Publié le 6 juillet 2018 par : M. Serville, M. Chassaigne, M. Brotherson, M. Nilor, Mme Kéclard-Mondésir, M. Castellani, M. Acquaviva, M. Colombani.
I. – L’article 72‑3 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, les mots : « ,la Guyane » sont supprimés.
2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« La Guyane est régie par l’article 74‑2. »
II. – Après l’article 74‑1 de la Constitution, il est inséré un article 74‑2 ainsi rédigé :
« Art. 74‑2. – La Guyane est une collectivité territoriale à statut particulier dotée de l’autonomie.
« Ce statut tient compte des intérêts propres de la Guyane au sein de la République, eu égard à son appartenance au continent américain et au bassin amazonien et à ses identités linguistiques et culturelles.
« Il est défini par une loi organique, adoptée après avis de la collectivité de Guyane et après son approbation, par la voie du référendum, par les électeurs inscrits sur les listes électorales de Guyane. Il fixe :
« 1° Les compétences exercées par la collectivité de Guyane ;
« 2° Les matières, relevant de la loi et du règlement, relatives notamment au foncier, au statut fiscal, au développement économique et social, à l’emploi, à la santé et à l’éducation, dans lesquelles la collectivité est habilitée à définir les règles applicables, à l’exclusion des matières énumérées au quatrième alinéa de l’article 73, précisées et complétées, le cas échéant, par la loi organique ;
« 3° Les conditions dans lesquelles les dispositions législatives et réglementaires intervenant dans le domaine de compétence de l’État y sont applicables ;
« 4° Les règles d’organisation et de fonctionnement des institutions de la collectivité de Guyane et de son régime électoral ;
« 5° Les conditions dans lesquelles les institutions de la collectivité de Guyane sont consultées sur les dispositions législatives et réglementaires comportant des dispositions particulières à la collectivité ainsi que sur la ratification ou l’approbation d’engagements internationaux conclus dans les matières relevant de sa compétence ;
« 6° Les conditions dans lesquelles la collectivité de Guyane est associée aux décisions de politique étrangère la concernant et peut adhérer à des organisations internationales ;
« 7 ° Les conditions dans lesquelles certaines des compétences de l’État peuvent être déléguées à la collectivité de Guyane pour être exercées sous son contrôle, dans le respect des garanties accordées sur l’ensemble du territoire national pour l’exercice des libertés publiques. »
Cet amendement vise à doter la Guyane d’un statut sui generis reconnaissant ses particularités et son autonomie au sein de la République.
La Guyane, qui représente à elle seule 1/7 du territoire national est aujourd’hui régie par l’article 73 de la Constitution qui, en consacrant notamment le prince de l’identité législative, s’avère particulièrement inadapté aux particularités et défis auquel fait face ce territoire grand comme le Portugal et ancré dans le continent sud-américain. La réforme constitutionnelle 28 mars 2003 relative aux habilitations, complétée par celle du 23 juillet 2008, s’est révélée être une réponse incomplète et inefficace aux besoins d’adaptation de la norme aux réalités locales eu égard à la lourdeur et la complexité des procédures imposées.
Pourtant, l’idée de doter la Guyane d’un cadre reconnaissant ses particularités n’est pas nouvelle et est portée par les élus Guyanais depuis la loi de départementalisation du 19 mars 1946. Cette nécessité d’offrir à ce territoire un statut sui generis a par ailleurs été reconnu à reprises par les chefs d’État.
On pourra notamment citer :
- Le Général De Gaulle qui, lors de sa deuxième visite à Cayenne le 29 avril 1960 déclarait : « Il est conforme à la nature des choses qu’un pays qui a son caractère aussi particulier que le vôtre et qui est en somme éloigné, ait une sorte d’autonomie proportionnée aux conditions dans lesquelles il doit vivre » ;
- François Mitterand, qui, s’adressant aux français d’Outre-mer le 26 février 1993 rappelait la nécessité d’une plus forte décentralisation entre Paris et les Outre-mer ;
- Jacques Chirac qui annonçait le 19 mars 1996 à l’occasion du cinquantième anniversaire de la loi de départementalisation votée le 19 mars 1946 vouloir un « nouveau pacte » entre la métropole et les DOM, pour « passer d’une logique de rattrapage à une logique de développement », affirmant ainsi sa volonté de faire reconnaître des droits spécifiques pour les territoires d’Outre-mer. Puis le 11 mars 2000, lorsqu’il estimait que « chacune des collectivités d’Outre-mer a le droit à un statut spécial », avant d’assurer le 4 avril 2000 au Caire que « la France reconnaît par principe à ses territoires le droit à l’autodétermination ». Ce même Jacques Chirac déclarait encore, le 5 avril 2002 à Cayenne, que « (la dégradation du climat économique et social guyanais) montre que l’on a refusé de prendre en compte les particularités de lOutre-mer, les difficultés que posent son enclavement, son isolement, l’importance de l’immigration, l’étroitesse de ses marchés. (...) Les collectivités d’Outre-mer attendent qu’on prenne en compte leurs besoins. Elles veulent disposer d’un cadre juridique adapté à leurs spécificités, à leur environnement régional. Elles veulent se donner les moyens d’assurer efficacement leur développement économique, dans la fierté et dans la solidarité. Une réforme est donc nécessaire. Mais elle doit être conduite dans le respect de l’identité de chaque collectivité. »
- Et plus récemment, Emmanuel Macron qui, dans son discours du 28 octobre 2017 à la préfecture de Cayenne déclarait « Je suis prêt à rouvrir des sujets constitutionnels », faisant écho à l’objectif n° 6 du Programme pour l’Outre-mer du candidat Emmanuel Macron, intitulé « Donner d’avantage de pouvoir aux collectivités ».
Aussi, il convient aujourd’hui d’aller au delà des déclarations d’intentions et d’inscrire dans la Constitution cette nécessaire évolution institutionnelle de la Guyane, tout en y apportant des garanties démocratiques en soumettant l’adoption du nouveau statut sui generis à son approbation par les citoyens guyanais, par voie référendaire. C’est là toute l’ambition de cet amendement.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cet amendement.