Chers collègues, je suis heureuse de vous retrouver pour entendre nos deux co-rapporteures, Sereine Mauborgne et Nathalie Serre, qui viennent nous présenter leur rapport sur l'opération Barkhane, réalisé dans le cadre d'une mission d'information que j'ai présidée.
L'opération Barkhane résulte de la fusion en 2014 de l'opération Serval, lancée en 2013 à la demande de l'État malien pour stopper une offensive djihadiste vers Bamako, et de l'opération Épervier, engagée au Tchad en 1986 : seule une approche régionale permettait en effet de faire face à une menace djihadiste qui se jouait des frontières.
Barkhane est aujourd'hui la plus importante opération française, couvrant un territoire plus grand que l'Union européenne. Plus de 5 000 militaires sont déployés au Tchad, au Mali et au Niger, en lien avec l'opération des forces spéciales Sabre, présente notamment au Burkina-Faso. Les militaires de Barkhane mènent des opérations de contre-terrorisme contre le RVIM, c'est-à-dire Al-Qaida, et l'EIGS, c'est-à-dire l'état islamique, auprès des forces locales et de la force conjointe du G5 Sahel, en complément des missions de maintien de la paix conduites par la MINUSMA.
Votre rapport est important : il intervient à un moment charnière dans le déroulement des opérations. Après le Sommet de Pau qui a acté, en janvier 2020, un rehaussement de l'effort militaire contre le terrorisme dans la zone des trois frontières, il parait également après le Sommet de N'Djamena qui, en février dernier, a fixé comme priorité l'investissement dans les trois autres piliers que sont le renforcement des forces de sécurité, la consolidation des États et l'accentuation des actions de développement.
Vos travaux nous permettront donc d'évaluer l'évolution de la situation sécuritaire et politique, mais aussi d'estimer les fruits des efforts décidés à Pau ainsi que les perspectives ouvertes par celui de N'Djamena.
Mais votre rapport est aussi attendu pour mesurer la cohérence globale d'une opération qui s'inscrit dans un agenda qui dépasse les seules préoccupations militaires et les seuls intérêts français.
Barkhane est en effet bien plus qu'une opération française. Elle a aussi une dimension européenne et les États européens ne s'y sont pas trompés, la situation au Sahel représentant la principale menace pesant sur le flanc Sud de l'Union. Plus de 3 000 militaires européens sont déployés dans la région, sous commandement national, sous commandement français – la task force Takuba est une réussite –, sous commandement européen ou sous-direction onusienne. Pour ne prendre qu'un exemple, le Sahel représente le plus gros déploiement de la Bundeswehr.
Mais beaucoup plus largement encore, Barkhane est le socle de l'implication de la communauté internationale auprès d'États confrontés à des crises multiples et plurifactorielles, dont l'évolution concerne l'Europe, l'Afrique et tout le bassin méditerranéen et dont la complexité explique l'ampleur des efforts de l'ONU – la MINUSMA est l'une de ses principales missions –, mais aussi l'ambition des démarches telles que l'Alliance Sahel, la Coalition pour le Sahel ou le Partenariat pour la Sécurité et la Stabilité au Sahel.
La situation reste précaire et difficile dans de nombreuses zones, sur fond de conflits sociaux et de tensions inter et intra-communautaires : les groupes terroristes prospèrent, par métastases, sur la trop grande faiblesse des États de la région et s'adaptent aux coups portés par nos forces et les armées sahéliennes, sans que le terreau propice aux retours des États et au développement économique ne soit encore totalement prêt. L'action de la France elle-même n'est pas épargnée : nos forces perdent des hommes et de sourdes luttes autour des perceptions cherchent à saper notre légitimité à intervenir au profit des populations sahéliennes, comme les infox relatives à Bounti nous le démontrent encore.
C'est pourquoi il était important, pour notre commission et pour nos concitoyens, que vous meniez cette mission d'information en vous rendant sur le terrain et en discutant avec la plupart des parties prenantes concernées. Je tiens à saluer l'ampleur du travail que vous avez réalisé pour mettre en perspectives les enjeux de la crise au Sahel, ses répercussions sur les intérêts européens, ainsi que sur les voies et moyens qui permettront de réussir la sortie de crise.
Avant de laisser la parole à Sereine Mauborgne et à Nathalie Serre, je tiens à rendre un hommage appuyé à nos soldats qui se battent depuis 2013 dans la bande sahélo-saharienne. Je tiens à les assurer, et je sais que je peux le faire en votre nom à tous, de la reconnaissance de la représentation nationale. Je renouvelle l'expression de notre gratitude vis-à-vis de ceux qui acceptent d'exposer leur vie pour le service de la Nation, la protection de nos concitoyens et le soutien de notre politique, juste et ambitieuse, au Sahel.
Je salue la mémoire des 57 militaires qui ont laissé leur vie sur ce théâtre exigeant, et dont 51 sont « morts pour la France ». J'assure leurs familles de notre entier soutien et de notre considération.
Mes chères collègues, je vous cède la parole.