Publié le 5 juillet 2018 par : Mme Le Pen, M. Aliot, M. Bilde, M. Chenu, M. Collard, M. Pajot.
Après le titre V de la Constitution, il est inséré un titre V bis ainsi rédigé :
« TITRE V bis : Du référendum d’initiative populaire en matière législative
« Art. 51‑3. – Un référendum d’initiative populaire peut être organisé, à la demande de cinq cent mille électeurs, pour décider de l’adoption, de la modification ou de l’abrogation totale ou partielle d’une disposition ayant force de loi.
« Les propositions de loi d’initiative populaire ne peuvent modifier la Constitution et les lois de finances.
« Les propositions de loi faisant l’objet d’un référendum d’initiative populaire doivent avoir un objet unique.
« Aucune proposition de loi d’initiative populaire ne peut être présentée si, dans les cinq années qui précèdent, un référendum ayant le même objet n’a pas abouti.
« Art. 51‑4. – La demande d’organisation d’un référendum d’initiative populaire ainsi que la proposition de loi qu’elle contient sont présentées au Conseil constitutionnel dans les conditions déterminées par la loi organique.
« Elle est soumise pour avis au Conseil d’État qui peut, le cas échéant, formuler des recommandations en vue d’améliorer l’intelligibilité de la proposition de loi organique et son insertion dans les codes et lois en vigueur, et de garantir le respect du principe de sécurité juridique, dans le respect de l’objectif poursuivi par les auteurs du texte.
« Le Conseil constitutionnel vérifie que l’objet de la proposition de loi est conforme aux dispositions de l’article 51‑3 ; il peut décider de regrouper en un texte unique des propositions de loi d’initiative populaire concurrentes et prévoir qu’elles font l’objet de questions subsidiaires.
« La loi organique fixe le délai dans lequel, à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel au Journal officiel, sont recueillies les signatures des électeurs venant au soutien de la demande. Elle peut fixer le nombre maximum de demandes de référendum d’initiative populaire qu’un même électeur peut signer pour une période déterminée, ainsi que les conditions d’une répartition d’un nombre minimal de ces signatures sur le territoire national.
« Le Conseil constitutionnel vérifie la régularité des opérations de dépôt des signatures. S’il juge la procédure suivie conforme à la Constitution et à la loi organique, il transmet la demande au Président de la République, au Gouvernement et au Parlement.
« Art. 51‑5. – La date du référendum est fixée par décret en Conseil des ministres. Le référendum doit intervenir au plus tard six mois après la décision du Conseil constitutionnel prévue au dernier alinéa de l’article 51‑4.
« Lorsque l’adoption d’une proposition de loi faisant l’objet d’une demande d’organisation d’un référendum d’initiative populaire est de nature à entraîner des conséquences préjudiciables à l’indépendance, à la défense ou aux autres intérêts vitaux de la Nation, le Président de la République peut, après avis du Conseil constitutionnel, demander à l’Assemblée nationale et au Sénat, par un message spécialement motivé, de décider que la proposition n’est pas soumise au référendum. Les assemblées statuent sur cette demande dans les deux mois de leur saisine par le Président de la République par une résolution conjointe adoptée à la majorité absolue des membres les composant. Pour les mêmes motifs et aux mêmes fins, l’Assemblée nationale et le Sénat peuvent adopter une résolution dans les conditions prévues à l’alinéa précédent ; cette résolution est soumise pour approbation au Président de la République qui se prononce dans les deux mois.
« Art. 51‑6. - Le Président de la République peut, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 11, soumettre simultanément au référendum un contre‑projet de loi portant sur le même objet.
« Lorsqu’un contre-projet est soumis au référendum, les électeurs se prononcent :
« - sur le principe même de l’adoption de l’un ou l’autre de ces deux textes ;
« - puis, si ce principe a été approuvé, sur celui des deux textes qui doit être adopté.
« Lorsque le référendum a conclu à l’adoption de la proposition d’initiative populaire ou du contre‑projet, le Président de la République le promulgue dans les quinze jours qui suivent la proclamation des résultats du scrutin du scrutin par le Conseil constitutionnel.
« Art. 51‑7. – Les modalités d’application du présent titre sont fixées par une loi organique. »
Le nouveau titre V bis de la Constitution qu’il est proposé de créer est relatif au référendum législatif d’initiative populaire en matière législative ; il est composé de cinq nouveaux articles.
Le nouvel article 51‑3 prévoit qu’un tel scrutin sera organisé de plein droit à la demande de 500 000 électeurs : son objet portera sur l’adoption, la modification ou l’abrogation totale ou partielle d’une loi.
Les référendums d’initiative populaire seront soumis aux limites matérielles et temporelles suivantes :
- les propositions de loi d’initiative populaire ne pourront modifier la Constitution – entendue comme l’ensemble du « bloc de constitutionnalité » - et les lois de finances (autrement dit, elles ne pourront pas porter sur le domaine exclusif des lois de finances au sens de la loi organique relative aux lois de finances) ;
- chaque proposition de loi faisant l’objet d’un référendum d’initiative populaire doit avoir un objet unique ;
- aucune proposition de loi d’initiative populaire ne peut être présentée si, dans les cinq années qui précèdent, un référendum ayant le même objet n’a pas abouti.
Eu égard au caractère relatif et contingent du principe de la supériorité des traités sur les lois internes, posé par l’article 55 de la Constitution, il n’est pas prévu de limiter la possibilité de soumettre au référendum une proposition de loi qui serait contraire aux stipulations d’un traité ou d’un accord.
Le nouvel article 51‑4 attribue au Conseil constitutionnel, conformément d’ailleurs à la nouvelle mission générale à lui confiée par l’article 60 modifié, un rôle fondamental en ce qui concerne le contrôle de la nouvelle procédure, tant en ce qui concerne la collecte des signatures de soutien de l’initiative, que de sa constitutionnalité et de la conformité de son contenu aux exigences relatives à l’objet du référendum d’initiative populaire posées à l’article 78.
Un premier contrôle s’exercera en amont de la collecte des 500 000 signatures, lorsque le Conseil constitutionnel sera saisi d’une proposition de loi d’initiative populaire par les promoteurs de l’initiative, dont la loi organique définira les conditions auxquelles ce premier stade de lancement de l’initiative devra satisfaire : on peut envisager qu’un « comité d’initiative », composé de trois à cinq personnes, pourra être formé aux fins de recueillir les quelques centaines ou milliers de signatures nécessaires à cette saisine initiale du Conseil constitutionnel.
Il est prévu que le Conseil d’État sera saisi du texte pour avis, aux fins de formuler des recommandations en vue d’en améliorer, le cas échéant, l’intelligibilité et l’insertion dans les codes et lois en vigueur, et de garantir la sécurité juridique, dans le strict respect de l’objectif recherché par les promoteurs du texte. Il ne saurait en effet être question d’admettre que le Conseil d’État exerce ici une forme de contrôle d’opportunité sur le texte dont il sera saisi ; il pourra cependant émettre librement son avis tant sur sa constitutionnalité que sur les doutes quant à son applicabilité effective. La loi organique déterminera les conditions dans lesquelles les recommandations du Conseil d’État seront prises en compte, sous le contrôle du Conseil constitutionnel : il appartiendra au comité des promoteurs de l’initiative, soit d’accepter ses modifications, soit de retirer leur texte. L’intérêt d’un tel dialogue entre le Conseil constitutionnel, le Conseil d’État et les auteurs du texte consiste à aboutir à la présentation finale au électeurs d’un texte pleinement intelligible, conforme aux normes supérieures du droit, et qui ne remettra pas en cause le principe de sécurité juridique ; sur ce dernier point, le Conseil d’État sera en particulier attentif aux dispositions transitoires d’entrée en vigueur du texte, notamment lorsqu’il s’agira d’un texte abrogatif.
Une seconde phase du contrôle du Conseil constitutionnel portera sur la régularité de la collecte des signatures venant au soutien de l’initiative populaire. Ce contrôle portera en particulier sur le respect des règles que le législateur organique sera amené à édicter quant au recueil desdites signatures : interdiction de la rémunération des signataires, éventuel plafonnement des dépenses de propagande engagées en vue de la collecte des signatures, interdiction de certains financements à cette fin, etc. S’il juge in fine la procédure de collecte des signatures conforme à la Constitution et à la loi organique, le Conseil constitutionnel transmettra la demande de référendum d’initiative populaire au Président de la République, au Gouvernement et au Parlement.
Le nouvel article 51‑5 dispose que la date du scrutin sera fixée par décret en conseil des ministres, dans l’année qui suivra la validation de la procédure par le Conseil constitutionnel. Le Président de la République et le Gouvernement seront donc alors tenus de soumettre la proposition de loi d’initiative populaire au référendum.
Toutefois, le Chef de l’État, chargé de veiller au respect de la Constitution et aux intérêts supérieurs de la Nation par son article 5, pourra néanmoins demander au Parlement de décider qu’une proposition de loi d’initiative populaire ne soit pas soumise au référendum, dans le cas où l’adoption de ce texte – quoique conforme au bloc de constitutionnalité - serait de nature entraîner des conséquences particulièrement préjudiciables à la défense, à l’indépendance ou aux autres intérêts vitaux de la Nation.
On peut penser qu’une telle procédure ne devrait être mise en œuvre que très exceptionnellement, à l’encontre d’initiatives populaires particulièrement nocives ou hasardeuses – on songe à une proposition qui viserait à la suppression de l’armée, ou de l’énergie nucléaire : il faut néanmoins prévoir la survenue de pareille hypothèse et laisser aux institutions démocratiquement élues la possibilité d’empêcher la tenue d’un scrutin référendaire sur un texte attentatoire aux intérêts supérieurs de la Nation et ce d’autant plus que le seuil de recueil des signatures, fixé à 500 000, peut se révéler très facile à atteindre.
S’il entend mettre en œuvre cette procédure exceptionnelle, le Président de la République devra à cette fin saisir le Parlement, par un message spécialement motivé, et les deux Assemblées devront se prononcer, dans les deux mois de leur saisine, à la majorité absolue des membres les composant. L’exigence d’une décision conjointe des deux Assemblées statuant à d’une telle majorité est de nature à éviter que la procédure d’irrecevabilité soit utilisée dans le seul but de neutraliser une initiative populaire dont le seul tort serait de déplaire à la majorité au pouvoir pour des motifs de pure opportunité politique.
L’Assemblée nationale et le Sénat pourront adopter une résolution aux mêmes fins ; le Chef de l’État devra alors se prononcer dans les deux mois ; s’il l’approuve, la proposition de loi d’initiative populaire ne sera pas soumise au référendum.
Afin d’éviter que les électeurs se trouvent dans la situation de devoir approuver un texte dont les objectifs sont globalement acceptables, mais dont certaines modalités sont contestées, l’article 51‑6 nouveau prévoit que le scrutin pourra porter simultanément sur un contre-projet de loi, portant sur le même objet, que le Président de la République pourra décider de soumettre aux électeurs sur proposition du Gouvernement, de l’Assemblée nationale ou du Sénat. Dans ce cas, les électeurs pourront se prononcer :
- sur le principe même de l’adoption de l’un ou l’autre de ces deux textes ;
- si ce principe a été approuvé, sur celui des deux textes qui devra être promulgué.
Cette procédure est la seule qui respecte pleinement le choix des électeurs, qui pourront, d’abord accepter ou refuser l’objet des deux textes – et donc, en les rejetant ensemble, choisir le maintien du statu quo, et ensuite, si ce principe est adopté, choisir celui des deux textes qui recueille leur préférence.
L’article 51‑7 prévoit que les modalités d’application du nouveau titre Vbis seront fixées par une loi organique.
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