Publié le 26 mars 2018 par : M. Ruffin, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, Mme Taurine.
Après l'alinéa 11, insérer les six alinéas suivants :
« « II. – Ne peut être protégée au titre du secret des affaires toute information relative à :
« « 1° L'impact environnemental et sanitaire de son activité ainsi que celles de ses sous-traitants et filiales ;
« « 2° Les conditions de travail de ses salariés, sa politique de recrutement, de licenciement, de rémunération ainsi que celles de ses sous-traitants et filiales ;
« « 3° Les relations entretenues par une personne avec ses sous-traitants et filiales ;
« « 4° Les informations de nature fiscale relatives à l'optimisation fiscale, à l'existence de montages fiscaux ;
« « 5° Les informations de toute nature qui permettent d'établir l'existence d'une fraude fiscale ou sociale, d'une évasion fiscale, de la commission d'infractions pénales, et de financement du terrorisme. »
Par cet amendement de repli, nous proposons de préciser explicitement ce qui ne peut être considéré comme relevant du “secret des affaires” (ce que nous invite à faire la directive - voir ci-dessous), à savoir l'impact environnemental de l'activité de l'entreprise, les conditions de travail de ses salarié.e.s, ses relations avec ses sous-traitant et ses filiales, les montages fiscaux qu'elle peut avoir mis en oeuvre...
Par nature, une “directive” européenne laisse une marge de transposition aux Etats membres, puisque ceux-ci doivent la transposer. Or ici, il suffit de lire la directive pour se rendre compte qu'elle permet aux Etats membres de définir et circonscrire précisément la définition de “secret des affaires” (voir ci-dessous). Plutôt que de doctement photocopier le texte de la directive, comme le propose l'article 1 de cette proposition de loi, nous proposons au contraire une nouvelle définition du “secret des affaires”.
La directive européenne 2016/943 du 8 juin 2016 sur le secret des affaires laisse une marge de transposition particulièrement grande pour le droit national. En effet, il suffit son article 3 qui dit que “2. L'obtention, l'utilisation ou la divulgation d'un secret d'affaires est considérée comme licite dans la mesure où elle est requise ou autorisée par le droit de l'Union ou le droit national.”, et son article 5 qui précise que : “Les États membres veillent à ce qu'une demande ayant pour objet l'application des mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive soit rejetée lorsque l'obtention, l'utilisation ou la divulgation alléguée du secret d'affaires a eu lieu dans l'une ou l'autre des circonstances suivantes : (...) d) aux fins de la protection d'un intérêt légitime reconnu par le droit de l'Union ou le droit national.”. Ainsi, ces marges d'appréciation laissées aux Etats leur permettent de manière évidente de pouvoir proposer l'équilibre qu'ils souhaitent entre intérêt général et secret des affaires.
Nous proposons ainsi, de limiter spécifiquement dès sa définition ce qui peut relever ou non du secret des affaires, eu égard à l'intérêt général légitime que peuvent représenter certaines informations :
- 1° l'impact environnemental et sanitaire de son activité ainsi que que celles de ses sous-traitants et filiales.
De nombreuses entreprises (notamment celles ayant des sites dits ICPE - installations classées pour la protection de l'environnement) peuvent avoir de par leur activité un impact direct sur l'environnement et la santé des riverains, l'accès à l'information étant particulièrement difficile pour les citoyens et ONG, voire pour les pouvoirs publics. Pour preuve, le cas de Fos-sur-Mer où la pollution de l'environnement par de nombreuses industries (métallurgie, chimie) met en danger l'environnement et la santé des habitants (https://www.ladepeche.fr/article/2017/03/24/2542874-a-fos-sur-mer-la-poussiere-noire-et-les-cancers.html). Ceci a notamment fait l'objet d'uneenquête particulièrement révélatrice de France Culture (https://www.franceculture.fr/emissions/les-pieds-sur-terre/fos-sur-mer-un-secret-detat-22). Autre exemple car ils sont malheureusement nombreux en la matière, …les pesticides et leurs effets néfastes.
- 2° les conditions de travail de ses salariés, sa politique de recrutement, de licenciement, de rémunération ainsi que celles de ses sous-traitants et filiales.
Ne peuvent constituer des secrets d'affaires les pratiques de management agressif, le recours excessifs aux contrats précaires (stagiaires, CDD, intérim, etc), les pratiques discriminatoires, etc. de nombreuses entreprises, qui peuvent constituer, selon la formule de Didier Bille, ex-directeur des ressources humaines,des pratiques inavouables d'entreprises pour « attirer, lobotomiser, casser, jeter » les salariés.
- 3° les relations entretenues par une personne avec ses sous-traitants et filiales.
Ceci permet d'éviter que ne tombe sous le secret des affaires l'existence de sous-traitants esclavagisés par des entreprises françaises comme les usines de textile au Bangladesh -plus d'un millier de morts au Rana Plaza en 2013.Le cas d'Auchanqui se fournissait auprès de tels sous-traitants montre que nous devons être particulièrement vigilants.
- 4° les informations de nature fiscale relatives à l'optimisation fiscale, à l'existence de montages fiscaux.
Si les informations fiscales peuvent être des informations de nature sensible, nous estimons que celles qui permettent d'apprécier le degré de l'optimisation fiscale et l'existence de montages fiscaux complexes ne peuvent relever du secret des affaires puisqu'elles ne concernent pas directement le marché concurrentiel, mais bien une utilisation des failles juridiques (involontaires, ou volontaires à la suite de “capture du régulateur” par des lobbies agressifs) du droit d'Etat.
(NB : - la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales (qui a été reconnue comme un objectif à valeur constitutionnelle, voir DC n° 2015-481 QPC du 17 septembre 2015 du Conseil constitutionnel)).
- 5° les informations de toute nature qui permettent d'établir l'existence d'une fraude fiscale ou sociale, d'une évasion fiscale, de la commission d'infractions pénales, et de financement du terrorisme ;
Ceci nous paraît conforme pour lutter efficacement contre les infractions pénales (qui sont les infractions les plus graves contraires à l'intérêt général, ainsi que contre la fraude et l'évasion fiscales (lutte qui a été reconnue comme un objectif à valeur constitutionnelle, voir DC n° 2015-481 QPC du 17 septembre 2015 du Conseil constitutionnel).
=> Ceci peut être concrètement illustré par le cas de toutes les révélations relatives aux Panama Papers (https://fr.wikipedia.org/wiki/Panama_Papers) ou à l'affaire UBS (http://www.leparisien.fr/economie/fraude-fiscale-le-geant-bancaire-suisse-ubs-sera-juge-en-france-20-03-2017-6779151.php), de même qu'au récent financement du terrorisme par l'entreprise Lafarge (https://www.huffingtonpost.fr/2017/12/01/trois-cadres-de-lafarge-mis-en-examen-pour-financement-dune-entreprise-terroriste_a_23294527/).
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