Publié le 26 mars 2018 par : M. Ruffin, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, Mme Taurine.
Substituer aux alinéas 8 à 11 l'alinéa suivant :
« Art. L. 151‑1. – Est protégée au titre du secret des affaires, pour les seules personnes présentes sur un marché concurrentiel au sens du premier alinéa de l'article L. 410‑2 du code de commerce, toute information essentielle, à savoir les procédés, objets, documents, données ou fichiers de nature industrielle, scientifique, technique ou stratégique, ayant une valeur commerciale directe pour une personne physique ou morale sur le même marché concurrentiel. »
Par cet amendement principal, nous proposons une définition du “secret des affaires” conforme à la directive européenne qui le circonscrit précisément (personnes présentes sur un marché concurrentiel, et valeur commerciale directe de ce “secret”).
Par nature, une “directive” européenne laisse une marge de transposition aux Etats membres, puisque ceux-ci doivent la transposer. Or ici, il suffit de lire la directive pour se rendre compte qu'elle permet aux Etats membres de définir et circonscrire précisément la définition de “secret des affaires” (voir ci-dessous). Plutôt que de doctement photocopier le texte de la directive, comme le propose l'article 1 de cette proposition de loi, nous proposons au contraire une nouvelle définition du “secret des affaires”.
La directive européenne 2016/943 du 8 juin 2016 sur le secret des affaires laisse une marge de transposition particulièrement grande pour le droit national. En effet, il suffit de lire son article 3 qui dit que “2. L'obtention, l'utilisation ou la divulgation d'un secret d'affaires est considérée comme licite dans la mesure où elle est requise ou autorisée par le droit de l'Union ou le droit national.”, et son article 5 qui précise que : “Les États membres veillent à ce qu'une demande ayant pour objet l'application des mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive soit rejetée lorsque l'obtention, l'utilisation ou la divulgation alléguée du secret d'affaires a eu lieu dans l'une ou l'autre des circonstances suivantes : (...) d) aux fins de la protection d'un intérêt légitime reconnu par le droit de l'Union ou le droit national.”. Ainsi, ces marges d'appréciation laissées aux Etats leur permettent de manière évidente de pouvoir proposer l'équilibre qu'ils souhaitent entre intérêt général et secret des affaires.
En outre, si nos collègues député.e.s font part d'un risque que le présent amendement ne constitue pas une adéquate mesure de transposition de la directive (alors que l'obligation de transposition est un objectif à valeur constitutionnelle, selon le Conseil constitutionnel DC n° 2010-605 DC du 12 mai 2010), c'est à la Commission européenne de le signaler, et, le cas échéant d'entamer une procédure d'infraction - article 260 du TFUE (Traité sur le Fonctionnement de l'Union européenne), qui peut en dernier ressort mener la Cour de Justice de l'Union européenne à trancher. Nous avons un droit de transposition, et un droit, dans ces marges par ailleurs permises, de décider, quitte à entamer un dialogue intelligent avec la Commission européenne ultérieurement.
Or, force est de constater que la définition retenue par les signataires de cette proposition de loi, outre qu'elle photocopie étonnement un texte “à transposer”, (transposer signifiant “Adapter un énoncé à un contexte d'énonciation différent"selon le Trésor de la langue française) est particulièrement floue et peut tout comprendre, alors qu'au contraire, la définition devrait être restrictive, au nom de la sécurité juridique, non pas des entreprises, mais des personnes.
La définition proposée est ainsi la suivante. Le secret des affaires devrait concerner les informations :
- détenues par des personnes (physiques ou morales) ;
- ces personnes étant présentes sur marché concurrentiel (au sens du premier alinéa de l'article L. 410-2 du code de commerce qui évoque les conditions du (sic…) “jeu de la concurrence” pour les biens, produits et services ;
- et ces informations (les procédés, objets, documents, données ou fichiers de nature industrielle, scientifique, technique ou stratégique) doivent avoir une valeur commerciale (elles peuvent avoir un prix en le sens qu'un avantage lucratif peut être obtenu par leur acquisition et leur cession) ;
- cette information doit avoir une valeur commercial directe pour une personne physique ou morale sur le même marché concurrentiel (ce qui permet de se centrer sur les réels secrets industriels, secrets stratégiques, et d'exclure par exemple des documents relatifs à des pratiques environnementales et sociales peu avouables qui pourraient par exemple détourner les clients / consommateurs de l'entreprise dont le secret des affaires a été révélé).
Cette définition permet donc de circonscrire précisément la notion de “secret des affaires”, dans le respect de la directive européenne 2016/943 du 8 juin 2016, afin d'éviter des abus de tout type d'une définition trop floue et insécurisante juridiquement.
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