Renforcement du dialogue social — Texte n° 237

Amendement N° AS203 (Rejeté)

Publié le 7 novembre 2017 par : M. Ratenon, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin, Mme Taurine.

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Les 4° à avant-dernier alinéa de l'article L. 1233‑3 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017‑1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, sont supprimés.

Exposé sommaire :

Ces alinéas visent à restreindre le cadre d'appréciation des motifs économiques du licenciement, en définissant les notions de périmètre géographique, de groupe et de secteur d'activité. Contrairement aux affirmations du gouvernement, qui prétend légiférer pour les TPE PME, ces alinéas concernant explicitement les grands groupes, et nullement les TPE PME. Les rédacteurs de l'amendement visent à revenir à l'intention initiale du gouvernement, agir pour les TPE PME, en supprimant les scories relatives à d'autres préoccupations que la bonne santé économique du tissu essentiel pour l'économie française que constituent les TPE-PME.

Selon une jurisprudence constante : dans les groupes de sociétés, ces difficultés doivent être appréciées au niveau du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise concernée (Cass. soc. 5‑4‑1995 n° 93‑42.690 : RJS 5/95 n° 497 ; 14‑10‑2015 n° 14‑10.145 : RJS 1/16 n° 4) sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux entreprises situées sur le territoire national (Cass. soc. 12‑6‑2001 n° 99‑41.571 : RJS 8‑9/01 n° 1001 ; 4‑3‑2009 n° 07‑42.381 : RJS 5/09 n° 418).

Cette absence de délimitation géographique du secteur d'activité du groupe permettait de prendre en compte la réalité économique des entreprises multinationales qui poursuivent un même but économique à travers différentes filiales complémentaires.

Elle répondait également au souci d'éviter les manipulations comptables au niveau du groupe, qui consisterait par exemple à assécher artificiellement la trésorerie d'une filiale française, pour justifier de licenciements économiques, alors que les difficultés économiques sont imaginaires au niveau du groupe, voire provoquées délibérément afin de conduire auxdits licenciements.

Sans ces alinéa, une délocalisation ne peut pas être justifiée par un motif économique si le secteur d'activité dans lequel se trouve l'entreprise se porte bien au niveau mondial.

Ces alinéas autorisent donc les multinationales - car on ne saurait concevoir sérieusement qu'une PME ait des filiales hors de France - à licencier de façon inique et injuste, sans la moindre justification économique, par un tour de passe-passe comptable.

Or, dans ce tour de passe-passe, des milliers d'emplois, donc la vie sereine de milliers de familles, sont en jeu.

L'ordonnance prévoit que « Le groupe est défini conformément au I de l'article L. 2331‑1 du code du travail » qui renvoie à une définition reposant sur la détention de capitaux. Cette définition reprend celle récemment adoptée par la Cour de Cassation, pour la délimitation de la cause économique dans un arrêt du 16 novembre 2016 à la différence notable que la Cour avait précisé « sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux entreprises situées sur le territoire national » (Cass. soc. 16 novembre 2016 n° 15‑19.927 (n° 2047 FS PBRI), B. c/ Sté Laurent M. ès).

Ici, l'article définit clairement le périmètre au périmètre national, avec les effets prévisibles décrits auparavant.

Enfin, le secteur d'activité était apprécié largement par la Cour de Cassation qui prenait en considération l'objet de l'activité économique du groupe, quelles que soient les différences tenant aux modes et aux caractéristiques des produits. (Cass. soc. 10‑12‑2014 n° 13‑19.794 (n° 2222 F-D), Sté JTEKT automotive Dijon Saint-Etienne c/ R.). La spécialisation d'une entreprise au sein d'un groupe ne suffit pas à exclure son rattachement au secteur d'activité du groupe au niveau duquel doivent être appréciées les difficultés économiques. (Cass. soc. 8‑7‑2008 n° 06‑45.934 (n° 1357 F-D), Q. c/ Sté Aro : RJS 10/08 n° 966).

Or, le dernier alinéa a pour objet de permettre de réduire le cadre d'appréciation des motifs économiques alors que le domaine d'activité de la société peut dégager d'excellents résultats. Cela pourra ainsi créer ou amplifier des stratégies de groupe afin de délaisser un marché ou un produit plutôt qu'un autre alors qu'il ne rencontre aucun problème économique dans son domaine d'activité. Ainsi, de même que pour la réduction au périmètre national, cet alinéa permettra de prononcer des licenciements alors que le groupe n'est pas du tout en difficulté économique.

Ainsi, ces trois alinéas autorisent très largement des licenciements correspondant à une stratégie de groupe, autrement dit le plus souvent des licenciements boursiers, et non à de réelles difficultés économiques.

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