Publié le 19 mars 2018 par : M. Ruffin, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, Mme Taurine.
Après l'article L. 311‑3 du code des relations entre le public et l'administration, il est inséré un article L. 311‑3‑1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 311‑3‑1 A. – I. – Les rapports des corps d'inspection de l'État sont librement accessibles aux journalistes titulaires de la carte d'identité professionnelle mentionnée à l'article L. 7111‑6 du code du travail, et aux associations reconnues d'utilité publique. Sur simple demande, ils peuvent être consultables sur place, ou transmis par voie électronique.
« Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent I.
« II. – Le fait d'entraver, d'une manière concertée l'exercice du droit d'information mentionné au I est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »
Par cet amendement, nous souhaitons rendre consultables par les seuls journalistes, sur présentation d'une carte de presse (telle que définie à l'article R. 761‑11 du code du travail), et les membres d'associations reconnues d'utilité publique, l'ensemble des rapports des corps d'inspection de l'État, et ce directement (consultation sur place) ou sur simple demande (transmission par voie postale ou électronique).
Pour rappel, notre autre amendement complémentaire à celui-ci porte sur l'accès libre au public de ces rapports avec biffage des mentions couvertes par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat (l'article 6 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dite “Sapin II”), ainsi que la protection de la vie privée et familiale (article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales).
En effet, actuellement le livre III du code des relations entre le public et l'administration (CRPA) reconnaît à toute personne le droit d'obtenir communication des documents détenus dans le cadre de sa mission de service public par une administration, quels que soient leur forme ou leur support (articles L. 300‑1 et L. 300‑2 du CRPA). Or, par le refus de l'administration, de nombreuses demandes butent actuellement, et la saisine de la Commission d'accès aux documents administratifs (Titre IV du livre III) ainsi que l'injonction pouvant être ensuite obtenues par saisine du juge administratif empêchent le droit d'information.
Or, les rapports des corps d'inspection de l'État (du travail, de la justice, des finances, de l'éducation nationale, de l'administration, des affaires sociales, des affaires culturelles, de l'agriculture, de la police nationale, de la gendarmerie nationale) peuvent comporter différentes natures : évaluation des politiques publiques, ressources humaines, thématique précise, pré-disciplinaire, etc. Ils sont de manière évidente d'intérêt public en tant qu'ils éclairent la décision publique et aident à la prise de décision. Or, de nombreux ont été retenus volontairement secrets par le pouvoir politique, par exemple :
- sur les partenariats publics privés
(https ://www.lemoniteur.fr/article/le-rapport-de-l-inspection-generale-des-finances-sur-les-ppp-demeure-secret-24609041) ;
- sur les 35 heures
(http ://abonnes.lemonde.fr/politique/article/2016/07/18/35-heures-ce-que-dit-le-rapport-secret-de-l-igas_4970978_823448.html#Syw7c8EZVzXo10rZ.99fcol0Y23RDUEACUuzkjBmVjkltw/edit# ) ;
- sur les compagnies low-cost
(http ://bakchich.herokuapp.com/france/2012/10/11/low-cost-le-rapport-secret-de-l-igf-et-les-reflexions-de-montebourg-61796) ;
- sur le CHU de la Réunion
(https ://la1ere.francetvinfo.fr/reunion/chu-rapport-secret-igas-549375.html), etc.
Ces rapports ont été produits par des fonds publics, et pour éclairer la décision du décideur public. Ils ne doivent pas rester “enterrés”.
Dans l'esprit du Freedom of Information Act de 1966 qui consacre le droit à l'information aux États-Unis, et pour consacrer libre communication des pensées et des opinions (article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789), nous estimons qu'il est nécessaire que tous les rapports produits par les corps d'inspection de l'État soient directement accessibles aux journalistes et associations reconnues d'utilité publique.
En effet, pour les journalistes, nous estimons que leur métier relève du service public de l'information (corollaire du droit à l'information), puisque l'exercice de la profession de journaliste est réglé par les articles L. 7111‑3 et suivants du code du travail, et qu'ils constituent une profession spécifique et réglementée.
Pour les associations (qui sont nécessairement des associations à but non lucratif), seules certaines sont reconnues comme d'intérêt public par décret en Conseil d'État (Chapitre II du Décret du 16 août 1901 pris pour l'exécution de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association).
La liste des associations actuellement reconnues d'intérêt public (https ://www.data.gouv.fr/s/resources/associations-reconnues-d-utilite-publique/20180212‑155212/liste-associations-utilite-publique-31jan2018.ods) permet en outre de s'assurer que ce sont bien des co-défenseurs de l'intérêt général à qui cette substitution de responsabilité civile peut être proposée.
Ces statuts particuliers des journalistes et des associations déclarées d'utilité publique impliquent des droits d'accès différenciés aux documents administratifs.
Ce dispositif nous apparaît équilibré puisque la responsabilité des journalistes et associations concernées peut ensuite être engagée selon l'utilisation qu'ils font de ces informations, ce dans les conditions de droit commun (responsabilité civile et pénale - lois du 29 juillet 1881, du 15 juin 2000, du 30 décembre 2004, code civil, etc).
Enfin, afin que ce droit soit effectif, nous proposons de prévoir que sa méconnaissance emporte des sanctions pénales, en se calquant sur l'article L. 431‑1 du code pénal qui punit d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le fait d'entraver notamment l'exercice de la liberté d'expression, d'association, de réunion, de manifestation, de création artistique.
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