Publié le 2 décembre 2021 par : Mme Jacquier-Laforge, M. Questel, Mme Sage.
I. – À titre expérimental et pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, par dérogation à l’article 16-1-1 du code civil, les opérateurs de pompes funèbres à Saint-Pierre-et-Miquelon peuvent réaliser des opérations de crémation par l’eau, dites « d’aquamation », sous condition d’assurer les mêmes garanties de respect, de dignité et de décence dans le traitement des restes des personnes décédées.
II. – Un décret précise les modalités de mise en œuvre de l’expérimentation mentionnée au I du présent article, notamment les déclinaisons réglementaires nécessaires ainsi que ses conditions d’évaluation en vue d’une éventuelle généralisation.
Le présent amendement a pour objet d’adapter le cadre réglementaire d’opération des pompes funèbres aux contraintes et spécificités du territoire insulaire de Saint-Pierre-et-Miquelon, en permettant à titre expérimental, pour une durée de trois ans, aux opérateurs en ce domaine d’inclure le procédé de la crémation par l’eau, souvent appelée « aquamation », à l’offre de services qu’ils peuvent proposer suite à un décès.
Ceci correspond à un besoin réel et spécifique sur le territoire, dont la petitesse ne permet pas à l’unique opérateur actuel de disposer de l’équipement nécessaire à la crémation classique, imposant des transports de dépouilles à l’international vers le Canada voisin, avec l’ensemble des contraintes, délais et frais que cela impose, à plus forte raison dans le contexte de restrictions accrues liées à la
pandémie Covid-19.
Outre ces enjeux spécifiques, la crémation par l’eau présente de nombreux autres intérêts pour le territoire. Sur le plan écologique, l’énergie nécessaire pour mettre en oeuvre l’hydrolyse alcaline est dix fois inférieure à l’énergie utilisée dans le cadre de l’incinération. En effet, la crémation émet 160 kg de CO2, 92 m3 de gaz naturel et implique la consommation de 29 kwh d’électricité.
L’aquamation n’émet ni CO2, ni gaz naturel et ne nécessite qu’une consommation de 9 kwh d’électricité. Le bilan environnemental de cette méthode est dès lors positif. Son adoption permettrait de contribuer à lutter contre le réchauffement climatique.
Sur le plan sanitaire, l’aquamation a pour bénéfice de permettre la neutralisation des bactéries, virus et maladies dont le corps du défunt pourrait être porteur. En outre, l’aquamation ne nécessite pas une inhumation qui se ferait aux dépens de terrains cultivables et qui provoquerait in fine la pollution des nappes phréatiques par la cadavérine, la putrescine et les résidus médicamenteux des corps. Les eaux usées rejetées sont neutralisées et sont exemptes d’éléments toxiques.
Le caractère peu encombrant du matériel nécessaire à l’aquamation revêt plusieurs avantages. Dans les territoires enclavés tel que Saint-Pierre-et-Miquelon, ce dispositif permettrait à l’Archipel de ne pas dépendre du Canada pour l’inhumation des défunts. L’aquamation facilite et accélère les inhumations dans les territoires enclavés.
Sur le plan éthique, le Conseil national des opérations funéraires (CNOF) estime que l’aquamation ne pose pas de problème éthique. En effet, ce mode de sépulture doit être mis en parallèle avec la crémation. Il paraît d’ailleurs intéressant de noter que l’aquamation est qualifiée par les professionnels du CNOF de « crémation par l’eau ».
En effet, la crémation implique de placer le corps du défunt dans un crématorium. La partie organique du corps y est incinérée puis disparaît dans l’atmosphère. Il ne reste alors plus que la partie minérale des os du défunt, conservable dans une urne. L’aquamation adopte un procédé similaire. La partie organique du corps est dissoute dans un appareil basique et disparaît avec la solution aqueuse, plutôt que d’être rejetée dans l’atmosphère. Il ne reste alors plus que la partie minérale des os du défunt, tout comme à l’issue du processus de crémation.
La France ne serait pas le seul État à considérer la pratique de l’aquamation comme compatible avec des considérations d’ordre éthique. À l’heure actuelle, l’aquamation, en tant que pratique funéraire pour les êtres humains, est ainsi autorisée en Australie, au Canada et dans une quinzaine d’états aux États-Unis. Cette pratique est actuellement en discussion en Angleterre et aux Pays-Bas.
Sur le plan économique, l’aquamation ne nécessite pas d’infrastructures aussi conséquentes que la crémation, elle est donc de facto moins coûteuse qu’une crémation classique.
Une étude réalisée par l’acteur des pompes funèbres de Saint-Pierre-et-Miquelon estime que les familles faisant le choix de ce procédé réaliseraient une économie de 35 % par rapport au choix de la crémation. Le seuil de rentabilité annuel de ce dispositif serait atteint à partir de dix aquamations par an.
L’adoption de l’amendement appelle nécessairement une déclinaison réglementaire, dont notamment la modification de l’article R2213‑15 du code général des collectivités territoriales qui dispose : « Avant son inhumation ou sa crémation, le corps d’une personne décédée est mis en bière ». En effet, le procédé d’aquamation n’est pas compatible avec une mise en bière traditionnelle, pour des considérations techniques.
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