Publié le 14 septembre 2020 par : M. Kasbarian.
Supprimer cet article.
Cet amendement supprime l’article 30bis, issu d’un amendement adopté en séance publique au Sénat. Ce nouvel article introduit une obligation pour tout nouvel habitant d’une commune de déclarer son domicile à la mairie de cette commune, et de déclarer à la mairie de son ancienne commune de résidence son changement de domicile. Il prévoit également que la mairie du nouveau domicile du déclarant doit délivrer sans délai à celui-ci un récépissé de la déclaration, valant justificatif de domicile.
L’objectif de cette mesure, qui est de permettre aux communes de disposer d’un état des lieux détaillé de leur population pour faciliter la gestion des services publics locaux, est déjà satisfait.
Ainsi, il est d’ores et déjà loisible à la commune, notamment par le moyen de la consultation des rôles des impôts locaux ou du recensement, de connaître l’arrivée de nouveaux résidents sur son territoire. En effet, les populations légales que le recensement de l’institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) établit permettent aux communes de disposer de données chiffrées sous forme anonyme pour évaluer les caractéristiques de leur population et gérer en conséquence les services publics locaux.
En outre, ce dispositif, sous couvert de simplification, crée en réalité deux obligations supplémentaires pour les usagers, contraires à l’objectif même de ce projet de loi.
Il crée des charges peu justifiées pour les communes sans en évaluer le coût. Celles-ci seront contraintes de s’organiser pour recevoir les déclarations de domicile, délivrer des récépissés et tenir un registre de la population communale.
De surcroît, le justificatif de domicile délivré ne reposerait sur aucun contrôle de la réalité du domicile puisque la délivrance du récépissé est automatique.
Par ailleurs, ce dispositif soulève plusieurs difficultés juridiques.
D’une part, la création d’une obligation de déclaration du domicile se traduirait par la Constitution d’un traitement de données à caractère personnel et appellerait, par conséquent, une attention particulière au regard des exigences constitutionnelles relatives à la protection des libertés individuelles.
D’autre part, la création d’un fichier domiciliaire imposant à tous les citoyens de déclarer leur domicile, porte une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée, qui n’est justifiée par aucune finalité légitime.
En effet, cela reviendrait à constituer un fichier généralisé à l’ensemble de la population française aux fins du pilotage des politiques publiques locales et contreviendrait au cadre juridique applicable aux traitements de données à caractère personnelles qui précise que les données sont « collectées pour des finalités déterminées, explicites, et légitimes. »
Par ailleurs, cela se traduirait par une durée de conservation excessive des données collectées. En effet, la loi 78‑17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés précise que la durée de conservation ne doit pas excéder « celle nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées ». L’existence d’un tel fichier reviendrait alors à poser le principe d’une durée de conservation contraire au principe de proportionnalité compte tenu des buts poursuivis.
Comme l’a souligné le Conseil constitutionnel (Conseil constitutionnel, 2014‑690 DC du 13 mars 2014), la création d’un traitement de données à caractère personnel doit être justifiée par un motif d’intérêt général précis et d’une ampleur suffisamment importante, afin d’aboutir à une conciliation équilibrée avec la protection des libertés individuelles.
Le dispositif proposé n’est assorti d’aucune garantie et l’utilisation en dehors de tout cadre d’un tel fichier pourrait susciter des inquiétudes légitimes chez nos concitoyens.
Il ne peut s’agir, en outre, d’un outil permettant d’effectuer un recensement de la population française. Le recensement effectué par l’INSEE est déjà pleinement satisfaisant, les données qu’il établit permettant aux communes de disposer d’éléments chiffrés sous forme anonyme afin d’évaluer les caractéristiques de leur population et gérer en conséquence les services publics locaux.
Enfin, la rédaction de l’article est imprécise quant à la notion d’habitant. Elle ne permet pas de savoir s’il s’agit notamment de « la population municipale » ou de « la population totale de la commune » au sens des dispositions du code général des collectivités territoriales.
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