Intervention de Jean François Mbaye

Réunion du mercredi 25 novembre 2020 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean François Mbaye, rapporteur :

De nombreux sujets ont été abordés.

Marion Lenne, les perspectives seront celles tracées par la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest. Le Ghana, qui vient d'en prendre la présidence, a fait de la monnaie sa priorité. En adoptant l'ECO, l'UEMOA serait susceptible d'attirer dans son orbite d'autres membres de la CEDEAO, comme le Liberia ou la Guinée. À la suite des débats qui se sont tenus principalement en Afrique de l'Ouest, les autorités ont fait part de leur souhait de voir évoluer le fonctionnement même de la coopération monétaire avec la France, dans l'objectif de parvenir à un ensemble de réformes visant à moderniser l'UMOA mais aussi à faciliter son extension. C'est la raison pour laquelle je dis que ces perspectives seront celles tracées par la CEDEAO elle-même.

Pour répondre à Rodrigue Kokouendo, la garantie aura un impact si elle est appelée. Les crédits éventuellement ouverts seront des dépenses budgétaires classiques et, à ce stade, le compte de concours financiers sur lequel s'ouvriraient ces crédits existe mais n'est pas alimenté. Vous le savez, d'un point de vue strictement budgétaire, la garantie de convertibilité de la monnaie de l'UMOA est assurée par le programme budgétaire 811 « Relations avec l'Union monétaire ouest-africaine » du compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux ». Ce compte concerne également, je le précise, les zones d'Afrique centrale et les Comores qui sont les autres partenaires d'accords monétaires avec la France. Je le répète : il est actuellement doté de crédits évaluatifs fixés à zéro euro.

S'agissant de la question de Sébastien Nadot sur l'État de droit, la démocratie et la souveraineté monétaire, aujourd'hui, l'intérêt pour les populations est la construction d'un espace économique et humain intégré. Elles auront ainsi profondément conscience d'appartenir à un ensemble monétaire et économique.

La question de Mireille Clapot est extrêmement technique. La présidente m'ayant invité à faire des réponses concises, nous pourrons en reparler. Je me bornerai à dire qu'à ce stade, cette monnaie se comportera comme le franc CFA, exactement de la même manière. La seule chose que peut faire la France est d'apporter sa garantie.

Jean-Louis Bourlanges et Frédérique Dumas m'ont posé deux questions qui allaient dans le même sens. En effet, la refonte de cet accord monétaire qui date de 1973 n'est pas révolutionnaire mais ce n'est pas la fin de l'histoire, je pense avoir été très clair à ce sujet, et l'on est en droit d'avoir une vision. J'ai essayé de la tracer dans le rapport.

Pour répondre à Jean-Louis Bourlanges et Frédérique Dumas, l'autre système apporterait certes un régime de change plus en phase avec la réalité économique africaine, mais présenterait également un fort risque d'inflation. Il convient de garder à l'esprit que, la CEDEAO – avec des pays comme le Ghana et le Nigeria – et la zone UMOA – avec des pays comme le Sénégal ou la Côte d'Ivoire – présentent deux économies différentes. Même si l'économie ivoirienne peut à certains égards revêtir le caractère d'une économie exportatrice, je le concède, ces deux économies n'ont fondamentalement, pas le même mode de fonctionnement. Vous avez, d'un côté, une économie exportatrice – vous l'avez vu avec le Ghana et j'ai rappelé le poids du Nigeria ; de l'autre, une économie importatrice, l'importation étant à ce jour le principal moteur de l'économie de la zone UEMOA. Créer une monnaie unique reposant sur une intégration régionale avec une zone CEDEAO, revient, pour user d'une métaphore, à se trouver dans le même lit qu'un éléphant, qui s'appelle le Nigeria ; qu'il se retourne et vous vous retrouverez en bien mauvaise position ! Il faut en être conscient, car c'est la réalité. Vous comprendrez qu'il n'appartient pas à votre rapporteur de trancher cette question ni d'affirmer la nécessité de tendre vers cette intégration régionale. C'est un choix politique, et la France ne pourra pas garantir la monnaie de la CEDEAO dans son ensemble. Mais il n'y a pas vraiment de débat à ce sujet – en tout cas, pas à mon niveau.

Jacques Maire, lors de mon déplacement au Sénégal, j'ai voulu rencontrer des interlocuteurs, dont ceux de la BCEAO dont l'absence de réponse m'a frappé. Lorsque j'ai voulu rencontrer aussi les représentants des parlements, je n'ai pu que constater l'absence de réflexion. Vous avez relevé, à juste titre, – et je m'associe complètement à votre propos puisque c'est une demande que j'ai formulée moi-même avec insistance auprès de mes interlocuteurs – que le Comité interparlementaire de la zone UMOA doit se saisir de cette question ! Encore faudrait-il qu'il réponde… Encore faudrait-il également que la BCEAO réponde sur un sujet aussi central. Je l'ai dit précédemment, j'ai l'impression que cette question de la monnaie n'est traitée qu'entre chefs d'États et que les parlements africains s'en désintéressent. Mais il revient aux parlements de faire le nécessaire. Je suis tout à fait d'accord avec Jacques Maire qui propose que le CIP UMOA se saisisse de la question – encore faudrait‑il qu'il réponde.

Il n'y a pas vraiment de débats entre la CEDEAO et la CEMAC. J'ai émis pour ma part la proposition de dépasser cette frontière, en posant la question de l'importance du Nigeria dans la zone. Cela m'amène à la question soulevée par M. Dupont-Aignan. Le Nigeria est une contrainte, sauf dans une zone plus large incluant également le Cameroun et le Tchad. Reste, pour le moment, la crainte du Sénégal.

Ce que nous apportons est véritablement une garantie budgétaire. Le dialogue est constant entre la BCEAO et le Trésor public français. Pour être totalement franc, le fait de sortir de l'instance monétaire politique de la zone UMOA et le fait de dire que la garantie de la France serait appelée, que la France enverrait un garant si jamais cette garantie était appelée, est assorti, dans le projet d'accord, de la nomination d'une personnalité qui serait choisie tout à la fois par les États membres et par la France. Mais je suis d'accord avec Nicolas Dupont‑Aignan, cela ne figurera pas précisément dans la convention de garantie ; quant à la parité, j'en suis d'accord également, elle est trop forte pour favoriser la production. Je l'ai d'ailleurs mentionné dans le rapport et, pour vous livrer un avis personnel, je pense que la BCEAO est encore bien trop conservatrice sur ce point.

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