Publié le 3 mars 2021 par : M. Leseul, M. Potier, M. Garot, Mme Jourdan, Mme Battistel, M. Jean-Louis Bricout, M. Juanico, M. Letchimy, Mme Manin, M. Naillet.
Supprimer cet article.
Cet amendement de suppression du groupe Socialistes et apparentés vise à démontrer le flou juridique et les risques que fait peser la rédaction actuelle de cet article.
Tel que rédigé par le gouvernement, l’article 68 du projet de loi s’apparente à un véritable « fourre-tout ». Le titre III élargit l’actuel délit de pollution des eaux pour en faire un délit général de pollution des eaux, du sol et de l’air, inséré dans un nouveau titre 3ème au sein du livre II du code de l’environnement relatif aux atteintes générales aux milieux physiques.
Les articles 68 et 69 du projet créent quatre articles nouveaux, dont les deux premiers et le quatrième consistent à transformer l’actuelle circonstance aggravante de l’article L.173-3 en délits autonomes lorsqu’un milieu (eau, air, sol) est atteint, tandis que le nouvel article L.230-3 veut créer une qualification d’une extrême gravité, qu’elle baptise (abusivement) écocide.
L’article 68 et le suivant restreignent leur champ aux milieux et aux atteintes indirectes (c’est-à-dire uniquement par le biais de la pollution d’un milieu) aux espèces, en omettant les atteintes directes (sans constat nécessaire d’une atteinte aux milieux) à la biodiversité. Il est indispensable de généraliser le nouveau délit en plaçant le dispositif dans le Livre 1er du code de l’environnement.
C’est d’autant plus nécessaire que le projet, répondant à une critique ancienne qui tient à ce que le Livre 1er du code omet la circulation et la gestion des déchets, crée un article L.230-2 qui a justement trait aux déchets.
Le risque découlant du cantonnement des nouvelles qualifications pénales dans un livre « spécial » (2 à 5) du code de l’environnement est, outre sa méconnaissance durable par les enquêteurs et les magistrats, l’obligation de cumuler des qualifications dans les actes de poursuite pour englober des activités qui ne sont pas visées (installations classées, ouvrages de gaz, éoliennes, agriculture industrielle, chimie industrielle, nucléaire, bruits industriels et aériens, …).
L’article 68-III souffre d’un défaut majeur de conception, qui risque de mettre à bas des années de construction jurisprudentielle commune au droit pénal du travail, de l’urbanisme, de la santé publique, de la consommation.
Depuis l’interdiction de principe des qualifications correctionnelles d’imprudence par le Code pénal de 1994, les infractions de droit de l'environnement procèdent d'une intention. La définition en est particulière (violation en connaissance de cause d’une norme législative ou réglementaire) mais très précieuse, le risque étant d’anéantir d’un coup tout le droit pénal technique. Et il n'est, en matière environnementale, d'exceptions que pour certaines pollutions de l'eau ou certaines atteintes aux espèces animales non domestiques.
Or, le projet du Gouvernement opère une graduation entre imprudence, violation de la loi en connaissance de cause (en langage courant, mauvaise foi) -qu’il présente comme échappant à toute intention-, et action délibérément destructrice. Le projet du Gouvernement offre ainsi aux infracteurs de multiples possibilités de discuter artificiellement leur responsabilité pénale et d’échapper à la juste répression de leurs initiatives. Il ouvre aussi la porte aux refus d’indemnisation des victimes directes et indirectes (associations de protection de l’environnement, collectivités territoriales).
Il importe de restituer la véritable échelle de l’évaluation des comportements telle que constatée par la pratique, et qui se greffe sur les informations dont disposait l’infracteur avant qu’il porte atteinte aux milieux.
Une nouvelle qualification ne peut reposer que sur des considérations relevant elles-mêmes de l'élément matériel de l'infraction, qui est tout-à-fait à même de traduire l’agressivité du comportement que la loi entend cerner et punir.
Cet amendement est à lire à la lumière des amendements suivants qui proposent une nouvelle rédaction de l’article 68 pour introduire un véritable délit d’atteinte à l’environnement.
En cela, cet amendement s’inscrit dans l’objectif « - de carbone + de justice » défendu par le groupe Socialistes et apparentés.
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