Protection des données personnelles — Texte n° 860

Amendement N° 6 (Rejeté)

Publié le 12 avril 2018 par : M. Bernalicis, Mme Autain, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin, Mme Taurine.

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Après l'alinéa 7, insérer les trois alinéas suivants :

« Ibis. – Après l'article 11 de la loi n° 78‑17 du 6 janvier 1978 précitée, il est inséré un article 11bisainsi rédigé :
« Art. 11 bis. – À titre expérimental, la Commission nationale de l'informatique et des libertés exerce aussi une mission de contrôle et d'inspection sur les algorithmes des traitements de données, en évaluant notamment la loyauté de ces algorithmes et les risques de discrimination. Cette mission est effectuée avec la participation directe de citoyens et de citoyennes, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. »
« Iter. – À titre expérimental, pour une durée maximale de trois ans, la mission de la Commission nationale de l'informatique et des libertés mentionnée à l'article 11bis de la loi n° 78‑17 du 6 janvier 1978 précitée peut être mise en œuvre dans les ministères qui en formulent la demande auprès de l'autorité administrative compétente. Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'applications du présent article. Cette expérimentation fait l'objet d'un bilan transmis au Parlement évaluant l'opportunité d'une généralisation de ce dispositif. »

Exposé sommaire :

L'article 14 prévoit un recours accru au profilage administratif et à l'utilisation d'algorithmes par les autorités publiques notamment.

Dans la continuité de cette thématique fondamentale pour les droits et libertés numériques, nous estimons que les algorithmes utilisés dans la prise de décision publique doivent nécessairement être soumis à un contrôle citoyen.

Pour cela, pour éviter les biais discriminants qui peuvent être présents dans de nombreux algorithmes utilisés par les pouvoirs publics, nous estimons qu'un contrôle citoyen des algorithmes eux-mêmes doit être organisés, avec les équipes d'inspection de la CNIL.

Avec une telle possibilité ouverte par cet amendement, les citoyens en plus de la CNIL auraient donc pu avoir une connaissance et une évaluation directe d'algorithmes décisionnels problématiques tels APB (Admission post-bac - que le Gouvernement veut remplacer par un nouvel algorithme, Parcoursup) mais aussi ceux utilisés par Pôle Emploi (en lien avec le durcissement annoncé de contrôles par le Gouvernementhttp://www.lemonde.fr/politique/article/2017/12/27/les-pistes-du-gouvernement-pour-durcir-le-controle-des-chomeurs_5234906_823448.html), les administrations fiscales et les caisses d'allocation familiales notamment.

Nous nous inspirons notamment des constats et conclusions du rapport “Modalité de régulation des algorithmes de traitement des contenus” remis à la secrétaire d'Etat chargée du numérique en mai 2016 (https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/cge/Rapports/2016_05_13_Rapport_Algorithmes(1).pdf).

Cette mesure permettrait de compléter une première ouverture importante qui avait été proposée par la loi sur la République numérique en donnant un droit d'accès et d'information (ainsi, la personne concernée par une décision individuelle prise sur la base d'un traitement algorithmique peut faire une demande à l'administration pour obtenir les éléments suivants : le degré et le mode de contribution du traitement algorithmique à la prise de décision ; les données traitées et leurs sources ; les paramètres de traitement et, éventuellement, leur pondération, appliqués à la situation de l'intéressé ; les opérations effectuées par le traitement (article R. 311-3-1-2 du CRPA, issu du décret n° 2017-330 du 14 mars 2017, applicable à compter du 1er septembre 2017).

Si lors de l'examen en Commission des lois ou en séance publique, le-la rapporteur-e refuse de se prononcer pour ou contre sur le fond de cet amendement, en arguant du fait qu'un tel amendement qui n'aurait pas pour but de transposer une directive européenne serait inconstitutionnel, en se référant à la jurisprudence du Conseil constitutionnel (Décision n° 2015-719 DC du 13 août 2015 où ce dernier a estimé que “que, s'agissant d'une loi ayant pour objet de transposer des directives communautaires en matière pénale, des dispositions ayant pour objet de transposer des directives européennes relatives à la matière pénale autres que celles figurant dans le projet de loi initial présentent un lien direct avec le texte déposé. En revanche, des dispositions pénales n'ayant pas pour objet de transposer une directive européenne ne présentent pas un tel lien.”), le rapporteur - consciemment ou non - est soit malhonnête, soit se fourvoie.

=> En effet, cette jurisprudence du Conseil constitutionnel serait d'ores et déjà explicitement restrictive puisqu'elle ne concernerait explicitement que la matière pénale (ce qui n'est pas le cas ici en l'espèce). A noter que ce n'est pas la décision du Conseil elle-même qui précise tous ces points, mais… son communiqué de pressehttp://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2015/2015-719-dc/communique-de-presse.144290.html#).

=> En effet, l'interprétation de cette décision du Conseil constitutionnel est particulièrement capillotractée, puisqu'il suffit de lire les motifs même de cette décision n° 2015-719 DC du 13 août 2015 pour lire que les amendements ont été jugés inconstitutionnels parce qu'ils “n'ont pas de lien, même indirect, avec le projet de loi initial, ont été adoptés selon une procédure contraire à la Constitution ; que, dès lors, ces articles sont contraires à la Constitution ;”. On remarquera par ailleurs que cette fameuse décision du Conseil constitutionnel n'a pas fait l'objet d'exégèse précise par le Conseil lui-même à part ce communiqué de presse - particulièrement indigent- , puisqu'elle n'est même pas commentée dans les Commentaires aux Cahiers du Conseil constitutionnel.

=> Enfin, si c'est là l'interprétation du Président de l'Assemblée nationale (qui selon le règlement de l'Assemblée nationale est le seul à pouvoir apprécier la recevabilité des amendements - articles 89 et 93), alors nous proposons que les services de l'Assemblée assument d'opposer directement l'irrecevabilité constitutionnelle au nom des articles 88-1 et 88-4 de la Constitution (liés à la participation de la France à l'Union européenne et sur la base desquelles le Conseil constitutionnel a dégagé l'exigence à valeur constitutionnelle de transposition des directives N° 2010-605 DC. Il s'agirait d'une décision très risquée étant donnée qu'elle s'opposerait directement avec les article 44 et 45 de la Constitution sur le droit d'amendement des parlementaires. C'est justement parce que cette position n'a absolument rien d'évident et pose de réels problèmes en termes d'effectivité du droit d'amendement que le présent amendement a bien été jugé recevable et que le président de l'Assemblée nationale n'osera pas le juger irrecevable en ce qu'il méconnaîtrait la Constitution en ne constituant pas une simple transposition de directive.

Nous vous serions donc reconnaissants de ne pas être hypocrites en tordant le droit pour des motivations politiciennes.

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