Nous continuons notre cycle géostratégique et notre tour du monde, en nous intéressant aujourd'hui à la zone sur laquelle se concentrent traditionnellement les tensions internationales, et qui aujourd'hui encore est au cœur de l'actualité, c'est-à-dire le Proche-Orient. La chute de Baghouz en mars 2019 avait suscité beaucoup d'espoir en marquant la fin du califat territorial de Daech, mais cette défaite territoriale n'a pas été synonyme d'éradication des réseaux terroristes. La ministre Florence Parly l'a déclaré devant nous la semaine dernière : « si Daech est sans territoire, Daech n'est pas sans existence ». La situation est devenue encore plus complexe ces dernières semaines avec divers évènements qui sont venus contrarier la mobilisation contre le terrorisme. Ce fut d'abord l'attaque lancée par les Turcs contre la frontière turco-syrienne qui a déstabilisé le Nord-Est, contrôlé par les forces démocratiques syriennes, dont chacun reconnaît la part importante qu'ils ont prise dans la lutte contre Daech. Ce fut ensuite l'accroissement des tensions entre l'Iran et les États-Unis, qui a conduit à une escalade militaire sur le sol irakien, avec notamment des attaques dirigées contre l'ambassade des États-Unis à Bagdad, auxquelles a répondu l'élimination du général Qassem Soleimani par les États-Unis, qui elle-même a été suivie par des frappes iraniennes contre les bases américaines. Aujourd'hui, nous assistons à ce que le ministre Jean-Yves Le Drian a appelé une interruption de l'escalade, mais la destruction par erreur de l'avion d' Ukraine International Airlines illustre la volatilité extrême de la situation actuelle. Les inquiétudes sont encore renforcées par la résolution adoptée par le Parlement irakien, appelant au retrait des forces étrangères du territoire national, qui fait peser des incertitudes sur les moyens pouvant être conservés par la coalition dans la lutte contre le terrorisme. S'ajoutent à ces incertitudes le désengagement progressif de l'Iran de l'accord de Vienne, suite à la décision des États-Unis de se retirer de cet accord, et surtout, l'instauration de sanctions contre ceux continuant à commercer avec l'Iran.
Cette politique de sanction a plongé l'Iran dans une récession économique. Vous nous direz s'il est encore possible de sauver cet accord de Vienne et si la perspective d'une acquisition rapide par l'Iran de l'arme nucléaire doit être prise au sérieux. Face à la multiplication de ces menaces et de ces dangers, la France continue pour sa part de faire entendre sa voix, en adoptant une posture d'équilibre et en soutenant des initiatives pour apaiser les tensions. C'est notamment l'objet de la mission de surveillance maritime européenne dans le détroit d'Ormuz, à laquelle huit pays européens ont apporté leur soutien. J'étais d'ailleurs moi-même à la fin de l'année sur la première frégate française à y participer : la frégate Courbet. Pour nous aider à décrypter cette situation, nous avons le plaisir de recevoir trois experts, M. Pierre Razoux, directeur de recherche à l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire, qui nous dressera un tableau général de la conflictualité dans la région, avec un focus particulier sur l'Iran. Je précise également que M. Razoux est l'auteur d'un jeu de stratégie, « Fitna », qui a rencontré un grand succès à la Fabrique Défense, et qui permet de se familiariser avec les enjeux de la région. Notre deuxième invité est M. Pierre-Jean Luizard, directeur de recherche au CNRS, qui traitera plus particulièrement de l'Irak et du Liban. Notre troisième intervenant est M. Fabrice Balanche, maître de conférences à l'Université Lyon II, qui est revenu directement hier d'une mission au Moyen-Orient, et qui nous parlera plus spécifiquement de la Syrie.