Publié le 20 janvier 2020 par : M. Larive, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin, Mme Taurine.
Supprimer cet article.
Par cet amendement de suppression, nous souhaitons définitivement nous opposer à cette proposition de loi et à son décalage avec ce qui devait être au centre de nos préoccupations et donc de nos débats : La haine sur internet n’est que le miroir grossissant de la haine existante dans notre société. Cette proposition de loi ne contient que des mauvaises réponses à des bonnes questions.
Par le pseudo-anonymat qu’internet permet - des individus se sentent en mesure de proférer des insultes racistes, sexistes, en fonction de l’apparence d’une personne, ou de son appartenance (ou non appartenance) réelle ou supposée à une religion et autres incitations à la haine. Cela est un fait. La question est donc de savoir comment l’on fait reculer ce sentiment d’impunité qui règne sur la toile, et quels outils on met à disposition des victimes pour qu’elles puissent se défendre. Et les enjeux ne sont pas des moindres : en fonction de là où le curseur sera placé, la liberté d’expression pourra être atteinte et certains échanges ne pourront pas avoir lieu.
Les différents débats en commission et en séance, dans notre Assemblée ou au Sénat, n’ont pas permis d’élever le débat. La semaine dernière, en Commission, le texte que nous examinons aujourd’hui a été adopté dans une version très proche de celui de l’été dernier. Un amendement de la rapporteure Mme Avia a d’ailleurs permis de réintroduire au sein de cet article 1, la disposition phare du texte, qui avait été retirée par le Sénat, à savoir l’obligation de retrait en 24 heures, par les plateformes, de tout contenu manifestement haineux qui leur est notifié et par conséquent des dispositions cohérentes avec ce rétablissement. Si Mme Avia avance qu’elle se conforme aux exigences de la Commission Européenne, il n’en est rien : D’après une lettre adressée par la Commission au Gouvernement, la loi présente un risque trop important de censure abusive, au regard du délai de 24 heures qu’elle impose, de la promotion de la censure automatisée et de son application à un nombre d’acteurs trop étendus. Que va -t -il logiquement se passer ? les plateformes, par excès de zèle ou de prudence, vont s’empresser de retirer des contenus pourtant licites. Les contresens et informations déformées, sont, en tout état de cause, l’apanage de ce texte depuis son dépôt.
Nous rappelons que la loi permet déjà une prompte intervention de la justice, même sur internet. En effet, l’article 50 1 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse organise un référé spécifique contre la diffusion de propos de haine à raison de l’injure commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, ou envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap. Cet article est applicable à toute communication en ligne.
De même, l’article 6-I 8° de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, permet à l’autorité judiciaire de prescrire, en référé ou sur requête, toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne.
Tout l’enjeu de cette proposition de loi est donc de faire glisser la régulation des propos tenus en ligne de la compétence du juge judiciaire vers les plateformes, et de rajouter des échelons entre le contenu dénoncé et le juge. Il s’agit, somme toute, d’une opération de privatisation de la justice, qui ne sera pas sans conséquences : cela prive les personnes de droits de la défense que seule permet la procédure judiciaire, et cela pourra favoriser, comme ce fut le cas en Allemagne, une censure qui pourra être automatisée. Une jeune femme victime de propos racistes ou sexistes, par exemple et qui voudrait les dénoncer en les publiant, pourrait voir ses propos filtrés, dès lors qu’ils contiendraient des mots-clés refusés par l’algorithme.
À notre sens, il aurait été plus judicieux de s’assurer que les services judiciaires disposaient de suffisamment de moyens pour lutter contre la haine en ligne.
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