Publié le 18 juin 2021 par : M. Philippe Vigier.
Substituer à l’alinéa 30 les quatre alinéas suivants :
« Art. L. 631‑24‑2. – En vertu de l’extension d’un accord interprofessionnel en application de l’article L. 632‑3 ou, en l’absence d’accord étendu, en vertu d’un décret en Conseil d’État qui précise les produits ou catégories de produits concernés :
« 1° Le contrat de vente ou l’accord-cadre peut, par dérogation à l’alinéa premier du I de l’article L. 631‑24, ne pas être conclu sous forme écrite ;
« 2° Le contrat de vente ou l’accord-cadre peut déroger à la mention des modalités de révision automatique du prix visées au 1° du III de l’article L. 631‑24 et aux dispositions prévues au 5° du III de ce même article.
« La durée du contrat peut alors tenir compte de la durée des contrats par lesquels l’acheteur revend des produits comportant un ou plusieurs produits agricoles. »
Le présent amendement a pour objet de permettre de déroger par décret en Conseil d’Etat ou accord interprofessionnel étendu, au vu des spécificités de certaines filières, comme la filière céréalière, oléagineuse ou des plantes riches en protéines, à la durée minimale des contrats et à la clause sur les modalités de révision automatique du prix.
En effet, le texte actuel de la proposition de loi permet de déroger uniquement à l’obligation de conclure un contrat sous forme écrite. Dans ce cas, si un contrat écrit est conclu, le texte prévoit que les parties sont tenues néanmoins au respect de l’ensemble des clauses prévues par l’article L. 631-24, à l’exception de celle relative à la durée minimale du contrat de 3 ans.
Le présent amendement offre donc la possibilité de déroger également à la durée minimale et /ou aux modalités de révision automatique du prix, sans nécessairement devoir déroger dans le même temps à l’obligation de conclure un contrat sous forme écrite.
Cette prise en compte indispensable des spécificités de certaines filières au moyen d’un décret ou d’un accord interprofessionnel étendu est cohérente avec l’approche retenue pour diverses autres dispositions de la proposition de loi.
En effet, l’introduction d’une durée minimale de contrat n’est ni nécessaire ni adaptée à des filières recourant depuis longtemps à des contrats écrits, source de sécurité pour ses acteurs. En effet, au sein de ces filières très structurées, comme la filière céréalière, oléagineuse ou des plantes riches en protéines, la commercialisation des produits passe par un organisme collecteur, que cela provienne d’une obligation réglementaire (Art. L.666-1 et 667-2 du code rural et de la pêche maritime pour les céréales et les oléagineux) ou d’une pratique de filière (protéagineux, légumes secs, luzerne déshydratée). Ces organismes sont mis en concurrence et librement choisis par les producteurs, et ces relations commerciales font systématiquement l’objet d’un contrat écrit depuis plusieurs dizaines d’années.
Plus encore, une durée minimale de contrat de trois ans est inadaptée à ces filières dont les producteurs cultivent plusieurs cultures annuelles et modifient chaque année leur assolement pour des raisons agronomiques, pédoclimatiques ou économiques. Le producteur perdrait ce levier qui lui permet d’ajuster les surfaces par culture chaque année en fonction des cours, de la projection de prix ou du coût de production de chaque produit pour une année donnée. La contractualisation pluriannuelle se développe au sein de ces filières sur certains segments, mais doit rester volontaire et s’inscrire dans une logique de structuration de filière avec l’engagement de tous les maillons aval concernés.
La mention obligatoire dans le contrat de vente de modalités de révision automatique à la hausse ou à la baisse des prix, n’est également pas adaptée à ces filières. En effet, leurs opérateurs ont accès via des sources variées (revues et journaux spécialisés, sites internet, FranceAgriMer, marchés à termes) à de nombreux indicateurs relatifs au prix de chaque produit sur le marché de référence (marché à terme) et/ou sur les principaux lieux de négociation des produits (marchés physiques). Le prix de ce type de production est caractérisé par une forte volatilité et évolue en permanence, parfois plusieurs fois par jour.
Le coût de production des céréales, des oléagineux et des plantes riches en protéines dépend avant tout des rendements, qui sont des données variables d’une année sur l’autre et d’un producteur de grandes cultures à l’autre. Chaque agriculteur a donc un coût de production qui lui est propre pour une campagne donnée, coût qui sera fixe pour l’intégralité de la campagne de commercialisation. Ce coût de production individuel n’est connu qu’une fois la récolte réalisée, alors que la commercialisation a déjà commencé, le plus souvent, plusieurs mois en amont, parfois même avant les semis, afin notamment de sécuriser le prix de vente. Ainsi, dans ces filières, le prix de vente est fixé par anticipation, en amont de la livraison des produits, et permet au producteur de projeter sa marge et ainsi de moduler ses investissements en conséquence (intrants/matériel).
L’introduction d’une clause de révision automatique du prix de vente aurait ainsi un effet inverse au but recherché, et empêcherait les producteurs de ces filières de sécuriser leurs prix de vente et, ainsi, leurs revenus.
Enfin, concernant les contrats ayant des exécutions différées et conclus avant récolte, une telle clause entraînerait une incertitude si forte que les opérateurs ne prendraient pas le risque de contractualiser avant récolte. Cela génèrerait des dysfonctionnements majeurs (engorgement, non anticipation de la logistique et pression vendeuse à la récolte) et conduirait de facto à des surcoûts importants, portés in fine par le producteur au moment où il trouvera un acheteur pour ses grains.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cet amendement.