Intervention de Jean-Michel Clément

Réunion du mercredi 28 octobre 2020 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Clément :

Merci pour ce rapport fort instructif. Hors dépenses de personnel, les crédits budgétaires du ministère consacrés à l'aide publique au développement progressent de 34 millions d'euros, soit une hausse de 17 %. Cette trajectoire nous permettra de nous rapprocher des 0,55 % du revenu national brut consacré à cette dépense d'ici 2022, pour autant que cet objectif soit maintenu, alors que la perspective d'un nouveau confinement exercera une pression énorme à la baisse sur les finances de l'État.

Tandis qu'en 2015 nous étions à 0,37 % du RNB, nous sommes montés à 0,44 % en 2019, ce qui place la France au neuvième rang des pays donateurs. Selon les estimations, ce ratio devrait logiquement augmenter cette année. Elle s'explique par l'augmentation en volume des crédits, mais aussi par des abandons de créances sur des pays africains, et mécaniquement par la contraction de notre propre richesse nationale en raison de la crise économique liée à la pandémie de la Covid-19. Lors de sa dernière audition devant notre commission, le ministre de l'Europe et de affaires étrangères a indiqué qu'il ne se satisferait pas d'une simple hausse mécanique de ce pourcentage, si elle résultait d'une baisse de notre propre richesse. Son objectif est d'atteindre 0,55 % en 2022 sur la base du PIB français tel qu'il était prévisible en 2019 et tel qu'il était envisagé pour 2022 dans le cadre de la reprise.

Nous saluons bien évidemment cette démarche, mais au-delà de l'objectif de 0,55 % du RNB pour 2022, nous devons absolument continuer à tendre vers les 0,70 %. Pour cela, nous attendons avec impatience l'examen, sans-cesse repoussé, du projet de loi de programmation relative à la politique de développement et à la lutte contre les inégalités mondiales, dans lequel nous défendrons, à l'instar de ce qui est fait au Royaume-Uni, l'inscription de cet engagement des 0,70 % dans la loi, pour que cela devienne une obligation légale à laquelle on ne pourrait déroger.

Pour expliquer cette méthode de comptage en proportion du RNB, Jean-Yves Le Drian disait d'ailleurs que ce n'était pas lui qui fixait les règles, mais l'OCDE. Ce rôle prépondérant de l'OCDE est remis en question notamment par le porte-parole d'Oxfam, qui appelle à « décoloniser l'aide ». Ainsi, il rappelle que les règles autour de l'aide publique au développement sont discutées, négociées et mises en œuvre au niveau de ces pays riches. En outre, elles le seraient trop souvent en fonction de leurs intérêts nationaux. Il estime que ce processus aurait plus de légitimité s'il avait lieu au niveau d'un système comme les Nations unies, où les pays récipiendaires de l'aide pourraient s'exprimer aux côtés des sociétés civiles du Sud. C'est une position qui mérite réflexion, notamment quand l'on sait qu'en 2016, les donateurs de l'OCDE auraient consacré en moyenne 51 % des fonds à des entreprises originaires de leurs pays.

Si les crédits de la mission « APD » augmentent, nous estimons que l'accompagnement des initiatives de la coopération décentralisée ne reçoit pas le soutien financier suffisant. Ils sont stabilisés à hauteur de 11,5 millions d'euros, alors que le pilotage de terrain, qui se fait entre acteurs locaux pour des projets plus microéconomiques, permet d'obtenir des résultats parfois plus pérennes, grâce aux contacts humains rapprochés entre donataires et récipiendaires. L'aide publique au développement et devenue encore plus cruciale dans un contexte où les pays les plus pauvres sont étranglés par la dette et sombrent dans la crise. L'Afrique subsaharienne, mise à l'épreuve par la pandémie de la Covid-19, devrait avoir besoin, d'ici à 2033, de 750 milliards d'euros de financements extérieurs, soit 55 % du PIB de la région, selon le FMI.

Tout en saluant le moratoire mis en place en avril par le G20 et la décision récente de le prolonger jusqu'en juin 2021, pour laquelle la France a joué un rôle déterminant dans le cadre du Club de Paris, le même FMI estime que « des actions plus audacieuses sont nécessaires », que ce soit en réduisant les intérêts de la dette ou en rééchelonnant les échéances. De l'audace, c'est sans doute ce qui manque encore un peu à ce budget. Néanmoins, nous voterons pour, car comme le disait Pline le Jeune : « L'audace croit à l'expérience ».

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