La situation sanitaire régionale comme nationale tendant aujourd'hui à s'améliorer, il est donc temps pour nous de dresser un « bilan d'étape » de l'opération « Résilience » et de réfléchir ensemble aux premiers retours d'expérience que nous pouvons en faire, en partant du terrain.
Pour cela, nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui : le général de corps d'armée Christian Bailli, commandant de la zone de défense et de sécurité Est, qui récapitulera les actions entreprises et les moyens investis par les armées dans le cadre de l'opération « Résilience » dans la région Grand Est, ainsi que les éventuels arbitrages et situations particulières auxquels il a dû faire face ; le médecin chef des services hors classe (2S) Jacques Escarment, chef de l'Élément militaire de réanimation de Mulhouse, qui nous expliquera l'organisation et la mission de ce dispositif inédit ; et le commissaire en chef de deuxième classe Antoine de Coster, du centre de planification et de conduite des opérations de l'état-major des armées, sur la partie logistique de cette opération.
Comme vous le savez tous, la région Grand Est a été l'une des premières et des plus sévèrement touchées par la pandémie de Covid-19 en France. C'est particulièrement vrai des environs de Mulhouse, mais pas seulement. Pour cette raison, un nombre particulièrement élevé de missions conduites au titre de l'opération « Résilience » y ont été conduites depuis le déclenchement de cette opération, le 25 mars. Certaines de ces missions ont d'ailleurs précédé le lancement officiel de l'opération.
Si l'opération « Résilience » est inédite à bien des égards, elle obéit néanmoins à une doctrine établie de longue date : la règle dite des « quatre “i” », selon laquelle les moyens des forces armées sont déployés en réponse à une crise ou une catastrophe si et seulement si les moyens civils pouvant remplir la même mission sont insuffisants, inexistants, inadaptés ou indisponibles.
Insuffisants, comme l'hôpital de Mulhouse, submergé par l'afflux de patients victimes de l'épidémie, et que les 30 lits de l'élément militaire de réanimation de Mulhouse ont permis de désengorger. L'adaptation des capacités de ce dispositif à la situation sanitaire locale traduit d'ailleurs bien la nécessaire proportionnalité de l'usage des moyens militaires en renfort des moyens civils. Cette problématique a bien été évoquée hier par le chef d'état-major de l'armée de Terre, insistant sur la nécessité d'avoir des repères. Ce même point de doctrine a par ailleurs motivé la mobilisation des huit hôpitaux d'instruction des armées, et parmi eux l'hôpital d'instruction des armées Legouest de Metz.
Inexistants aussi, comme les modules de réanimation de patients à haute élongation d'évacuation (les désormais célèbres « kits Morphée »), disponibles sur les appareils de transport MRTT de l'armée de l'air ( Multi Role Tanker Transport ou Airbus A330 militarisé), et dont il n'existe aucun équivalent dans le civil.
Inadaptés, comme les hélicoptères de la Sécurité civile, qui ne sont pas prévus pour des évacuations sanitaires sur de longues distances. On leur a donc substitué des hélicoptères de l'armée de l'air et de l'aviation légère de l'armée de terre (ALAT), dont la capacité d'emport est supérieure et qui sont aisément adaptables à ce type de missions. Des patients atteints du Covid-19 ont ainsi pu être évacués hors de la région, voire du territoire national, afin de soulager davantage les services hospitaliers de la région.
Indisponibles, comme c'est le cas de certaines chaînes civiles de livraisons de masques et d'autres matériels médicaux aux établissements de santé et aux EHPAD du grand Est, fortement perturbées et submergées par l'ampleur des besoins. Des soldats appartenant aux régiments de la région ont assuré cette mission.
Comme l'illustrent ces exemples, ces critères d'intervention ont été souvent remplis, et nos armées ont donc été très régulièrement sollicitées. Cette liste que je vous ai dressée n'est d'ailleurs pas exhaustive, puisqu'elle n'inclut pas, par exemple, l'appui aux forces de l'ordre pour les missions d'escorte des convois de masques vers les sites de stockage, notamment ceux arrivant en France par l'aéroport de Vatry, ou de surveillance des hôpitaux, comme celui de Charleville-Mézières.
Conformément à notre droit, l'ensemble de ces missions se sont déroulées à la demande des autorités civiles, et ont été organisées de façon concertée avec elles.
Messieurs les généraux, Monsieur le commissaire, vous pourrez nous expliquer comment l'agence régionale de santé (ARS) du Grand Est a sollicité les armées, notamment pour les distributions de masques, l'appui logistique ou médical aux hôpitaux civils, ou encore les évacuations sanitaires.
Vous pourrez aussi nous dire comment, dans le cas des missions de surveillance des cargaisons et sites « sensibles », ce sont les préfets qui ont sollicité le renfort des armées. Les premiers retours d'expérience que vous pouvez faire de l'articulation entre autorités civiles et autorités militaires me semblent particulièrement intéressants à étudier. Vos différents retours sur cette opération seront précieux pour réfléchir aux éventuelles inflexions à donner à nos doctrines de gestion de crise ‒ sanitaire ou autre –, ainsi que sur les conséquences qu'il faudra tirer concernant le format et l'équipement des armées.
Messieurs les généraux, Monsieur le commissaire, avant de vous passer la parole, je voudrais, au nom de la Commission, vous remercier pour l'ensemble de vos actions, qui ont permis de nous protéger face à cette crise d'ampleur et d'assurer la continuité des services publics essentiels. Je vous cède donc, sans plus tarder, la parole.