Publié le 9 septembre 2021 par : Mme Untermaier, Mme Lamia El Aaraje, Mme Karamanli, M. Saulignac, les membres du groupe Socialistes et apparentés.
Le quatrième alinéa de l’article 706‑122 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« En cas d’impossibilité de comparution, il est procédé à la lecture de leurs rapports. En cas d’avis divergents, tous les experts sont entendus. »
Le présent amendement du groupe socialistes et apparentés, issu de la recommandation n°16 de la mission sur l’irresponsabilité pénale de Dominique Raimbourg et Philippe Houillon, vise, en cas d’impossibilité de comparution, à permettre de passer outre à l’indisponibilité des experts en procédant à la lecture de leurs rapports.
La psychiatrie pour la réalisation d’expertises pénales souffre d’un désintérêt croissant. Plusieurs raisons à cela : l’insuffisance de la formation des psychiatres à la pratique judiciaire et le défaut d’information, les difficultés pratiques, théoriques et techniques d’un exercice solitaire soumis à de fortes pressions avec peu de références consensuelles, la multiplication des domaines d’intervention et la complexité croissante de la demande judiciaire, notamment dans le domaine de la dangerosité, alors même que parallèlement le recours à la psychiatrie clinique hospitalière ou de ville, surchargées, ne cesse d’augmenter, l’imbroglio du statut social et fiscal de l’expert et la faiblesse de sa rémunération.
En conséquence, les deux dernières décennies ont vu le nombre des psychiatres inscrits sur les listes des cours d’appel diminuer drastiquement. Déjà en baisse au début des années 2010, le chiffre est passé de 537 en 2011 à 338 en 2017. La situation est d’autant plus critique qu’en parallèle, la demande d’expertise s’est accrue considérablement. Lors de la rédaction de la loi n° 2012-409 du 27 mars 2012 de programmation relative à l’exécution des peines, il était noté une augmentation de 149 % du nombre d’expertises psychiatriques réalisées sur les auteurs d’infractions pénales entre 2002 et 2009, pour un nombre constant d’experts psychiatres (537 médecins inscrits sur les listes des cours d’appel).
Cette pénurie notoire obère le délai de dépôt des rapports, ce qui provoque un impact important sur la durée des détentions provisoires et des informations judiciaires. Elle rend souvent difficile, et parfois quasi impossible l’organisation d’une dualité d'experts. Les problèmes de délais affectant la procédure pénale et portant préjudice aux justiciables sont légion. En matière correctionnelle notamment (comparutions immédiates), la pénurie d’experts peut conduire à incarcérer des personnes qui nécessiteraient essentiellement des soins en milieu hospitalier, faute d’avoir vu leur état mental évalué dans le cadre d’une expertise.
Au niveau des chambres de l’instruction, l'article 706-122 du CPP dispose que les experts ayant procédé à l'examen de la personne "doivent être entendus". Cette audition pose difficulté à la quasi-totalité des chambres dans la mesure où il est souvent impossible de réunir tous les experts au moment de l'audience. Cette obligation légale d’entendre tous les experts ne souffre en l’état actuel de la loi aucune exception mais est tempérée par l’arrêt de la Cour de cassation du 8 juillet 2020 sur la nécessité d’entendre au moins un expert.
Le présent amendement va plus loin en permettant en cas d’impossibilité de comparution de passer outre à l’indisponibilité des experts en procédant à la lecture de leurs rapports.
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