Publié le 8 octobre 2021 par : M. Quatennens, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin, Mme Taurine.
Compléter cet article par les trois alinéas suivants :
« VI. – L’article L. 8221‑6 du code du travail est complété par un III ainsi rédigé :
« III. – Le I du présent article et l’article L. 8221‑6‑1 du présent code ne s’appliquent pas au travailleur lié à une plateforme de mise en relation par voie électronique définies à l’article 242 bis du code général des impôts lorsque celle-ci détermine les caractéristiques de la prestation de service fournie ou du bien vendu par le travailleur et fixe son prix. Le travailleur est présumé être lié à cette plateforme par un contrat de travail.
« L’inexistence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque la plateforme mentionnée au III. 1. démontre que le travailleur a exécuté sa prestation dans des conditions exclusives de tout lien de subordination juridique à l’égard de celle-ci. » »
Par cet amendement, nous souhaitons renverser la présomption d’indépendance des travailleurs des plateformes en une présomption de salariat pour améliorer les droits sociaux des travailleurs des plateformes.
L’émergence des plateformes a donné naissance à un nouveau type de travail reconnu par la loi comme « indépendants » mais qui, dans les faits, ne sont ni salariés, ni indépendants. Chauffeurs de VTC, livreurs à vélo, prestataires de services multiples et au volume grandissant, ces travailleurs ne sont pas libres de fixer leur tarif, d’établir leur rythme de travail et, dans de plus en plus de cas (comme les chauffeurs VTC qui louent leur voiture pour travailler) ne possèdent pas leur outil de travail. Pour certains comme les livreurs à vélo, l’uniforme est imposé.
Ces travailleurs ne sont pas, de fait, indépendants car ils n’ont aucune des libertés liées à ce statut.
Hélas, ils n’ont pas non plus les protections liées au statut de salarié : leurs accidents du travail ne sont pas indemnisés et leur plate-forme n’est pas responsable, ils n’ont pas de représentants du personnel, ils n’ont pas de salaire minimum, ils n’ont en fait aucun garantie compensatrice de leur position de subordination.
La Cour de Cassation a confirmé le 4 mars 2020 la décision de la cour d’appel de Paris du 11 janvier 2019 estimant que le lien qui unissait un ancien chauffeur à Uber était bien un « contrat de travail ». Elle acte l’existence « d’un lien de subordination entre le chauffeur et Uber lors de la connexion à la plateforme numérique, son statut d’indépendant n’étant que fictif ». En novembre 2018, la Cour de Cassation avait aussi cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 20 avril 2017 qui refusait la requalification du contrat d’un livreur Take Eat Easy en contrat de travail, soulignant un « lien de subordination caractérisé ». Le Parlement européen, dans un rapport voté le 16 septembre, estime lui aussi que ces travailleurs doivent être présumés salariés, que la charge de la preuve doit être inversée et que toute forme de statut intermédiaire doit être repoussée.
Le tiers statut qui ne dit pas son nom entériné par l’ordonnance du 21 avril 2021 ne permet pas une amélioration ambitieuse des droits sociaux des travailleurs des plateformes : la présomption de salariat permettra aux « indépendants » le souhaitant de faire plus facilement requalifier leur contrat en contrat de travail, avec les droits sociaux afférents.
L’Espagne a montré la voie en introduisant la présomption salariale pour les livreurs à vélo après concertation avec les partenaires sociaux : suivons ce chemin pour faire cesser cette situation aberrante qui désorganise massivement de plus en plus de secteurs et plonge ces salariés de fait dans la précarité.
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