Publié le 15 janvier 2018 par : M. Molac, M. Pellois.
L'article L. 461‑1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la maladie est reconnue d'origine professionnelle, l'indemnisation complémentaire mentionnée dans les articles L. 452‑1 à L. 452‑3 est récupérée par la caisse auprès du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque professionnel, avant sa constatation médicale, sauf à cet employeur à rapporter la preuve contraire. Les modalités de récupération des sommes redevables et d'obligation d'information de l'employeur concerné qui incombent à la caisse sont déterminées par décret. »
Cet amendement poursuit un triple objectif : Faciliter la prise en charge des maladies professionnelles pour les victimes ; délier de la procédure en réparation les employeurs qui n'ont pas exposé leurs salariés aux risques ; et enfin réduire les probabilités de contentieux juridique potentiel par l'emploi des séniors ou des personnes ayant précédemment travaillé dans des activités à risque.
Actuellement, dans la pratique, seul le dernier employeur de la personne est visé par une instruction ouverte pour maladie professionnelle, qu'il l'ait ou non exposée au risque prédéterminé. Cette pratique heurte de prime abord la réglementation comme la jurisprudence : la maladie professionnelle est imputable non pas au dernier employeur, mais au dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque (Cass. civ. 2e 21 octobre 2010, pourvoi n° 09‑67494 ; Bull. II n° 175).
Pour autant, selon la Cour de cassation, c'est bien à l'égard de l'employeur actuel, ou du dernier si la personne est retraitée, que doit être satisfaite l'obligation d'information incombant à la caisse (Cass. civ. 2e 12 juillet 2012, pourvoi n° 11‑18503). Il est l'interlocuteur privilégié de l'organisme social durant toute l'instruction du dossier de prise en charge. Dans le cas des pathologies à temps de latence étendu, dont les cancers font partie, ce point peut être à l'origine de fortes contradictions. L'employeur désigné peut ainsi ne pas avoir exposé son salarié au risque dont il est question. Les délais importants qui séparent l'exposition du travailleur aux risques, la constatation de la maladie (jusqu'à 40 ans plus tard dans le cas de cancers) et le moment où est engagée une procédure en réparation participent d'une « déliaison temporelle », non prise en compte lors de l'instruction. La procédure contradictoire décrite en amont ne concerne pas nécessairement l'entreprise ayant exposé mais uniquement le dernier employeur, les précédents demeurant en dehors de la procédure. En effet, dans la pratique, les gestionnaires Accident du Travail – Maladies Professionnelles (AT-MP) adressent un courrier au dernier employeur pour l'informer du départ de l'instruction d'un dossier, répondant ainsi à leur obligation d'information avant même que ne démarre l'enquête de la CPAM visant à déterminer où, quand et à quoi la personne a été exposée. Cette exclusivité a des conséquences financières et est créatrice de complications juridiques importantes, pour les victimes comme pour les employeurs.
L'évolution de l'emploi en France conduit depuis une trentaine d'années à des parcours professionnels fortement marqués par la flexibilité, la sous-traitance et le travail temporaire. Ainsi, les personnes peuvent avoir travaillé chez de nombreux employeurs et ne pas avoir été exposées au risque en question sur leur dernier lieu de travail.
Par ailleurs, lors d'une enquête administrative, réalisée par les inspecteurs AT-MP, aucune règle stricte ne régit précisément la recherche d'expositions auprès de l'ensemble des entreprises d'un parcours professionnel. Au-delà de l'analyse du relevé de carrière, des contrats de travail et du questionnaire passé à la victime, seul le dernier employeur, au regard de sa position singulière, apparaît particulièrement questionné sur les conditions d'exposition de ses salariés. Comment, dans ces conditions, peuvent être déterminées précisément les entreprises ayant exposé et ciblées celles qui supporteront les coûts ?
Cette méthode paraît injuste pour le dernier employeur qui n'a rien à se reprocher, même s'il pourra se sortir de cette affaire s'il arrive à prouver qu'il n'a aucun lien avec la maladie professionnelle diagnostiquée, au prix d'un recours juridique complexe. La décision de la Cour de Cassation a donc été prise uniquement pour que la caisse d'assurance maladie puisse envoyer le double de la déclaration, par crainte d'être sanctionnée d'inopposabilité de prise en charge par l'employeur qui ne verra pas sa cotisation AT/MP affecté par la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par son entreprise.
Il apparait dès lors assez ubuesque que pour une raison d'envoi de double de déclaration de maladie professionnelle par les caisses, il incombe au dernier employeur d'apporter la preuve que celui-ci n'a pas exposé ses salariés aux risques concernés. Or, entretemps l'adoption de l'article 86 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a permis de lever la règle de l'inopposabilité en raison des conditions d'information de l'employeur. Il ne parait donc plus justifié de viser par l'instruction le dernier employeur, mais bien celui qui l'a dernièrement exposé au risque.
Voici les raisons pour lesquelles cet amendement propose de préciser que lorsque la maladie est reconnue d'origine professionnelle, l'indemnisation complémentaire mentionnée dans les articles L. 452‑1 à L. 452‑3 du code de la sécurité sociale est récupérée par la caisse auprès du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque professionnel, avant sa constatation médicale, sauf à cet employeur à rapporter la preuve contraire. Il prévoit que les modalités de récupération des sommes redevables et d'obligation d'information de l'employeur concerné qui incombent à la caisse seront déterminées par décret.
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