J'essaie de me mettre dans la situation de la commission d'appels d'offres, de celui qui écrit le marché public et de celui qui va l'attribuer et le juger. Je souscris pleinement à la philosophie d'une prise en considération des critères climatiques et environnementaux, mais s'il est relativement facile de démontrer, face à un critère de prix, quelle entreprise est la moins chère, il sera moins facile de juger, à partir d'éléments déclaratifs, puis vérifier ensuite ce qu'il en est sur le terrain.
Si, par exemple, on attribue à un maçon la construction d'un mur, d'où vient le ciment ? Peut-être de la cimenterie du Havre – je vais parler de chez moi. Auparavant, le ciment arrivait à la cimenterie du Havre sur un tapis roulant depuis la carrière qui se situait tout à côté. Mais aujourd'hui, le ciment de la cimenterie du Havre – une cimenterie Lafarge, tout de même ! – arrive du Maroc, d'Espagne, du Portugal, où le clinker a été chauffé. Il débarque à Honfleur et est ensuite embarqué sur des camions qui franchissent le pont de Normandie pour arriver à la cimenterie, où il est broyé.
On pourrait croire qu'acheter son ciment à la cimenterie du Havre est écologiquement vertueux, mais quand on gratte le vernis, on découvre qu'il s'agit en réalité d'une absurdité écologique ! Vous pouvez aller vérifier. Nous sommes juste à côté, donc nous le savons, mais quelqu'un qui vit à 90 ou 100 kilomètres ne connaît pas forcément cette histoire, et achètera son ciment en se disant qu'il est produit localement et que ce n'est donc pas mauvais pour l'écologie et le climat.
Vous dites qu'il faut faire attention à ce que les marchés ne soient pas cassés par des recours sur les critères environnementaux. Mais, en l'occurrence, dans le cas que je viens de vous exposer, l'entreprise concurrente, qui connaît le sujet, dénoncera la tricherie : comment gérerez-vous alors la situation ? La philosophie est bonne, mais les élus – les maires notamment – qui vont attribuer les marchés ont besoin d'outils pour être en mesure de l'appliquer, car pour l'instant, il n'y en a pas suffisamment. Voilà ce dont nous avons besoin que vous décidiez par voie réglementaire.