Publié le 17 septembre 2021 par : M. Quatennens, Mme Autain, M. Coquerel, Mme Obono, M. Corbière, M. Bernalicis, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin, Mme Taurine.
L’article L. 8221‑6 du code du travail est complété par un III ainsi rédigé :
« III. – 1° Le I du présent article et l’article L. 8221‑6‑1 du présent code ne s’appliquent pas au travailleur lié à une plateforme de mise en relation par voie électronique définies à l’article 242 bis du code général des impôts lorsque celle-ci détermine les caractéristiques de la prestation de service fournie ou du bien vendu par le travailleur et fixe son prix. Le travailleur est présumé être lié à cette plateforme par un contrat de travail.
« 2° L’inexistence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque la plateforme mentionnée au III. 1. démontre que le travailleur a exécuté sa prestation dans des conditions exclusives de tout lien de subordination juridique à l’égard de celle-ci. »
Par cet amendement, nous souhaitons renverser la présomption d’indépendance des travailleurs des plateformes en une présomption de salariat.
L’émergence des plateformes a donné naissance à un nouveau type de travail reconnu par la loi comme « indépendants » mais qui, dans les faits, ne sont ni salariés, ni indépendants. Chauffeurs de VTC, livreurs à vélo, prestataires de services multiples et au volume grandissant, ces travailleurs ne sont pas libres de fixer leur tarif, d’établir leur rythme de travail et, dans de plus en plus de cas (comme les chauffeurs VTC qui louent leur voiture pour travailler) ne possèdent pas leur outil de travail. Pour certains comme les livreurs à vélo, l’uniforme est imposé.
Ces travailleurs ne sont pas, de fait, indépendants car ils n’ont aucune des libertés liées à ce statut.
Hélas, ils n’ont pas non plus les protections liées au statut de salarié : leurs accidents du travail ne sont pas indemnisés et leur plate-forme n’est pas responsable, ils n’ont pas de représentants du personnel, ils n’ont pas de salaire minimum, ils n’ont en fait aucun garantie compensatrice de leur position de subordination.
La Cour de Cassation a confirmé le 4 mars 2020 la décision de la cour d’appel de Paris du 11 janvier 2019 estimant que le lien qui unissait un ancien chauffeur à Uber était bien un « contrat de travail ». Elle acte l’existence « d’un lien de subordination entre le chauffeur et Uber lors de la connexion à la plateforme numérique, son statut d’indépendant n’étant que fictif ». En novembre 2018, la Cour de Cassation avait aussi cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 20 avril 2017 qui refusait la requalification du contrat d’un livreur Take Eat Easy en contrat de travail, soulignant un « lien de subordination caractérisé ». Le Parlement européen, dans un rapport voté le 16 septembre, estime lui aussi que ces travailleurs doivent être présumés salariés, que la charge de la preuve doit être inversée et que toute forme de statut intermédiaire doit être repoussée.
Le rapport de Jean-Yves Frouin « Réguler les plateformes numériques de travail », remis au Premier ministre en décembre 2020, confirme les avantages de la reconnaissance du statut de salarié aux travailleurs des plateformes. Cela « règlerait immédiatement les questions de sécurité juridique », « étendrait aux travailleurs les droits et protection des salariés » le tout étant « techniquement aisé » à mettre en place et synonyme de « clarification ». Il balaie les contre-arguments habituels : « L’argument selon lequel les travailleurs des plateformes seraient eux-mêmes opposés à une telle option, semble sans doute factice ; l’argument tiré de l’alourdissement du coût de fonctionnement des plateformes paraît également spécieux, tant les allègements de cotisations sociales pour les salaires proches du SMIC sont élevés ». Cette piste n’est toutefois pas explorée car selon lui, ce n’est pas « l’hypothèse de travail des pouvoirs publics » : encore une fois le Gouvernement fait fi des droits sociaux au nom de l’avènement forcé d’une prétendue modernité économique.
L’Espagne a montré la voie en introduisant la présomption salariale pour les livreurs à vélo après concertation avec les partenaires sociaux : suivons ce chemin pour faire cesser cette situation aberrante qui désorganise massivement de plus en plus de secteurs et plonge ces salariés de fait dans la précarité.
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