Il m'appartient de vous présenter deux accords concernant le transport routier international. Le premier, conclu avec l'Ouzbékistan et signé le 9 octobre 2018, porte sur le transport de voyageurs et de marchandises. Le second, signé le 14 février 2019, a été conclu avec la Tunisie et ne porte que sur le transport de personnes.
Nos échanges sont aussi l'occasion de dresser un état des lieux de nos relations avec ces États, amis et partenaires de la France. C'est pourquoi, dans un premier temps, je ferai le point sur leur situation politique et géopolitique et sur l'état de nos coopérations. Je vous présenterai ensuite brièvement le contenu des accords. Enfin, j'indiquerai les raisons qui, à mon sens, doivent nous conduire à les approuver.
Depuis la mort du président Karimov en septembre 2016 et l'arrivée au pouvoir de l'ancien Premier ministre Chavkat Mirziyoïev, l'Ouzbékistan a connu une évolution remarquable. Longtemps replié sur lui-même, le pays s'est ouvert et a mis en œuvre, en quatre ans, plus de réformes qu'au cours des vingt-cinq années précédentes.
En matière économique, la réforme fiscale, l'amélioration des outils statistiques, la réorganisation des ministères et la simplification des procédures administratives ont contribué à un remarquable essor. Dans un contexte marqué par le fort ralentissement mondial de l'économie lié à la pandémie de covid-19, l'Ouzbékistan, dont l'économie repose essentiellement sur l'exploitation du gaz, l'extraction de métaux et la culture du coton, est l'un des rares pays à avoir réussi à maintenir un taux de croissance positif. Par ailleurs, l'Ouzbékistan devrait rejoindre prochainement l'Organisation mondiale du commerce.
Sur le plan de l'état de droit, des progrès importants ont été accomplis, comme l'abolition du travail forcé dans les champs de coton, la libération des prisonniers politiques, l'éradication du travail des enfants et les garanties apportées en matière de liberté de la presse. Cela ne signifie pas que tout est parfait mais il convient de saluer ces avancées majeures, effectuées en seulement quelques années.
Sur le plan géopolitique, l'Ouzbékistan a mis fin aux contentieux avec ses voisins et a su tisser de bonnes relations avec de nombreux États. Il a ainsi achevé la démarcation des frontières héritées de l'URSS avec le Tadjikistan et le Kirghizstan. Il entretient de bonnes relations avec la Chine et la Russie tout en préservant son autonomie vis-à-vis d'elles. Il n'a pas cédé aux pressions insistantes de la Russie qui voudrait le voir rejoindre l'Organisation du traité de sécurité collective. À l'égard de l'Afghanistan, Tachkent conduit une politique pragmatique, visant à assurer la sécurité aux frontières tout en poursuivant le dialogue avec son voisin. Avec l'Union européenne, les autorités ouzbèkes négocient un accord de partenariat et de coopération renforcé, qui devrait prochainement voir le jour.
Cette politique d'ouverture et d'équilibre est un impératif pour l'Ouzbékistan, car il est, avec le Liechtenstein, le seul pays doublement enclavé au monde. Depuis l'Ouzbékistan, il faut traverser deux pays pour atteindre une mer non fermée.
La France a su parier sur l'ouverture et le dynamisme de cet État d'Asie centrale, avec lequel les échanges sont en forte augmentation depuis 2017. L'année 2019 a ainsi été marquée par une hausse exceptionnelle de notre excédent commercial, qui s'est établi à 123 millions d'euros. Le dialogue politique a également été soutenu, à l'échelon des chefs d'État comme à celui des ministres. Le président Mirziyoïev s'est rendu en visite officielle à Paris en 2018 et il reviendra à l'automne 2022, notamment pour inaugurer une exposition au Louvre consacrée aux « routes de la soie » ouzbèkes.
L'Ouzbékistan, que je ne connaissais jusque-là que par l'intermédiaire des cartes, est un pays qui mérite très certainement davantage qu'un simple intérêt diplomatique.
La situation de la Tunisie est évidemment très différente. Les liens qui nous unissent à ce pays sont beaucoup plus anciens. Nous partageons avec lui une proximité géographique, culturelle et linguistique, le français étant reconnu en Tunisie comme « langue étrangère à statut privilégié » et enseigné pendant tout le parcours scolaire.
Ces liens étroits d'amitié nous font suivre attentivement l'évolution de la Tunisie, dont l'actualité politique est frappée au coin de l'incertitude. Comme vous le savez, la République tunisienne est présidée par Kaïs Saïed depuis le 23 octobre 2019. Les élections législatives avaient eu lieu le 6 octobre, et le parti islamiste Ennahda était alors arrivé en tête avec une majorité relative de 52 sièges sur 217. Pour sortir d'une situation de blocage, le président Saïed a activé, le 25 juillet 2021, l'article 80 de la Constitution qui lui confère des pouvoirs élargis. Il a, dans le même temps, suspendu le Parlement et limogé le Premier ministre Hichem Mechichi avec qui il était entré en conflit. Il a publié, par la suite, un décret prévoyant des mesures exceptionnelles en vue de réorganiser les pouvoirs exécutif et législatif. Il a nommé, le 11 octobre 2021, Najla Bouden Romdhane comme cheffe du gouvernement – il s'agit de la première femme nommée à un tel poste dans le monde arabe.
Dans une allocution prononcée le 13 décembre 2021, le président Saïed a donné des indications concernant le calendrier d'adoption d'une future architecture institutionnelle pour le pays, à savoir l'organisation d'un référendum constitutionnel le 25 juillet et d'élections législatives le 17 décembre. Le président Saïed vient aussi d'annoncer la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature, organe de supervision judiciaire qu'il a accusé de partialité, suscitant à la fois des inquiétudes et un soutien de la rue. Il faut souhaiter que le calendrier annoncé soit tenu et que les scrutins se déroulent paisiblement. Dans le plein respect de la souveraineté du peuple tunisien, les autorités françaises ont souligné leur attachement à l'acquis démocratique et aux droits et libertés fondamentales, pour lesquels les Tunisiens se sont si fortement engagés depuis 2011.
Sur le plan économique, la Tunisie a été particulièrement fragilisée par la crise du covid-19. Son produit intérieur brut (PIB) a, en effet, diminué de plus de 8 % en 2020. Les principaux secteurs d'activité ont été profondément touchés par les effets conjugués du confinement et de la contraction de la demande européenne. Le secteur du tourisme, qui représente selon les années entre 7 % et 14 % du PIB, a particulièrement souffert, et le chômage s'est accru. Cette situation alimente les crispations sociales : la vie quotidienne de beaucoup de Tunisiens devient de plus en plus difficile. La popularité du président Saïed, très élevée il y a encore peu de temps, tend à s'effriter.
Il importe, dans ce contexte, que la France demeure aux côtés de la Tunisie, avec qui elle entretient tant de liens. Rappelons que la France est le premier partenaire commercial de la Tunisie et le principal investisseur étranger dans ce pays : 1 413 entreprises françaises y emploient plus de 140 000 personnes. L'Agence française de développement y est également très active. La France a apporté une aide toute particulière à la Tunisie dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de covid 19, notamment par la livraison de plus d'un million de doses de vaccins au mois de juillet 2021. Ces liens impliquent pour nous le devoir de maintenir une coopération et un dialogue politique intenses.
L'Ouzbékistan et la Tunisie sont des pays très différents, mais tous deux amis et partenaires, avec qui la France a conclu, en 2018 et 2019, des accords en matière de transport routier. Ces accords sont tout à fait classiques et ne posent pas, me semble-t-il, de difficultés particulières.
Les opérations de transport routier international, qu'il s'agisse de marchandises ou de voyageurs, nécessitent un encadrement juridique, faute de quoi elles ne peuvent avoir lieu. Il est indispensable de régler certaines questions qui peuvent avoir trait au nombre d'opérations autorisées, aux routes empruntées, aux permis de conduire requis, aux certificats d'immatriculation, aux partenariats à conclure entre transporteurs de l'un et de l'autre pays, aux formalités douanières ou encore au règlement des différends. Les relations avec certains États sont couvertes par le droit de l'Union européenne. Lorsque ce n'est pas le cas, la France doit conclure des accords bilatéraux, comme elle l'a déjà fait avec le Brésil, l'Algérie, le Maroc, l'Iran, la Russie, l'Ukraine, la Géorgie ou le Kazakhstan.
Tel est l'objet des accords dont il nous est demandé d'autoriser l'approbation. Celui avec l'Ouzbékistan porte sur le transport de marchandises et de voyageurs. Celui avec la Tunisie n'a trait qu'au transport de personnes car un précédent accord, datant de 1983, est déjà en vigueur en ce qui concerne le transport routier de marchandises.
Les deux textes qui nous sont soumis ont été négociés à la demande de la Tunisie et de l'Ouzbékistan. Leur négociation n'a pas rencontré de difficultés particulières. Chacun d'eux prévoit la mise en place d'une commission mixte, chargée de veiller à sa bonne application et de résoudre les différends éventuels. L'accord signé avec l'Ouzbékistan a déjà été ratifié par les autorités ouzbèkes. Tel n'est pas le cas de celui conclu avec la Tunisie, compte tenu du gel des travaux de l'Assemblée des représentants du peuple.
Ces accords posent un cadre juridique indispensable aux échanges routiers. Ils ne seront pas nécessairement utilisés dans l'immédiat : on peut supposer, notamment, que les flux de transport routier de voyageurs avec l'Ouzbékistan resteront modestes, voire inexistants. Le transport de marchandises pourrait, en revanche, se développer à moyen terme, même pour des volumes limités.
Quoi qu'il en soit, ces deux accords contribueront à renforcer, avec l'un comme avec l'autre de nos partenaires, nos liens et nos échanges. La Tunisie et l'Ouzbékistan, qui avaient sollicité les négociations, voient dans ces accords un moyen de soutenir leur stratégie de développement et de partenariats. La France, de son côté, y voit un moyen de conforter des relations politiques bilatérales de qualité et, s'agissant de la Tunisie, de compléter un accord en vigueur en matière de marchandises dont les entreprises françaises bénéficient déjà.
Propices à la coopération et au développement des échanges, ces accords apparaissent les bienvenus. Je vous invite, par conséquent, à adopter le projet de loi qui autorise leur approbation.