Publié le 31 mai 2018 par : Mme Taurine, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin.
La section III du chapitre II du titre Ier de la première partie du livre premier du code général des impôts est complétée par un article 217octodecies ainsi rédigé :
« I. –Art. 217 octodecies. – Lorsque les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés au titre de l'article 209 du code général des impôts :
« – sont manifestement disproportionnés avec l'activité réelle de l'entreprise sur le territoire français, le nombre de ses clients ou de ses utilisateurs en France, le nombre de transactions réalisées en France, son chiffre d'affaires réalisé en France,
« – et qu'il existe un doute raisonnable que l'entreprise utilise sciemment une entreprise établie hors de France ou une entité juridique avec qui elle entretient des relations commerciales substantielles ou dont elle détient une partie des actions, parts, droits financiers ou droits de vote, ceci constituant de fait une prise de contrôle ou une influence déterminante sur le fonctionnement de l'entreprise ou de l'entité concernée, et ce pour la seule finalité constatée de soustraire des bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés,
« l'administration en charge du recouvrement de cet impôt peut notamment utiliser un ou plusieurs des éléments suivants pour calculer les bénéfices réels estimatifs passibles de l'impôt sur les sociétés et le montant de l'impôt dû au titre des articles 206 et suivants du même code :
« a) Le nombre de ses clients en France ;
« b) Le nombre de ses utilisateurs en France ;
« c) Le nombre de transactions qu'elle a réalisé en France ;
« d) Son chiffre d'affaires et ses bénéfices réalisés en France, et notamment leur ratio ;
« e) Son chiffre d'affaires et ses bénéfices réalisés hors de France, et notamment leur ratio.
« II. – L'administration en charge du recouvrement de l'impôt sur les sociétés notifie alors à l'entreprise le montant de l'impôt sur les sociétés dont elle est redevable selon son calcul, ainsi que les éléments qui fondent le doute raisonnable mentionné au premier alinéa. L'entreprise dispose alors d'un délai de deux mois pour prouver que ses relations avec une entreprise établie hors de France ou une entité juridique mentionnée au I n'ont pas principalement un objet et un effet autre que de minorer son impôt sur les sociétés en France. »
Cet amendement propose de lutter contre les pratiques d'évasion fiscale des plateformes numériques comme Airbnb. La fraude et l'évasion fiscales représentent 60 à 80 milliards d'euros de manque à gagner chaque année pour l'État français. C'est un montant équivalent au déficit public au nom duquel des coupes sont effectuées dans les budgets sociaux comme par exemple l'économie imposée aux organismes HLM.
Ainsi, alors que plus de 4 millions de français utilisent les services d'Airbnb par an, cette entreprise n'a déclaré en 2015 que 166 373 euros de bénéfices imposables et payé un impôt sur les sociétés de 69 168 euros. La multinationale réalise cette belle opération sur le dos de l'État français grâce à des montages avec ses filiales irlandaises et britanniques.
Cet amendement propose de réarmer l'État français face aux pratiques agressives des multinationales du numérique. Il s'inspire d'une proposition de l'économiste Gabriel Zucman qui affirme que les États, s'ils en ont la volonté politique, peuvent lutter contre l'évasion fiscale des grandes entreprises. Il propose que les services fiscaux puissent se baser sur des éléments permettant de définir l'établissement réel d'une entreprise en France et ainsi d'estimer sa rentabilité réelle dans notre pays. Il neutralise ainsi les tricheurs. Gabriel Zucman déclarait par exemple dans Le Monde en novembre 2017 : “il faut changer la façon dont on impose les profits des sociétés multinationales. Pour cela, il faut modifier la façon dont on calcule l'assiette fiscale en France. Prenez l'exemple d'Apple : si cette entreprise fait 100 milliards d'euros de profits au niveau mondial et réalise 10 % de ses ventes en France, alors on pourrait dire que 10 % de ces profits mondiaux sont taxables dans l'Hexagone. On appliquerait alors sur cette base le taux d'imposition français. Cette façon de faire mettrait un terme à l'optimisation fiscale des multinationales, parce qu'Apple ne peut pas envoyer ses clients aux Bermudes. Dans ce système, on continue à taxer les profits, simplement, on change la façon dont les profits sont alloués dans les différents pays où les grands groupes mondiaux opèrent.”
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