Publié le 5 mars 2021 par : M. Benassaya, M. Cinieri, M. Jean-Claude Bouchet, M. Parigi, M. Bouley, M. Therry, M. Le Fur.
Après l'article 62 de la Constitution, il est inséré un article 62-1 ainsi rédigé :
« Art. 62-1. – Si, dans les conditions fixées par une loi organique, l’Assemblée nationale et le Sénat adoptent, dans les mêmes termes, une résolution en ce sens, une décision de censure du Conseil constitutionnel peut être annulée et les dispositions censurées être réintroduites dans l’ordonnancement juridique. »
« Le Conseil constitutionnel est un canon braqué vers le Parlement ». Cette phrase, de Charles Eisenmann reprend depuis quelques années tout son sens : initialement mis en place afin de contrôler l’action d’un Parlement qui autrefois concentrait l’ensemble des pouvoirs au détriment du pouvoir exécutif et qui avait plongé la France dans la crise politique, le Conseil constitutionnel soumet aujourd’hui sous la coupe de sa jurisprudence l’ensemble des pouvoirs politiques, qu’ils émanent du Gouvernement ou du Parlement, représentant de la volonté nationale.
« Faible avec les forts, fort avec les faibles ». C’est ainsi que l’on peut résumer le fonctionnement du Conseil constitutionnel qui, depuis 2018, n’a de cesse de s’arroger les pouvoirs non d’une cour suprême mais d’un censeur de la volonté publique.
Le « Juge de Montpensier » est censé être un arbitre entre les pouvoirs Exécutif et Législatif. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles le président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat sont au cœur du processus de nomination de ses membres.
Pourtant, dans un moment constamment croissant depuis 1971, le Conseil constitutionnel préfère peu à peu délaisser la séparation des pouvoirs au profit d’une supposée « défense des libertés publiques », entrainant des censures toujours plus larges des lois.
Loin de s’apaiser, ce mouvement est allé en s’accélérant depuis 2010, en détournant la « Question prioritaire de constitutionnalité » à des fins politiciennes, pour trouver son apogée en juillet 2018 lorsque le Conseil a permis la libération de Cédric Herrou, passeur de migrants, en invoquant le « principe de fraternité », créé de bric et de broc par l’institution présidée par Laurent Fabius.
En octobre 2018, le Conseil constitutionnel a censuré pas moins de 23 articles à la loi « Agriculture et alimentation », alors que de nombreuses de ses dispositions étaient attendues par un milieu agricole où les difficultés ne cessent de s’accumuler depuis des années. Pourtant, cette fois, il n’était pas question d’une supposée protection des « droits fondamentaux », mais d’un simple problème de procédure : en les déclarant « cavaliers », le Conseil constitutionnel a censuré 23 articles de lois votés par le Parlement simplement au prétexte qu’ils n’avaient pas de lien avec le projet de loi initialement déposé !
Résultat : une proposition de loi, reprenant in extenso ces dispositions censurées a dû être déposée en mars 2019, pour être finalement promulguée en juin 2020, en plein cœur de la crise sanitaire… Soit près de deux ans après l’adoption de la première loi ! Que de temps perdu pour le Parlement à cause d’une décision technocratique du Conseil constitutionnel… À l’heure où la France faisait face au plus grand défi sanitaire de son histoire, le Parlement avait, sans aucun doute, bien mieux à faire que consacrer des heures de débats à un texte pourtant déjà voté.
Le 4 avril 2019, alors que les Blacks-blocs faisaient la loi dans les manifestations et défiaient l’autorité en s’en prenant aux forces de l’ordre, en caillassant les commerces et biens d’autrui en profanant l’Arc-de-Triomphe ou en mettant le feu à des banques et des boutiques, le Conseil constitutionnel a pris la lourde décision de censurer la proposition de loi « anticasseurs », qui était pourtant parvenue à un accord entre députés et sénateurs.
En août 2020, c’est la pourtant bien timide loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine qui a subi le couperet du Conseil constitutionnel. Pourtant, qu’y-a-t-il d’attentatoire aux libertés fondamentales dans une loi qui dit qu’une personne condamnée pour terrorisme peut, si elle en est d’accord ( ! ), être placée sous bracelet électronique jusqu’à ce qu’elle ait décidé d’y mettre fin ?
Ainsi, les membres nommés du Conseil constitutionnel se permettent de choisir ce qui leur plait dans les lois votées par les parlementaires élus, tout en prenant soin de censurer ce qui ne convient pas à ses idées ou plutôt son idéologie. Pourtant, ce n’est pas au Conseil constitutionnel de faire la Loi, mais bien aux représentants de la Nation, élus au suffrage universel !
Pendant ce temps, que faisait le Conseil constitutionnel, lorsque le Règlement de l’Assemblée nationale a mis le mandat des députés sous la coupe des groupes parlementaires ? La censure s’est faite attendre, lorsqu’il a été empêché pour les députés auteurs d’amendements identiques de les défendre en séance. Il en a été de même lorsque le président de l’Assemblée nationale, traumatisé par ladite « affaire Benalla », a verrouillé les rappels au règlement afin d’empêcher les représentants du peuple d’interpeller la séance publique sur des sujets aussi importants. La censure s’est faite attendre, il n’en a été rien.
À cause de cette jurisprudence opportuniste du Conseil constitutionnel, les représentants du peuples ne sont plus maîtres de rien : plus maîtres de leur mandat, désormais entre les mains de groupes parlementaires tout-puissants, jusqu’à filtrer préalablement les amendements de leurs membres avant le dépôt ; plus maîtres des débats, en raison d’un pouvoir de censure des amendements de tous les députés aux mains du seul président de l’Assemblée qui abat sur le travail des députés l’article 45 de la Constitution comme un couperet sur le travail des parlementaires.
Face à cela, il est aujourd’hui plus que nécessaire de mettre fin au coup d’État des juges et de rééquilibrer les pouvoirs, non plus entre l’Exécutif et le Législatif, mais entre le pouvoir politique élu et le pouvoir jurisprudentiel de quelques-uns.
C’est ainsi que, lorsque le Conseil constitutionnel prend la décision de censurer des dispositions législatives, les représentants du peuple devraient pouvoir les réintroduire, grâce à la majorité qualifiée des trois cinquièmes, nécessaire à réviser la Constitution, mais sans avoir recours au cérémonial du Congrès de Versailles, pour ne pas subir les lourdeurs de ses contraintes temporelles et pour ne pas la changer en un texte fourre-tout comme l’ont fait d’autres pays face à l’appétit grandissant de leurs Cours-Suprêmes.
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