Publié le 30 septembre 2020 par : M. Rupin, Mme Thourot, Mme Park, M. Colas-Roy, Mme Brulebois, M. Baichère, M. Gouffier-Cha, M. de Rugy, Mme Bureau-Bonnard, M. Vignal, M. Person.
« L’article L. 17 du code électoral est ainsi modifié :
« 1° À la seconde phrase, les mots : « le sixième vendredi précédant ce » sont remplacés par les mots : « dix jours avant le » ;
« 2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« « Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret. » »
L’une des intentions de la présente proposition de loi est de remédier à deux phénomènes bien identifiés comme des vecteurs d’abstention : la non-inscription et la mal-inscription.
La non-inscription est un phénomène qui concernerait 7% du corps électoral potentiel. Malgré une réforme datant de 1997 et instaurant l’inscription automatique sur les listes à 18 ans, 3 millions de Français n’y seraient pas inscrits. L’étude de terrain menée en Seine-Saint-Denis (cité des Cosmonautes) par Céline BRACONNIER et Jean-Yves DORMAGEN[1] montre que les non-inscrits ne sont pas des abstentionnistes en puissance. Parmi les citoyens qu’ils ont accompagné dans le processus d’inscription sur les listes, 80% sont effectivement allés voter en 2012 (chiffre similaire à la participation de l’ensemble du corps électoral).
La mal-inscription est le fait de ne pas être inscrit sur la liste électorale du bureau de vote rattaché à son domicile de résidence principale. Ce phénomène est principalement lié aux déménagements. D’après une étude[2], il représenterait jusqu’à 20% des inscrits, quel que soit le territoire observé. Nombreux sont les citoyens qui abandonnent les démarches en cours de régularisation, et seule l’élection présidentielle semble encore mobiliser les mal-inscrits pour corriger leur situation. A partir de données précises, C. BRACONNIER et J.-Y DORMAGEN estiment que le phénomène de mal-inscription explique à lui seul entre le quart et la moitié de l’abstention à l’élection présidentielle, soit entre 5 et 10% du corps électoral.
La procédure d’inscription sur les listes électorales françaises demeure l’une des plus lourdes et complexes au monde. Cela vient notamment d’une ambiguïté fondamentale du code électoral, qui stipule (partie législative) que l’inscription est obligatoire mais indique (partie réglementaire) que c’est au citoyen d’effectuer les démarches. Aux Etats-Unis, alors que les règles sont proches des nôtres (inscription volontaire et non automatique), il est possible dans certains Etats de s’inscrire jusqu’à 35 jours avant le scrutin, parfois moins (certains Etats pratiquent le « same day registration », qui favorise nettement la participation d’après les statistiques). Ce type de pratique permet de remédier aux changements de situation découverts tardivement. Le coût est réduit et la fraude n’augmente pas significativement.
Sous la direction de Matthias FEKL, en 2014, Terra Nova[3] formulait à partir des études précitées un certain nombre de recommandations pour remédier à ces phénomènes, dont certaines ont trouvé un écho dans les trois textes de loi (dont deux organiques) de 2016, entrés en vigueur au 31 décembre 2019. Ils suppriment notamment la révision annuelle des listes pour permettre à tout électeur de s’inscrire jusqu’à 30 jours avant l’élection.
Cependant, l’étude de Terra Nova proposait d’aller nettement plus loin sur la date limite d’inscription sur les listes électorales, en s’appuyant notamment sur les exceptions mentionnées aux articles L30 et suivants du code électoral pour souligner qu’il existe déjà des procédures d’inscription tardive qui pourraient être étendues. L’étude propose que la clôture des listes intervienne jusqu’à dix jours avant le scrutin, en signalant toutefois la nécessité d’adapter les procédures d’établissement et de contrôle des listes afin de prendre en compte le plan de charge des administrations. Elle suggère même d’évaluer à plus long terme la possibilité d’une inscription le jour même du scrutin.
Ainsi, le présent amendement vise à repousser la date limite d’inscription sur les listes électorales à dix jours avant le scrutin, en renvoyant à un décret les précisions de la mise en œuvre de cette mesure et notamment son incidence sur la charge de travail des administrations.
[1] Braconnier Céline, Dormagen Jean-Yves, « La démocratie de l’abstention », Paris, Gallimard, 2007 [2] Liegey Guillaume, Muller Arthur, Pons Vincent, « Porte-à-Porte, reconquérir la démocratie sur le terrain », Paris, Calman-lévy, 2013 [3] « Moderniser l’exercice du droit de vote », 2014 : http://tnova.fr/notes/contre-la-crise-democratiquemoderniser-l-exercice-du-droit-de-vote
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