Publié le 9 juillet 2018 par : M. Warsmann, Mme Auconie, M. Becht, M. Benoit, M. Bournazel, M. Meyer Habib, M. Herth, Mme Magnier, M. Naegelen, M. Vercamer, M. Zumkeller.
L'article 33 de la Constitution est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les mesures qui sont normalement du domaine de la loi, prises par ordonnance du Président de la République en vertu des articles 38 et 13, ou décidées par les collectivités territoriales dans les conditions fixées par le titre XII, font l'objet d'un compte rendu analytique des travaux ou des débats, selon le cas, publié auJournal officiel.
« Les actes des collectivités territoriales comportant des mesures mentionnées à l'alinéa précédent sont également publiés auJournal officiel. »
La publicité des débats parlementaires, qui recouvre le droit pour le public d'assister à ces derniers et leur reproduction, constitue un des acquis les plus fondamentaux de la Révolution française et de l'instauration du régime représentatif. La délibération de la loi étant la compétence première du Parlement, les débats se rapportant à cette norme occupent une place centrale. La reproduction des débats est plus précisément née grâce à une presse écrite soucieuse d'informer les citoyens, et donc par le biais de l'initiative privée. Il faut attendre 1846 pour que soit constitué un bureau de rédaction sténographique au sein de la seule Chambre des pairs, qui entendait concurrencer les comptes rendus publiés par le journal le Moniteur, qui se focalisaient sur l'activité de la Chambre des députés. Alors que, rompant avec une longue tradition, la Constitution de 1852 – rapidement devenue celle du Second Empire – a fortement restreint la publicité des débats parlementaires (art. 42), le Journal officiel, créé en 1868 pendant le tournant libéral du régime, s'est progressivement imposé sous la IIIe République comme le support de publication des débats et autres documents parlementaires. Le principe de la publication des comptes rendus in extenso, puis des comptes rendus intégraux, des débats au Journal officiel de la République française a ensuite été constitutionnalisé sous les IVe (art. 10) et Ve (art. 33) Républiques.
En matière législative, sous la Ve République, la tendance paraît cependant être celle d'un recul de la reproduction des comptes rendus des travaux et des débats afférant à la conception de la loi, dans la mesure où les dérogations à la compétence historique du Parlement se renforcent. Ainsi, le volume des dispositions législatives adoptées par la voie des ordonnances de l'article 38 s'est accru fortement depuis les années 1990, tandis que le présent projet de loi constitutionnelle prévoit de pérenniser et de multiplier les hypothèses de dérogation au domaine de la loi en faveur des collectivités territoriales du titre XII de la Constitution. Or les motifs qui ont conduit à retenir le contenu précis des ordonnances de l'article 38 restent ignorés du public, malgré l'intervention en amont et en aval d'une loi d'habilitation et d'une loi de ratification. De même, seuls les procès-verbaux – et non les comptes rendus intégraux – des délibérations des collectivités territoriales les plus importantes doivent être consignés dans un recueil des actes de la collectivité, dont il est au mieux possible de demander la communication.
De telles situations pourraient en conséquence susciter à terme l'incompréhension des citoyens, que ce soit à l'échelle nationale, comme cela a parfois été le cas vis-à-vis du recours aux ordonnances de l'article 38, ou de ceux résidant ou transitant sur le territoire d'une collectivité et qui sont déjà ou seront concernés par l'absence d'accès aux débats pour des mesures décidées localement et pourtant intervenues dans le domaine de la loi.
Aussi, l'amendement proposé a pour objet d'apporter une réponse à ce risque d'incompréhension et de préserver l'institution biséculaire de la reproduction des comptes rendus des travaux et débats portant sur des mesures prises ou décidées dans le domaine de la loi, en prévoyant celle des « comptes rendus des travaux » relatifs aux ordonnances et celles des « comptes rendus des débats » ayant trait aux actes délibérés au sein des collectivités territoriales. Sont bien entendu exclus du champ de l'ajout proposé, les mesures prises par le Président de la République dans le domaine de la loi pendant la mise en œuvre des pleins pouvoirs de l'article 16 de la Constitution, ainsi que celles décidées dans ce même domaine par la Nouvelle-Calédonie dans le cadre du titre XIII de la Constitution. En outre, seul un compte rendu « analytique » et non « intégral » serait à ce stade demandé.
Par ailleurs, dans un souci de rigueur et de plus grande transparence vis-à-vis du public, un alinéa supplémentaire serait ajouté afin de prévoir, non plus au niveau de la seule loi organique (art. LO 1113‑3 du code général des collectivités territoriales pour l'application de l'article 72 alinéa 4 de la Constitution), mais du texte constitutionnel lui-même, que les actes des collectivités territoriales décidées dans le domaine de la loi en vertu des dérogations prévues par le projet de loi constitutionnelle, doivent être publiés au Journal officiel.
Pour ces mêmes collectivités territoriales, l'amendement suggéré s'inscrit dans la même logique, en l'étendant à celles relevant du droit commun et à la Corse, le commandement qui avait été fait au Gouvernement par la loi n° 2011‑525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit d'établir un rapport étudiant notamment « la possibilité de présentation de l'ensemble des textes législatifs applicables dans chaque collectivité d'outre-mer régie par l'article 74 de la Constitution […], dans le cadre du service public de la diffusion du droit par l'internet découlant de l'article 2 de la loi n° 2000‑321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations » (art. 15). Le rapport demandé n'a malheureusement jamais été préparé, alors qu'une telle présentation, qui aurait pu renvoyer y compris aux travaux préparatoires des textes concernés, serait d'une utilité incontestable et le sera plus encore à l'avenir en cas d'adoption des articles 15 à 17 du projet de loi constitutionnelle.
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