Intervention de Françoise Dumas

Réunion du mercredi 12 février 2020 à 9h40
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançoise Dumas, présidente :

Nous avons reçu la semaine dernière M. Denis Robin, secrétaire général de la mer, et M. le vice-amiral d'escadre Jean-Louis Lozier, préfet maritime de l'Atlantique qui, outre les modalités de l'action en mer, nous ont expliqué les enjeux de sûreté et de sécurité dans la zone maritime atlantique.

Nous nous concentrons aujourd'hui sur notre façade maritime méridionale en recevant M. le vice-amiral d'escadre Laurent Isnard, préfet maritime de la Méditerranée.

Amiral, je vous remercie d'être parmi nous. Fernand Braudel décrivait la Méditerranée comme « mille choses à la fois, non pas un paysage, mais d'innombrables paysages, non pas une mer mais une succession de mers, non pas une civilisation mais des civilisations entassées les unes sur les autres ». J'ajouterai l'extraordinaire biodiversité de cette région, puisqu'environ 17 000 espèces marines y ont été recensées.

Mais cette zone n'est pas seulement riche d'un point de vue naturel et culturel : elle est également riche d'enjeux. La Méditerranée est massivement empruntée par les réfugiés et les migrants venus d'Afrique et du Moyen-Orient, en particulier depuis ce qu'il est convenu d'appeler la crise migratoire de 2014. Le trafic dont ils sont victimes n'est, hélas ! pas le seul qui sévit dans la zone : de grandes quantités de stupéfiants et d'armes y transitent également par voie maritime.

De plus, la Méditerranée constitue un point de passage essentiel des routes maritimes mondiales en donnant accès au canal de Suez : si elle ne représente que 1 % de la surface maritime mondiale, elle voit passer 25 % du transport maritime, dont 30 % du transport pétrolier.

Outre son importante économique et stratégique, cette densité des échanges revêt d'importants enjeux environnementaux et de sécurité maritime, comme nous l'ont rappelé la collision, en octobre 2018, de deux navires, un chypriote et un tunisien, au large du Cap Corse et l'échouement du cargo Rhodanus, en octobre dernier, près de Bonifacio.

Le risque industriel est également présent sur nos côtes, notamment en raison de la présence du dépôt pétrolier de Marseille-Fos.

N'oublions pas non plus l'importance de la régulation des pêches, dont témoignent notamment les discussions sur les quotas de thon rouge.

Cette zone est également le lieu de nombreuses manœuvres d'affirmation de puissance de la part de certains pays, en particulier la Russie et la Chine, et devient ainsi le théâtre de rivalités de plus en plus intenses. La Turquie a également tendance à s'affirmer de façon parfois brutale ou du moins dans une posture de rivalité. Les manœuvres d'intimidation entreprises par la marine turque contre des navires de prospection gazière étrangère au large de Chypre, y compris dans les zones concédées par le gouvernement chypriote à Total, en sont une première illustration.

Cependant l'exemple le plus significatif des revendications excessives de la Turquie en Méditerranée est l'accord sur la zone économique exclusive libyenne conclu le 27 novembre 2019 entre le gouvernement turc et le gouvernement libyen de M. Fayez el-Sarraj. Ce texte entend établir une continuité entre les espaces maritimes turc et libyen, qui n'existent pas en droit international et viole ainsi la souveraineté de pas moins États tiers, à savoir Chypre, la Grèce et l'Égypte.

La France, grande puissance méditerranéenne, doit donc plus que jamais défendre ses intérêts dans cet espace maritime. Cela commence par la protection des sites de la marine nationale sur cette façade, en particulier la base navale de Toulon.

Enfin, n'oublions pas la menace majeure que constitue le terrorisme maritime dans cette zone.

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