Publié le 19 mars 2018 par : M. Lainé, M. Cubertafon, M. Fesneau, M. Michel-Kleisbauer, Mme Poueyto, les membres du groupe du Mouvement Démocrate apparentés.
Compléter l'alinéa 23 par la phrase suivante :
« Cette expansion est portée par une stratégie intégrale, dépassant un cadre strictement militaire, combinant et articulant les leviers d'influence économiques, culturels et militaires. »
Cet amendement vise à souligner l'importance de l'apport de la « stratégie intégrale » dans la définition de notre stratégie nationale. Il vise in fine à décliner au sein du rapport annexé les postures de « stratégies intégrales » identifiées à la marge par la Revue stratégique.
Si la stratégie intégrale comporte la « compétition » exposée dans la Revue stratégique – une compétition qui s'étend des domaines économique et culturel au militaire au point où il n'existe plus de domaine qui ne puisse servir la guerre et plus de domaines qui ne présentent l'aspect offensif de la guerre – elle n'y est pas réductible. La stratégie intégrale se définit par la capacité à combiner ces modes qui, pris indépendamment et de par leur nature non strictement militaire, pourraient apparaître du seul domaine de la compétition de puissance mais qui, articulés dans une stratégie intégrale, relève d'actes de guerres.
En toute conformité avec la définition des buts de la stratégie donnée par le Général André BEAUFFRE – pour lequel il s'agit d'atteindre la décision en créant et en exploitant une situation entrainant une désintégration morale de l'adversaire suffisante pour lui faire accepter les conditions qu'on veut lui imposer – les stratégies affichées de certains acteurs étatiques (et décrites, par exemple, de façon transparentes dans l'ouvrage « La guerre hors limites ») ne se limitent pas à l'aspect militaire ni aux seules compétitions dans des domaines présentés indépendamment les uns des autres.
Une stratégie intégrale pourrait ainsi être celle d'une mobilisation de capitaux provoquant une crise financière, cumulée à une attaque informatique visant à neutraliser le réseau électrique civil, de transport, de transactions boursières, de télécommunications ou médiatiques en vue de provoquer une instabilité sociale que viendrait seulement exploiter des manœuvres militaires de plus en plus pressantes. Le rôle des moyens militaires est ainsi seulement équivalent aux autres moyens qui – pris individuellement – ont l'apparence de la compétition « pacifique ». L'acquisition de parts en entreprises, de devises, de terres, le développement de médias d'influence (etc.), se comprend non comme un jeu d'échecs, où le joueur détruit progressivement les ressources de son adversaire par engagements tactiques successifs pour le défaire, mais comme un jeu de go, où le joueur construit pour priver d'options son adversaire.
En ce sens la compétition économique, technologique, informationnelle et culturelle abonde les nouvelles stratégies de puissance sans y être limitée. Pour limiter l'impact de ces types de stratégie la France se doit de se doter conceptuellement d'abord, matériellement ensuite, de moyens visant à parer et contrer de telles manœuvres.
Pourtant ici, la phrase « mais qui s'étend de plus en plus au domaine militaire » laisserait sous-entendre une différence de degré dans la menace militaire.
Consolidant ainsi l'analyse de la revue stratégique – à laquelle cet amendement souscrit – il vise à exprimer le danger de la combinaison et de l'articulation de l'ensemble de ces moyens, qui, seules, sont les objets de la stratégie intégrale nourrissant les doctrines politiques de certains acteurs internationaux. Ces articulations sont d'autant plus fines que, limitant l'utilisation du seul outil militaire, elles soutiennent des opérations d'escalade/désescalade face auxquelles les pays de l'Union Européenne ont été récemment démunis (en Ukraine notamment).
Au-delà de cette affirmation au sein du présent rapport annexé cet amendement appelle à la progressive prise en considération pratique des « stratégies intégrales » dans la définition de la stratégie française au regard de l'évolution à venir du champ des conflictualités. La stratégie, par nature dialectique, doit se construire dans l'identification claire et sans ambiguïté de la stratégie adverse.
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