pour payer un taux d'imposition dérisoire. Grâce à l'adoption de l'un de nos amendements en commission, les pays de l'Union Européenne ne seront plus automatiquement exclus de la liste des paradis fiscaux. Si nous saluons cette avancée, cela ne suffit pas : il faudrait maintenant adopter les critères que nous proposons pour que ces paradis fiscaux au sein même de l'Union Européenne se retrouvent réellement sur cette liste. C'est ce que permettra cette réécriture de l'article 238‑0 A du code général des impôts que nous proposons. Elle intègre évidemment l'avancée votée en commission concernant la possibilité d'inscrire des pays membres de l'UE sur cette liste.
Élargir cette liste des paradis fiscaux aura des conséquences bien précises. Selon Oxfam, les entreprises du CAC 40 possèdent actuellement 1 450 filiales dans les paradis fiscaux. Or, seulement 10 d'entre elles se trouvent dans l'un des paradis fiscaux identifiés comme tels dans les listes françaises et européennes. Ces entreprises du CAC 40 peuvent donc continuer leur évasion fiscale massive en toute impunité. A l'inverse, en élargissant cette liste de paradis fiscaux, l'ensemble de ces 1 450 filiales pourraient être sanctionnées : les entreprises du CAC 40 cesseront alors ces pratiques fiscales dommageables pour nos finances publiques.
En outre, cet amendement renforce le poids du Parlement, en lui permettant de débattre sur l'application effective des critères et sur cette liste, sur la base d'un rapport remis par le Gouvernement. C'est le Parlement qui aura alors le dernier mot sur cette liste, en décidant de la valider, ou non.
Enfin, l'amendement prévoit une clause de sauvegarde au bénéfice des pays reconnus comme les moins avancés par l'Organisation des Nations Unies et qui ne disposent pas d'un centre financier. Il s'agit en effet de ne pas pénaliser les États les plus fragiles socialement et économiquement dans notre combat contre la grande délinquance financière.
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