Publié le 20 novembre 2018 par : M. Bernalicis, Mme Autain, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin, Mme Taurine.
Supprimer cet article.
Par cet amendement de suppression, nous souhaitons prévenir les “élargissements considérables” (Syndicat de la magistrature) permis pour le recours aux techniques d'écoutes - pose de micros ou de fausses antennes relais - (“sonorisation”, IMSI catcher), de surveillance vidéo (“captation d'images”), de piratages de données (“recueil de données de connexion et de captation de données informatiques”).
En effet, que ce projet de loi proposé par le Gouvernement prévoit, dans cet article :
- d'unifier le régime d'autorisation de recours à ces techniques d'enquête en permettant une utilisation plus longue sans contrôle du juge (voir ci-dessous) ;
- d'étendre l'utilisation aujourd'hui restreinte de ces techniques d'enquête à tous les crimes.
- en Commission des Lois, a été par ailleurs étendu le champ de captation des données informatiques à tout type de périphérique autre qu'audiovisuel - que signifie concrètement cette extension ? la captation des données de pacemakers ?
Si le Sénat a tempéré certains de ces points (pas d'extension aux crimes de droit commun, durée maximale de 24 heures pour le recours à la technique d'enquête d'accès à distance à des correspondances électroniques, rappelle des garanties essentielles - probablement volontairement “oubliées” par le Gouvernement pour satisfaire le travail des sénateurs -), cela banalise toutefois une technique dérogatoire, et permet tout autant de récupérer le stock de données, mais en en restreignant le flux aux 24 heures concernées. Le Gouvernement et la majorité LREM ? en Commission des Lois sont par ailleurs revenus sur toutes ces modifications du Sénat.
Ceci pose une réelle difficulté puisque des mesures d'enquête différentes (une prise de photo ou de vidéo n'est pas similaire à une écoute dans l'atteinte à la vie privée), seraient soumises à un même régime (autorisation pour 4 mois dans un maximum de 2 ans). Par exemple, lors de l'information judiciaire, les écoutes par IMSI catcher sont autorisées pour 48 heures, alors qu'elles le seraient désormais pour 4 mois. De plus, ceci tend à gommer la différence entre juge d'instruction et procureur, alors que ce dernier ne bénéficie pas des mêmes garanties d'indépendance (il est subordonné hiérarchiquement au ministre de la Justice).
En outre, la procédure pénale est censée garantir les droits et libertés des personnes soumises à celle-ci, et que cet élargissement considérable ouvre la voie à de nombreux abus. Il s'agit d'une nouvelle entaille à la logique née de la Révolution française, qui a consacré les droits fondamentaux des administré.e.s dans le cadre de la procédure pénale (articles 7 à 9 notamment de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789), ce en opposition au pouvoir arbitraire de l'État royal.
En détail :
Ces techniques d'enquête peuvent être utilisées durant la phase d'enquête (procureur demande l'autorisation au juge des libertés de la détention), et durant la phase d'instruction (avec autorisation du juge d'instruction).
Si leur régime est actuellement disparate durant la phase d'enquête sous le contrôle du procureur de la République, (pendant l'information judiciaire : durée initiale d'autorisation est fixée à 4 mois renouvelables dans un maximum de 2 ans pour la captation de données informatiques, à 2 mois renouvelables dans un maximum de 6 mois pour l'IMSI catcher et 48 heures renouvelables une fois pour les écoutes réalisées via cet appareil ou encore à 2 mois renouvelables dans un maximum de 2 ans pour les sonorisations et captation d'images ; pendant l'enquête préliminaire ou de flagrance, l'autorisation est délivrée pour 1 mois renouvelable une seule fois, sauf pour les écoutes via l'IMSI catcher (48 heures renouvelables une fois), le Gouvernement souhaite une “durée maximale de quatre mois, renouvelable dans les mêmes conditions de forme et de durée, sans que la durée totale des opérations ne puisse excéder deux ans.” Ce qui pose un réel problème puisque des mesures très différentes (atteinte aux droits et libertés non similaires) vont faire l'objet d'une même autorisation globale.
De plus, ces techniques, actuellement restreintes notamment pour la délinquance et criminalité organisées (articles 706‑73 et -1 du code de procédure pénale) seraient ainsi, sans aucune étude d'impact, élargies à tous les crimes. Ceci rejoint parfaitement les termes du Syndicat de la magistrature qui dénonce une “banalisation des mesures dérogatoires”.
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